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Lifestyle - La mode

Et puis Napoléon a bien voulu transférer la dentelle aux femmes...

Jusqu'à ce que Napoléon Bonaparte se plaise à la transférer aux femmes, la dentelle était un attribut du costume masculin. Coûteuse, précieuse, produite par des communautés dédiées et expertes, notamment en France, dans certains villages bretons, la dentelle était un signe de pouvoir, de richesse et de succès. Dès ce printemps et pour plusieurs saisons encore, elle retrouve une aura dominante.

Haut en dentelle chez Burberry, automne-hiver 2016-2017.

« La dentelle est l'essence de la féminité », martèle la créatrice américaine Donna Karan ; « Qu'aurais-je fait sans la dentelle », renchérit Vivienne Westwood ; « Souvent, la féminité de mes robes se révèle à travers la dentelle », affirme Élie Saab ; « La dentelle est faite de mystère. Légère et élégante, elle influe sur la créativité. Elle existe depuis toujours », souligne Karl Lagerfeld. On l'aura compris, apparue pour la première fois sur les marches (mercerie) de Venise, la dentelle, ce tissu qui n'en est pas un, tenant par la magie de ses entrelacs complexes, sans trame ni support, est d'emblée inséparable du monde du luxe et de la mode. La dentelle est cette rêverie textile, ce tracé divin que peut faire un fil sur le vide et sans lequel on ne saurait imaginer la sensualité de la lingerie ou le luxe d'une robe de mariée ou d'un fourreau de soirée, ou encore du linge de maison des grands jours.

Du crochet au métier
Longtemps, ce sont les femmes qui ont fabriqué la dentelle, d'abord avec la seule habileté de leurs mains, à l'aiguille ou au crochet. Ensuite avec un jeu compliqué de fuseaux. Il est intéressant de constater que les meilleures dentellières étaient concentrées, jusqu'au XIXe siècle, dans les villages de pêcheurs bretons. La dentelle constituait alors une ressource vitale pour des femmes dont les maris partaient en mer plusieurs mois. Lors de la crise de la sardine, relevée au début du XXe siècle, la dentelle sauva des familles entières de la famine, tout comme elle le fit en Irlande, vers 1845, en pleine maladie de la pomme de terre. Cette ressource avait très tôt intéressé un jeune ingénieur anglais de Nottingham, John Heathcoat, qui imagina un premier métier à base de bobine et de chariots. Celui-ci fut acheminé à Calais en pièces détachées, au début du XIXe siècle, à une époque où l'importation des produits anglais était interdite en France. La réputation de la dentelle de Calais est due à un savoir-faire directement lié à l'arrivée de cette machine dans cette région avant les autres. Quelques années plus tard, le métier de Heathcoat fut jumelé à un métier jacquard par un autre ingénieur nommé Leavers. Jusqu'à nos jours, ce sont encore les métiers Leavers, dont il reste moins de 300 spécimens, qui fabriquent la dentelle la plus précieuse. Célèbres pour leur gigantisme et le bruit apocalyptique qu'ils produisent en contraste avec la délicatesse de la dentelle qui en sort, les métiers Leavers, dispersés entre la Haute Loire et le Nord-Pas-de-Calais, font appel pour leur fonctionnement à des ouvriers hautement spécialisés dont la formation nécessite une dizaine d'années. Non moins de dix-sept étapes de fabrication faisant appel à dix-sept savoir-faire différents pour produire un coupon, et la demande est en constante progression. Si trois cents nouveaux dessins sont proposés chaque année, il faut savoir qu'avant chaque lancement, les 5 000 bobines qui alimentent le tissage sont rééquipées de fil selon une longue procédure manuelle. Les métiers Leavers, irremplaçables, ne peuvent bénéficier, pour continuer à fonctionner, que de pièces de rechange forgées sur-mesure. Seule contribution de la modernité : ils sont désormais commandés par ordinateur.

La délicatesse de l'intervention humaine
Depuis l'hiver dernier, avec une confirmation cet été et une véritable profusion attendue les prochaines saisons, la dentelle est la pièce maîtresse des collections prêt-à-porter. Soutenue par la haute couture, cette tendance s'explique par un regain d'intérêt d'une époque envahie par la technologie pour le fait-main. Certes, la dentelle bon marché que proposent les marques de masse n'est pas réalisée sur Leavers, mais dans les grandes usines chinoises. Entre l'industrieux et l'industriel, se perd la délicatesse de l'intervention humaine, et c'est cette dernière qui assure la haute qualité du produit. Mais il faut croire que la dentelle fait rêver à n'importe quel prix. La haute couture, élitiste par essence, ne suffit pas à faire vivre les producteurs traditionnels qui menacent régulièrement de mettre la clé sous la porte, avec leurs frais de fonctionnement exorbitants, à moins, comme elle le fait aujourd'hui, de donner une place plus grande à la dentelle dont elle ne saurait se passer. Du coup, ce ne sont plus uniquement robes et lingerie qui s'en parent, mais toutes sortes d'accessoires, du sac au soulier, en passant par le chapeau et la ceinture. La bonne nouvelle est qu'on ne s'en lasse pas.

 

Pour mémoire
Décoder la dentelle

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