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Économie - Finance

La « guerre des monnaies » connaît une trêve, mais sera-t-elle durable ?

Une coordination est compliquée car les intérêts des banques centrales, Fed d’un côté et BCE et BoJ de l’autre, restent diamétralement opposés. Philippe Huguen/AFP

La « guerre des monnaies » semble connaître une trêve ces dernières semaines, mais les analystes s'interrogent : les banques centrales ont-elles durablement changé leur fusil d'épaule et peuvent-elles vraiment cesser d'intervenir sur leur devise ?
Il s'agit en réalité « des banques centrales qui luttent pour leurs propres intérêts tout en tenant compte de ce que les banques centrales concurrentes font », explique Sylvain Loganadin, analyste chez FXCM. « Nous pensons que la guerre mondiale des devises connaît une trêve », ont toutefois récemment estimé les économistes de la banque HSBC. « Épuisée par la bataille, il semble que la BCE (Banque centrale européenne) a abandonné son combat visant à orchestrer une inflation plus élevée à travers un taux de change affaibli. Et la Banque du Japon (BoJ) s'est rendue compte des limites de la guerre des monnaies quand la mise en place de taux d'intérêt négatifs n'est pas parvenue à entraîner un affaiblissement du yen », relèvent les experts de HSBC.
La BCE a en effet semblé jeter l'éponge le 10 mars dernier, en axant ses nouvelles mesures de soutien monétaire sur l'accès au crédit pour relancer l'économie de l'Union monétaire, prenant ainsi ses distances avec la quête de l'euro faible. « Les banques centrales innovent et ajustent leur discours », soulignent les économistes de la banque Barclays. La BCE tourne son attention « vers la détente du crédit et la stimulation de la demande interne », tandis que la Réserve fédérale américaine (Fed) est devenue plus prudente, ce qui a affaibli le dollar, expliquent ces experts.

Accord secret à Shanghai ?
En outre, « dans le contexte mondial (tourmenté, NDLR) de ces derniers mois, la réaction de la BCE et de la Fed peut laisser à penser qu'il y a eu une sorte d'accord implicite passé entre les grandes banques centrales » lors du G20 tenu fin février à Shanghai, relève-t-on chez Barclays. Pour HSBC, le faible éventail de mouvements du taux de change de l'euro face au dollar ces dernières semaines correspond à l'idée que certains se font d'une action coordonnée des banques centrales.
Mais s'il existe un tel accord, « pourquoi le garder secret? », s'interroge Julian Jessop, économiste chez Capital Economics. « Si les responsables pensaient réellement que les taux de change s'étaient dangereusement éloignés des fondamentaux (économiques) et que la force du dollar était un problème majeur, pourquoi ne pas le dire ? », car une « simple intervention verbale aurait pu suffire », estime M. Jessop.
Le fait est qu'une coordination est compliquée car les intérêts des banques centrales, Fed d'un côté et BCE et BoJ de l'autre, restent diamétralement opposés car pour revigorer leurs économies respectives, elles ont chacune besoin d'une devise affaiblie face à leur principale contrepartie.
« Le but d'une dévaluation de sa monnaie est de stimuler les exportations pour compenser une croissance flasque et faire s'accélérer l'inflation en augmentant le prix des importations », rappelle Jasper Lawler, analyste chez CMC Markets. Ainsi, pour Sylvain Loganadin, « les banques centrales ont besoin de pouvoir contrôler un minimum les devises dans la mesure où elles se doivent d'atteindre certains objectifs au cours de leur mandat ».
« Si les devises n'étaient plus contrôlées par les banques centrales, nous aurions des mouvements de marché similaires à ceux du "Bitcoin" avec de fortes périodes de spéculations puis éclatements de bulles, ce qui aurait un effet dramatique sur l'économie réelle, alternant phases d'hyperinflation et de déflation », prévient M. Loganadin.
Mais tout accord ou trêve reste à la merci d'un élément volatil : la Chine, dont la devise reste contrôlée. « La PBoC (Banque centrale chinoise) a tendance à faire cavalier seul en adoptant des mesures surprises » dont les effets « se propagent ensuite aux États-Unis et en Europe », observe M. Loganadin. Et cette imprévisibilité de la deuxième puissance économique mondiale reste une source d'inquiétude majeure pour les cambistes.
Alice DORÉ/AFP

La « guerre des monnaies » semble connaître une trêve ces dernières semaines, mais les analystes s'interrogent : les banques centrales ont-elles durablement changé leur fusil d'épaule et peuvent-elles vraiment cesser d'intervenir sur leur devise ?Il s'agit en réalité « des banques centrales qui luttent pour leurs propres intérêts tout en tenant compte de ce que les...

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