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Économie - Focus

Malgré la levée des sanctions, la Banque mondiale reste à l’écart de l’Iran

« (...) Il n’y a aucun projet précis visant à accorder des prêts à l’Iran à ce stade », a reconnu mi-avril le président de la Banque mondiale, l’Américain Jim Yong Kim. Archives AFP

La Banque mondiale veut éradiquer la pauvreté sur le globe mais son offensive s'arrête encore aux frontières de l'Iran, en dépit de l'allègement des sanctions contre Téhéran et des besoins économiques criants du pays.
L'institution semble, de fait, réticente à se réengager dans un pays où elle avait cessé tout nouveau projet en 2005 afin de se mettre en conformité avec les sanctions internationales imposées à Téhéran pour son programme nucléaire. « Nous suivons la situation de très près (...) mais il n'y a aucun projet précis visant à accorder des prêts à l'Iran à ce stade », a reconnu mi-avril le président de la Banque mondiale, l'Américain Jim Yong Kim.
Les autorités de Téhéran n'en ont certes pas fait la demande, mais les raisons d'une telle frilosité sont à chercher ailleurs, au croisement de l'économie et de la géopolitique, et dans la volonté de ne pas froisser le géant américain.
Premiers actionnaires de la Banque mondiale, les États-Unis soufflent le chaud et le froid sur la portée de l'allègement des sanctions obtenu par l'Iran en juillet 2015, entré en vigueur en début d'année. En théorie, les autres sanctions qui continuent de peser sur l'Iran pour son soutien au terrorisme ou son programme de missiles balistiques n'empêchent pas la Banque mondiale ou « d'autres institutions financières internationales » de s'engager dans le pays, affirme une porte-parole du Trésor américain. Mais, précise-t-elle, le représentant des États-Unis à la banque serait tenu par le mandat qui lui a été confié par le Congrès de « voter contre les prêts à l'Iran ».
Sur le papier, la banque pourrait passer outre et financer des projets de développement (transports, énergie, infrastructures...) dans un pays où la pauvreté a flambé sous l'effet de l'embargo économique. Mais, dans les faits, un froncement de sourcils de la première puissance mondiale ne pourrait pas laisser complètement indifférent.
« Il y a très clairement un risque politique pour la Banque mondiale de se voir associée à l'Iran parce que le Congrès pourrait réagir très négativement », commente Jacob Kirkegaard, expert au Peterson Institute. Dominé par des républicains vent debout contre l'accord avec l'Iran, le Congrès détient un important moyen de pression : il pourrait s'opposer au déblocage des fonds promis par les États-Unis à la Banque mondiale pour venir en aide aux pays les plus pauvres.

Complexité
Les sanctions encore en place constituent un autre obstacle de taille pour la Banque mondiale.
« Dans une situation où vous voulez financer des projets qui seront soumis à un appel d'offres international, le fait qu'il y ait encore des sanctions américaines complique clairement la situation », affirme Paul Cadario, un ancien cadre de la Banque mondiale. L'institution devrait ainsi s'assurer que ses projets ne sont en rien associés aux personnes et entreprises iraniennes qui figurent sur la liste noire américaine. Les entreprises pourraient par ailleurs hésiter avant de participer à ces projets de peur que les paiements ne « transitent par le système financier américain » et ne les exposent alors au couperet des États-Unis, relève M. Cadario, aujourd'hui professeur à l'Université de Toronto.
La Banque mondiale est déjà passée par là. En 2007, elle avait dû suspendre le versement de 5,4 millions de dollars lié à un projet datant d'avant 2005 après avoir découvert que les fonds transitaient par la banque iranienne Melli, visée par des sanctions américaines.
Au-delà du simple cas de la Banque mondiale, le retour des institutions financières en Iran est donc loin d'être acquis, au grand dam des autorités. « On leur a demandé de ne pas travailler avec les banques iraniennes et elles ont peur, c'est normal », a récemment déploré le gouverneur de la Banque centrale iranienne Valiollah Seif. En attendant, le pays commence à se détourner de la Banque mondiale, dominée par les Occidentaux, pour se rapprocher d'institutions alternatives. L'Iran est ainsi un des membres fondateurs de la Banque de développement chinoise pour les infrastructures (BAII) et cherche à rejoindre la banque fondée par les grands pays émergents des Brics.
Jérémy TODJMAN/AFP

La Banque mondiale veut éradiquer la pauvreté sur le globe mais son offensive s'arrête encore aux frontières de l'Iran, en dépit de l'allègement des sanctions contre Téhéran et des besoins économiques criants du pays.L'institution semble, de fait, réticente à se réengager dans un pays où elle avait cessé tout nouveau projet en 2005 afin de se mettre en conformité avec les sanctions...

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