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À La Une - portrait

Ahmet Davutoglu, vizir déchu d'Erdogan

Ces divergences longtemps gardées secrètes avec le président, réputé pour son caractère bouillant, ont brusquement affleuré ces dernières semaines.

Le Parti de la justice et du développement (AKP, islamo-conservateur) au pouvoir se réunira le 22 mai en congrès extraordinaire pour désigner le successeur d'Ahemet Davutoglu qui a indiqué jeudi qu'il ne se représenterait pas, perdant automatiquement son poste de Premier ministre.

Ex-universitaire ambitieux, le Premier ministre turc Ahmet Davutoglu s'est efforcé de se tailler une place à part entière dans un paysage politique dominé par le président Erdogan, mais il n'a jamais pu échapper à l'ombre de l'homme fort du pays.

Le Parti de la justice et du développement (AKP, islamo-conservateur) au pouvoir se réunira le 22 mai en congrès extraordinaire pour désigner le successeur de M. Davutoglu, qui a indiqué jeudi qu'il ne se représenterait pas, perdant automatiquement son poste de Premier ministre.

Qualifié par l'opposition de "marionnette" du président Recep Tayyip Erdogan lorsque ce dernier l'avait nommé pour lui succéder en août 2014 à la tête du gouvernement, M. Davutoglu s'est peu à peu taillé une place sur la scène politique turque. Artisan d'une politique étrangère affirmée sous M. Erdogan, dont il a été conseiller diplomatique puis ministre des Affaires étrangères, M. Davutoglu, 57 ans, a acquis une réputation de maître négociateur. C'est lui qui a piloté, côté turc, les discussions avec la chancelière allemande Angela Merkel qui ont abouti le 18 mars à un accord avec l'Europe sur les migrants qui pourrait rapporter aux citoyens turcs une avancée historique, l'exemption de visas dans l'espace Schengen.

D'ordinaire affable et souriant, l'ex-professeur a musclé son caractère politique, donnant de la voix sur les estrades et reprenant à son compte les harangues enflammées et truffées de références à l'islam du chef de l'Etat. Dans un discours prononcé jeudi au siège de l'AKP à Ankara devant certains cadres en larmes, M. Davutoglu a défendu son bilan, affirmant avoir "travaillé nuit et jour", et rendu hommage à M. Erdogan, "le dirigeant fondateur, charismatique" du parti.

Mais ses divergences longtemps gardées secrètes avec le président, réputé pour son caractère bouillant, ont brusquement affleuré ces dernières semaines.

Artisan de la diplomatie
Favorable à la reprise des négociations avec le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) pour mettre un terme au conflit qui ensanglante le sud-est du pays, M. Davutoglu a dû s'incliner devant le chef de l'Etat pour qui l'unique solution est désormais militaire.
Le chef du gouvernement s'est également montré peu pressé de mettre en oeuvre le projet de nouvelle Constitution afin d'instaurer un régime présidentiel, que M. Erdogan appelle de ses vœux.
Et alors que le Premier ministre semblait vouloir redorer l'image de la Turquie sur la question des droits de l'homme, écornée depuis les manifestations anti-Erdogan brutalement réprimées à Gezi en 2013, le président multipliait les déclarations piquantes à destination de l'Europe.

Selon les observateurs, l'accord sur les migrants conclu avec l'UE pourrait avoir scellé le sort de M. Davutoglu, qui a pris la tête des négociations, reléguant M. Erdogan au second plan.
Les tensions entre les deux hommes ont atteint leur sommet le 29 avril lorsque le comité exécutif central de l'AKP a retiré au chef du gouvernement son pouvoir de nommer les responsables provinciaux du parti, sapant ainsi son autorité.

Lors de son discours le plus court jamais prononcé devant sa majorité parlementaire mardi, M. Davutoglu s'est dit prêt à "repousser du revers de la main toute fonction qu'aucun mortel ne refuserait", certains y voyant un signe d'abdication. Les observateurs s'attendent à ce que M. Davutoglu s'efface sans remous. "Je n'ai pas de reproches, je n'éprouve ni colère, ni rancœur", a-t-il assuré jeudi.

Né le 26 février 1959 dans la province de Konya, en plein cœur de l'Anatolie centrale, religieuse et conservatrice, Ahmet Davutoglu est père de quatre enfants.
Après avoir longtemps enseigné l'histoire des relations internationales, il est entré au service de Recep Tayyip Erdogan sitôt celui-ci arrivé à la tête du gouvernement, en 2003. Six ans plus tard, ce polyglotte (arabophone, anglophone et germanophone) reprend naturellement le portefeuille des Affaires étrangères.

L'auteur d'un livre intitulé "Profondeur stratégique" imprime alors sa marque sur la diplomatie turque. C'est l'heure de la politique du "zéro problème avec les voisins", qu'il promeut avec l'ambition affichée de rendre à la Turquie un rôle incontournable sur la scène moyen-orientale.
A partir de 2011, les "printemps arabes" vont précipiter l'échec de son projet, que ses détracteurs ont tôt fait de rebaptiser ironiquement "des problèmes avec tous les voisins".
La Turquie est aujourd'hui confrontée à l'extension de la guerre en Syrie à sa frontière, menacée par les jihadistes du groupe Etat islamique et ensanglantée par le conflit kurde dans le sud-est du pays.

Ex-universitaire ambitieux, le Premier ministre turc Ahmet Davutoglu s'est efforcé de se tailler une place à part entière dans un paysage politique dominé par le président Erdogan, mais il n'a jamais pu échapper à l'ombre de l'homme fort du pays.
Le Parti de la justice et du développement (AKP, islamo-conservateur) au pouvoir se réunira le 22 mai en congrès extraordinaire...
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