Régulièrement, les grandes ONG internationales tirent la sonnette d'alarme. Régulièrement, elles rappellent à qui veut bien les entendre les conditions de vie dans lesquelles vivent les Yéménites. Entre un pouvoir déliquescent, des rebelles qui ne lâchent rien et des groupes terroristes qui prospèrent et progressent, la population souffre. Un tel scénario fait évidemment penser à la Syrie, à la différence notable que la communauté internationale n'est pas aussi prompte à se soucier du sort des Yéménites que de celui des Syriens. Depuis l'implication directe de la coalition menée par l'Arabie saoudite en mars 2015, plus de 6200 personnes ont perdu la vie au Yémen. Parmi elles, des militaires, des jihadistes, mais aussi une moitié de civils. Le frère de Mohammad en fait partie. Comme Ahmad, également résident de Sanaa depuis toujours, il raconte pour L'Orient-Le Jour son quotidien. Ces deux jeunes hommes ne se battent pas, ne soutiennent pas formellement un camp, mais leur vie n'en a pas moins radicalement changé depuis un an.
« J'espère pouvoir finir mes études... »
Mohammad, 23 ans, est responsable en marketing à Sanaa. « Je ne fais partie d'aucun camp dans cette guerre. Je ne suis pas houthi et je ne supporte pas non plus particulièrement le gouvernement... Cependant, oui, la guerre m'affecte. Il n'est plus possible de se sentir étranger à ce qui se passe », se désole-t-il. « J'avais entamé un projet économique dans le cadre de mon travail, je n'ai pas pu le mener à terme. Sans moyens de communication, sans possibilité de se déplacer... Ce n'était pas possible. Il est très difficile de trouver un travail en ce moment, la situation est trop instable », dit-il.
Interrogé sur son quotidien, il explique que ce n'est que « récemment » qu'il a pu acheter un générateur électrique : « Nous étions privés de courant depuis 9 mois ! Les besoins les plus nécessaires ne sont plus assurés ou alors ils sont trop chers. Pour avoir de l'eau, il nous faut aller dans une zone éloignée et dangereuse, même les centres de santé sont en train de disparaître », détaille le jeune homme.
« Les explosions peuvent nous surprendre à tout moment, c'est difficile d'être prévenus. J'ai perdu mon grand frère dans un raid aérien, je ne sais pas qui a tiré... Je n'attends pas grand-chose des étrangers, la raison du problème, c'est nous-mêmes. J'espère pouvoir finir mes études, au Yémen ou ailleurs », soupire-t-il.
Mariage annulé
Ahmad al-Mansour, 26 ans, est professeur à l'Université de Sanaa. « Tant de choses ont changé depuis le début de la guerre... Je ne suis pas impliqué directement dans le conflit, mais ce qui se passe depuis un an concerne et affecte chacun, à travers tout le pays. Je devais partir en France dans le but de continuer mes études et d'y obtenir un master. Mais ce conflit a tout arrêté », raconte-t-il.
« Des bombardements aériens ont détruit ma maison en grande partie. Je devais me marier cette année, ça a été annulé. Mon habitation est trop endommagée, ce n'est plus possible. La vie quotidienne à Sanaa n'est plus la même. Je ne peux plus voir mes amis en ayant le sentiment d'être en sécurité, je ne peux plus voyager à l'intérieur du pays », explique-t-il.
La frustration du jeune enseignant est prégnante. « Nous n'avons pas d'électricité non plus. Il n'est possible de s'en procurer qu'avec les panneaux solaires et les batteries, qui doivent être changées tous les six mois. Nous ne parlons même plus de services publics, seulement 5 % de ce qui fonctionnait est encore en état de marche... Les vaccins pour les enfants dans certains centres de santé par exemple. Mais c'est à peu près tout. Mes petits frères devraient pouvoir retourner à l'école, cela fait huit mois qu'ils sont enfermés à la maison, ça les rend fous ! Et lire la presse devient de plus en plus difficile, les journaux sont très partisans... Nous ne savons pas toujours ce qui se passe réellement. Je vais rester ici parce que j'aime mon pays. Si la situation ne le permet pas, je partirai, mais j'espère pouvoir aider le Yémen à se développer un jour. »
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