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À La Une - liberté de la presse

En Turquie, deux journalistes condamnés pour avoir publié un dessin de Mahomet signé Charlie Hebdo

"Le tribunal (pénal d'Istanbul) leur a infligé une peine de prison de deux ans", précise leur avocat.

De gauche à droite : Ceyda Karan (photo AFP/HANDOUT CUMHURIYET DAILY) et Hikmet Cetinkaya (photo AFP/HANDOUT CUMHURIYET DAILY), deux chroniqueurs turcs de renom, avaient illustré leur éditorial du 14 janvier, dans l'édition papier du quotidien Cumhuriyet, de deux versions réduites de la Une du numéro publié par Charlie Hebdo après les attentats du 7 janvier contre le siège de l'hebdomadaire à Paris.

Deux journalistes d'opposition turcs ont été condamnés jeudi pour avoir reproduit en 2015 un dessin de Mahomet à la Une de Charlie Hebdo, en solidarité avec la revue satirique française attaquée par des jihadistes, la dernière en série d'atteintes à la liberté de la presse en Turquie.

"Le tribunal (pénal d'Istanbul) leur a infligé une peine de prison de deux ans", a précisé leur avocat Bülent Utku, annonçant qu'il allait faire appel.

Les plaignants, de simples citoyens qui se sont dits offusqués par un "blasphème", ont crié "Allah Akbar" dans la salle d'audience à l'annonce du verdict, selon les médias locaux.

Hikmet Cetinkaya et Ceyda Karan, deux chroniqueurs de renom, avaient illustré leur éditorial du 14 janvier, dans l'édition papier du quotidien Cumhuriyet, de deux versions réduites de la Une du numéro publié par Charlie Hebdo après les attentats du 7 janvier contre le siège de l'hebdomadaire à Paris.
Cumhuriyet, farouche opposant du régime islamo-conservateur du président Recep Tayyip Erdogan, était le seul journal du monde musulman, et l'une des cinq publications internationales, à avoir reproduit des extraits des caricatures publiées par Charlie Hebdo.

Une vraie prise de risque dans un pays à 99% musulman, dirigé depuis 2002 par l'AKP, le parti du président Erdogan, accusé de dérive autoritaire et de museler la presse. Dès le lendemain, la justice ouvrait une information judiciaire contre les deux éditorialistes et interdisait sur le web l'éditorial illustré.

Le dessin représente le prophète Mahomet la larme à l’œil et tenant une pancarte "Je suis Charlie", le slogan des manifestants qui ont défilé en France et à l'étranger pour condamner les attaques jihadistes qui ont fait 17 morts à Paris et décimé la rédaction de la revue satirique.

 

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"Grave provocation"
Le Premier ministre turc Ahmet Davutoglu avait alors qualifié la décision de Cumhuriyet de "grave provocation". Les deux journalistes étaient accusés "d'incitation à la haine" et "d'insultes aux valeurs religieuses".
"Que cette condamnation à deux ans d'emprisonnement soit un cadeau à nos fascistes libéraux", en référence aux tenants du pouvoir en Turquie, a lancé Mme Karan, l'une des deux condamnés, sur son compte Twitter après la décision des juges.

"Grand coup porté contre la liberté d'expression et de la presse", a dénoncé Cumhuriyet, l'un des plus anciens quotidiens de Turquie et fervent défenseur de la laïcité, sur son site internet.

Cumhuriyet est une institution en Turquie, mais aussi la bête noire de l'homme fort du pays. Le journal a fait l'objet ces dernières années de nombreux procès et a été la cible d'attentats. Plusieurs de ses journalistes ont été emprisonnés. Son rédacteur en chef Can Dündar et son chef de bureau à Ankara Erdem Gül sont actuellement jugés pour espionnage après avoir passé trois mois en prison pour avoir diffusé un article faisant état de livraisons d'armes par les services secrets turcs à des rebelles islamistes en Syrie, ce que le régime turc dément.

Le régime turc est régulièrement épinglé pour ses atteintes à la liberté d'expression et le climat de travail s'est considérablement dégradé pour les journalistes, menacé de poursuites judiciaires et de prison.
La Turquie a en outre interdit ces derniers temps à plusieurs journalistes étrangers d'entrer ou de travailler dans le pays.

Début avril, à la fin d'une visite de M. Erdogan à Washington, son homologue américain Barack Obama avait dénoncé "le chemin très inquiétant" pris par la Turquie en matière de liberté de la presse.
Le week-end dernier, c'est une journaliste néerlandaise d'origine turque, Ebru Umar, qui a été détenue pendant plusieurs heures à la police dans l'ouest de la Turquie pour avoir "insulté" M. Erdogan dans un éditorial et des tweets. Elle est libre mais la justice l'a assignée à résidence dans sa ville de Kusadasi.

 

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