Le Front al-Nosra (branche syrienne d'el-Qaëda) allié aux rebelles a mené des offensives synchronisées sur plusieurs fronts en Syrie, dans un contexte où le cessez-le feu déjà moribond depuis quelques jours pourrait être totalement remis en cause et compromettre la recherche d'une issue politique négociée. Deux jours avant la reprise des pourparlers de Genève, les combattants du Front al-Nosra et leurs alliés rebelles ont lancé des attaques simultanées dans les provinces d'Alep, de Hama et de Lattaquié conformément à l'annonce faite par le groupe al-Nosra à la mi-mars après le désengagement partiel russe de Syrie.
Ces nouveaux développements ont d'abord été favorisés par l'entrée en vigueur le 27 février dernier du cessez-le-feu parrainé par Moscou et Washington. Bien que les deux groupes al-Nosra et État islamique (EI) aient été exclus de son application, le nouveau contexte résultant du retrait militaire partiel des troupes russes et la concentration des efforts des forces gouvernementales sur le groupe État islamique, notamment à Palmyre, a favorisé une plus grande mobilité des combattants d'al-Nosra leur permettant ainsi de reconstituer leurs forces et de se coordonner.
Mais, pour Éric Dénécé, docteur en Science politique et directeur du Centre français de recherche sur le renseignement (CF2R), ces offensives traduisent « une mauvaise appréciation du rapport de forces sur le terrain lié au désengagement partiel russe ». Si Moscou semble avoir allégé son dispositif militaire en Syrie, ils n'en ont pas moins consolidé leur présence sur le terrain par la restructuration de l'armée syrienne et la recomposition du 4e corps d'armée, et le rôle majeur des experts militaires dans l'encadrement de l'armée conventionnelle.
(Lire aussi : Dans des villages syriens, les Russes se posent en artisans de la paix)
Mais ces nouveaux développements ont été rendus possibles par un soutien accru des sponsors des groupes jihadistes qui renforcent leur capacité de nuisance. Il faut surtout voir, dans ce nouveau contexte opérationnel, selon Michel Goya, chef du bureau de recherche au Centre de doctrine et d'emploi des forces de l'armée de terre française, enseignant et écrivain, l'implication des Turcs qui ont accéléré l'envoi d'équipements militaires et dont l'intransigeance dans l'approche du conflit syrien a affaibli les chances déjà minces de parvenir à un début d'accord. Pour Éric Dénécé, cette évolution est davantage l'expression d'une convergence stratégique entre l'Arabie saoudite, le Qatar et la Turquie, appuyée par les États-Unis qui ont repris leur livraison d'armes et d'équipements aux rebelles de l'ASL infiltrés par al-Nosra, et relancer le programme de formation et d'entraînement de dizaines de rebelles fin mars 2016.
Ce contexte apparaît comme un nouveau révélateur du désaccord entre Américains et Russes, parrains du cessez-le-feu et qui depuis février avaient affiché la volonté de mutualiser leurs efforts pour renforcer l'option diplomatique. Le cessez-le-feu semble difficilement pouvoir résister à ces nouveaux développements sur le terrain, or il constitue un préalable pour réunir à la même table les acteurs politiques de la crise. Un nouveau coup de canif dans le processus de paix vient d'être donné, l'heure ne semblant pas encore au compromis politique.
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commentaires (4)
Grâce à vous, je constates ...que depuis le prix du barils à baisser....
M.V.
14 h 21, le 12 avril 2016