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Moyen Orient et Monde - Décryptage

« La volonté et la capacité des Russes à faire pression sur Assad sont le cœur des négociations »

Le HCN attend du nouveau round de discussions une clarification indiscutable du terme « transition ».

L’envoyé spécial des Nations unies en Syrie, Staffan de Mistura, à Genève pour la reprise des négociations de paix. Denis Balibouse/Reuters

« En décembre 2015, il y a eu une conférence à New York réunissant les Amis de la Syrie, coprésidée par le secrétaire d'État américain, John Kerry, et le ministre russe des Affaires étrangères, Serguei Lavrov. M. Kerry affichait, comme à son habitude, un grand sourire, multipliant les gestes d'attention, de politesse et les plaisanteries. Mais quand il a fallu expliquer le rôle de la réunion, c'est M. Lavrov qui a mené la discussion, c'est M. Lavrov qui s'est occupé du contenu. Ce qui a marqué les esprits des gens qui étaient dans la salle. »

Rapportée par un diplomate arabe de haut rang qui a souhaité gardé l'anonymat, cette anecdote met en lumière la mainmise des Russes sur le dossier syrien. Même si les deux superpuissances ont travaillé ensemble pour parrainer la trêve, qui est entrée en vigueur le 27 février dernier, c'est bien Moscou qui mène la danse sur les plans militaire et diplomatique. « Depuis septembre, les Américains sont devenus, de leur propre gré, un acteur secondaire du conflit syrien », confie le diplomate. « Il ne faut pas s'attendre à grand-chose du côté de Washington. Les hauts responsables américains répètent que la Syrie, c'est compliqué, qu'il faut travailler avec les Russes. Ils sont davantage focalisés sur une opération de grande envergure sur Raqqa que sur une participation au règlement politique de la crise syrienne. C'est ce qui apparaît plus important pour l'opinion publique et pour le bilan d'Obama. Quant aux Européens, ils sont inexistants ! » relève le diplomate.

Le départ d'Assad
Devenu maître du jeu militaire, depuis le début de son intervention en septembre dernier, Moscou a multiplié ces dernières semaines les déclarations visant à promouvoir une solution politique.
Mais ces déclarations sont-elles sincères ? En annonçant, le 14 mars dernier, le retrait de la majeure partie des forces russes déployées en Syrie et en déclarant que la mission avait été « globalement accomplie », le président russe Vladimir Poutine avait laissé croire que Moscou se concentrerait alors prioritairement sur la recherche d'une solution politique. Certains voyaient d'ailleurs dans cette annonce le signe d'un mécontentement du Kremlin vis-à vis de l'intransigeance de Damas concernant les négociations de paix. Mais force est de constater que non seulement le retrait de Moscou s'est avéré limité, mais qu'en plus, les forces russes ont largement participé à la reprise de Palmyre le 28 mars dernier.
Fort de ce succès symbolique, le président syrien Bachar el-Assad se voit conforter dans sa volonté de reconquérir toute la Syrie et de refuser toutes négociations sérieuses. Preuves de sa détermination à vouloir conserver le pouvoir, le régime a affirmé que la question du départ du président était une ligne rouge et a organisé des élections législatives le jour de la reprise des négociations de Genève.

En position de faiblesse sur le terrain, l'opposition syrienne, représentée par le Haut Comité de négociations, continue de réclamer le départ de Bachar el-Assad dans le cadre d'une transition politique. Mais le régime, qui n'a jamais prononcé le mot « transition », ne semble être prêt qu'à partager une partie de son pouvoir dans le cadre d'un gouvernement de coalition avec l'opposition. « Nous attendons de ces négociations une clarification de ce qu'on entend par transition. Nous attendons un ordre du jour clair qui parle de transition politique, et (Staffan) de Mistura (NDLR : l'envoyé spécial de l'Onu en Syrie) s'est engagé à cela. Nous voulons un changement de système politique, ce qui implique une vraie autorité de transition et non pas un partage du pouvoir. C'est prévu par Genève 1 et par la résolution 2254, et nous ne sommes pas disposés à parler de moins que cela », précise Basma Kodmani, porte-parole du HCN, à L'Orient-Le Jour, ajoutant que le « régime n'est pas prêt à négocier par sa propre volonté mais que les grandes puissances peuvent faire pression sur lui ».
« La volonté et la capacité des Russes à faire pression sur Assad sont le cœur de ces négociations », renchérit le diplomate arabe.

 

(Lire aussi : Reconstruire la Syrie, un préalable nécessaire au retour de la paix)

 

Le plan B des Américains
Les Russes veulent-ils vendre la carte Assad ? Et le peuvent-ils en préservant leurs intérêts en Syrie ? C'est là tout l'enjeu de ces nouvelles négociations. « Les Russes ont empoché beaucoup de cartes, c'est à eux de les remettre sur la table », explique Mme Kodmani. Attachés à la sauvegarde du régime et des institutions syriennes, les hauts responsables russes répètent à l'envi « qu'ils ne sont pas mariés à Bachar el-Assad ». « Les Russes laissent croire qu'ils veulent vraiment un compromis politique et qu'Assad ne se plie pas assez à leur volonté. Ils ne peuvent pas soutenir ad finitum Assad, mais tant que les Iraniens sont là, tant que les milices sont là, le régime a une marge de liberté par rapport aux Russes. Et Assad joue sur la rivalité irano-russe », analyse le diplomate arabe.
« Nous ne savons pas quelles sont les lignes qui définissent la position des Russes. Nous n'avons pas d'indication sur le fait que les Russes aient compris qu'ils ne pouvaient pas continuer à protéger Assad », admet Basma Kodmani qui considère que « les Russes et les Iraniens n'ont pas les mêmes objectifs ultimes, mais que leurs intérêts convergent pour l'instant ».

Moscou est-il sincère dans sa volonté de trouver une solution politique ou cherche-t-il à gagner du temps sachant que l'évolution de la situation sur le terrain lui est favorable ? Ces nouvelles négociations devraient apporter quelques éléments de réponse. Mais au-delà de la question de la sincérité de son attitude, c'est surtout sa marge de manœuvre politique qui sera déterminante. Moscou peut-il trouver un compromis politique qui garantit ses intérêts, qui écarte M. Assad et qui sauvegarde les institutions syriennes ? Pour l'heure, rien n'est moins sûr.
Alors que la trêve est actuellement menacée par la reprise des hostilités, notamment dans la province d'Alep, le Wall Street Journal rapportait mercredi les propos de plusieurs officiels américains faisant état de l'élaboration d'un plan B par la CIA en cas d'échec du cessez-le-feu en Syrie. Ce plan impliquerait une livraison d'armes lourdes, notamment des armes antiaériennes, aux forces de l'opposition. Interrogée sur l'existence d'un tel plan, Basma Kodmani s'est contentée de répondre que « l'option politique n'est pas exclusive mais elle est prioritaire jusqu'au bout, puisqu'elle est favorable à l'opposition modérée. C'est pourquoi c'est notre premier choix ».
Le premier, mais pas le seul...

 

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« En décembre 2015, il y a eu une conférence à New York réunissant les Amis de la Syrie, coprésidée par le secrétaire d'État américain, John Kerry, et le ministre russe des Affaires étrangères, Serguei Lavrov. M. Kerry affichait, comme à son habitude, un grand sourire, multipliant les gestes d'attention, de politesse et les plaisanteries. Mais quand il a fallu expliquer le rôle de...

commentaires (7)

pour que certain comprennent mieux ... sinon c'est l'Ukraine qui devait basculer !!

Bery tus

16 h 40, le 15 avril 2016

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Commentaires (7)

  • pour que certain comprennent mieux ... sinon c'est l'Ukraine qui devait basculer !!

    Bery tus

    16 h 40, le 15 avril 2016

  • et pour finir ou je ne suis pas d'accords avec cet article, je crois qu'il faut que je le precise car d'autres ne comprennent pas rapidement, c'est le fait que les Russes ne font pas la loi ni ne suplante les USA dans ce coin du monde .. il y a eu un desengagment voulu et programmer des US en accords avec les russes ... mais attendons apres les elections Presi US pour voir ce que vas etre la politique US mais si c'est encore democrate je crois alors que ce statut quo as perdurer sinon avec les républicains tout vas changer je voudrais ici rappeler que les USA regarde et se dirige vers l'asie car c'est la que le centre de gravite mondial vas se deplacer ou c'est deja placer !! comprennent qui pourront !!!

    Bery tus

    14 h 36, le 15 avril 2016

  • Encore un cocu onusiens ...qui prend ses rêves pour des réalités improbable...cela donne une dimension des fiasco onusiens...

    M.V.

    14 h 32, le 15 avril 2016

  • Avant la russe ils disaient la russia vas casser la tête aux USA hahah maintenant ils acceptent la connivence hahah mais comme l'habitude selon leur propre terme et non selon le terme du dictionnaire !!

    Bery tus

    13 h 50, le 15 avril 2016

  • Voilà pourquoi j'aime vos analyses Mr Samrani, vous dites les choses comme elles sont , cela éclaire sur la présence russe " primordiale " sur celle des us "secondaires" , comme vous le soulignez si bien . Cette "connivence" bien expliquée aux ignares du vocabulaire , on passe à une chose plus sérieuse. Assad pour les russes est comme natibaba et ses 40 voleurs pour les us.Rappelez vous la réception au Kremlin de ce héros. Peu importe l'homme, pourvu que l'influence et la présence soit préservée, les russes sont alliés aux Assad héroïque, depuis l'époque soviet , et après la chute du mur, les brassages entre syriens et russes sont incalculables , les points stratégiques de l'alliance dépassent les basses négociations mercantiles d'hommes, où voyez vous que les russes abandonneraient une proie pour l'ombre? ????? Mr Samrani où est l'alternative à Bashar le heros, Mme kodmani , écartée pour mauvaise gestion (économique ) de " l'opposition " ? Ou les autres qui ont suivi à la série? Pour l'occident effaré l'exemple lybien brûle encore et se pose des questions sur l'éviction d'un dictateur pour mettre qui a la place ? Des décapiteurs egorgeurs etc...? Vous voulez des dictateurs , en voilà, Sissi n'en est il pas un ? La famille des bensaouds , les bahreinis ? Etc... Le bâton des armes plan B ? OK, plan B au Yémen , plan B en Irak, plan B en afghanistan, mais russo-iranien cette fois . J'adore vous lire Samrani. Ne soyez pas court.

    FRIK-A-FRAK

    12 h 24, le 15 avril 2016

  • UKRAINE ET INSTALLATIONS D,ARMES BALISTIQUES TOUT AUTOUR DANS LES PAYS EN FRONTIERES OU PROCHES DE L,UNION RUSSE DEUX DOSSIERS EXTREMEMENT LIES... POUTINE : J,EXECUTE MA PART DE L,ENTENDEMENT... EXECUTEZ AVANT CELLE DU VOTRE...

    LA LIBRE EXPRESSION

    09 h 07, le 15 avril 2016

  • Poutine cherche qlq chose d'autre qui n'est certainement pas en syrie .. c'est mon avis base sur son attitude geopolitique et diplomatique !!

    Bery tus

    03 h 06, le 15 avril 2016

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