Rechercher
Rechercher

À La Une - Polémique

Traiter un coiffeur de "PD" n'est pas homophobe : une décision de justice fait scandale en France

"Les salons de coiffure emploient régulièrement des personnes homosexuelles", estime une juridiction en France.

Traiter un coiffeur de "PD" n'est pas un acte homophobe car "les salons de coiffure emploient régulièrement des personnes homosexuelles", estime une juridiction en France. Photo d'illustration Bryan Bedder/GETTY IMAGES NORTH AMERICA/AFP

Traiter un coiffeur de "PD" n'est pas un acte homophobe car "les salons de coiffure emploient régulièrement des personnes homosexuelles" : ce jugement rendu par la juridiction compétente en France pour trancher les conflits du travail suscite un tollé.

"Je trouve ça profondément scandaleux (...), choquant", a réagi vendredi la ministre du Travail, Myriam El Khomri, sur la radio RTL. "Je ne comprends pas comment dans une décision de justice, on puisse en référer à des stéréotypes et des préjugés", a commenté, stupéfait, Slimane Laoufi, un responsable des services du Défenseur des droits, instance consultative de lutte contre les discriminations.

Même son de cloche sur les réseaux sociaux et parmi les associations de la communauté LGBT (homosexuelle, bi- et transsexuelle), inquiètes d'une décision qui "peut contribuer à renforcer le climat homophobe".

Le jugement en cause remonte au 16 décembre mais il n'a été révélé que jeudi par le quotidien Metronews. Il émane du tribunal des prud'hommes de Paris, composé paritairement de représentants des organisations patronales et des syndicats de salariés.

Tout commence en octobre 2014 avec un SMS adressé par erreur à un jeune coiffeur en période d'essai dans un salon de la capitale française. Dans ce message destiné à une tierce personne, une gestionnaire du salon fait part de son intention de se séparer de l'employé.

"Je ne garde pas (l'employé, NDLR), je le préviens demain (...) je ne le sens pas ce mec : c'est un PD, ils font tous des coups de putes", affirme-t-elle, selon les faits relatés dans le jugement, consulté vendredi par l'AFP.
Effectivement licencié le lendemain, le jeune homme, qui souhaite conserver l'anonymat, s'estime victime de discriminations liées à son orientation sexuelle et attaque son employeur devant la justice prud'homale, avec le soutien du Défenseur des droits.

"Quand je l'ai rencontré, c'était quelqu'un de détruit. Il était rentré se réfugier chez sa famille. Il a fait plusieurs mois de thérapie", a raconté à l'AFP son avocat, Me David Caramel.

Au cours de la procédure, la direction du salon argue d'une "lenteur" et de "difficultés d'intégration" du coiffeur licencié. Tout en reconnaissant "le caractère et la teneur inappropriés du SMS", elle considère que le terme "PD" n'est qu'"un simple abus de langage" sans caractère "péjoratif ou homophobe dans l'esprit de la manager". Cette dernière "ne fait plus partie de l'effectif aujourd'hui", explique à son propos l'avocat du salon, Me Jean-Baptiste Vienne.

 

(Pour mémoire : "On nous présente à nouveau comme des gens pas normaux")

 

"Condensé d'insultes"
Au final, le Conseil des prud'hommes a repris à son compte les arguments de l'employeur en invoquant "le contexte du milieu de la coiffure".

Selon son jugement, "le terme de +PD+ employé par la manager ne peut être reconnu comme propos homophobe car il est reconnu que les salons de coiffure emploient régulièrement des personnes homosexuelles notamment dans les salons de coiffure féminins, sans que cela pose de problèmes".

L'employeur n'a donc pas été condamné pour "discriminations", mais pour "propos injurieux". Le jeune coiffeur, auquel 5.000 euros ont été attribués pour "préjudice moral", a fait appel. "On ne peut pas se contenter de dire que ce n'était qu'un propos malheureux", dénonce son avocat, soulignant que le SMS incriminé "a bien été suivi d'actions" puisque son client a perdu son emploi.

Nicolas Noguier, président et fondateur du Refuge, une association française d'aide aux jeunes victimes d'homophobie ou de transphobie, peste contre un jugement "clairement homophobe", qui "véhicule des clichés tels que : +les coiffeurs pour dames sont des pédés+". "C'est vraiment un condensé en trois ou quatre lignes de toutes les insultes que peuvent subir les jeunes qu'on accompagne", déplore-t-il.

Clémence Zamora-Cruz, porte-parole de l'Inter-LGBT, "condamne" de son côté "l'homophobie ordinaire" d'une décision qui "peut contribuer à renforcer le climat homophobe, déjà important" dans le pays, notamment en milieu professionnel. L'Union nationale des entreprises de coiffure (Unec), insistant sur "l'ouverture" du métier, s'est indignée d'un jugement qui "ferait des salons de coiffure des zones de non-droit" en termes de discriminations.

 

Pour mémoire

Il y a plus de 250 ans, la dernière exécution d'un couple homosexuel à Paris

Traiter un coiffeur de "PD" n'est pas un acte homophobe car "les salons de coiffure emploient régulièrement des personnes homosexuelles" : ce jugement rendu par la juridiction compétente en France pour trancher les conflits du travail suscite un tollé.
"Je trouve ça profondément scandaleux (...), choquant", a réagi vendredi la ministre du Travail, Myriam El Khomri, sur la radio RTL. "Je...

commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut