La séance électorale pour l'élection d'un président a été reportée pour la trente-septième fois hier, pour cause de défaut de quorum. La prochaine séance a été fixée au 18 avril prochain. Malgré le vent d'optimisme entretenu par le chef du courant du Futur, Saad Hariri, la routine du blocage a paru se réinstaller avec ce nouveau report – le second depuis son retour à Beyrouth. Le taux de présence record des députés à la précédente séance, qui s'était élevé à 72 députés (le quorum exigé est de 86), avait semblé annoncer un déblocage prochain de la présidentielle, par un forcing mené par les centristes et le courant du Futur.
Mais ce taux de participation a été revu à la baisse hier, seuls 62 députés s'étant rendus à l'hémicycle.
Et la configuration de la séance reportée est restée, bien entendu, inchangée : les boycotteurs continuent d'utiliser « leur droit constitutionnel » de ne pas se rendre à l'hémicycle, quand bien même ce sont deux candidats, issus de leurs rangs, qui sont en lice, le troisième en lice étant le député centriste Henri Hélou.
En contrepartie, les mêmes parties continuent de se rendre à la séance : le courant du Futur, les Forces libanaises – même si le député Georges Adwan s'est absenté hier, les Kataëb, le Parti socialiste progressiste et Amal. Les députés de leurs blocs respectifs invoquent « un devoir de combler la vacance présidentielle », même s'ils savent que le déblocage nécessite un consensus national.
Pour le député Samy Gemayel, cette scène qui se répète pour la trente-septième fois est « une mascarade ». S'étonnant pour sa part que « les boycotteurs soient les candidats à la présidentielle », le député Élie Marouni les a qualifiés de « fantômes ».
Ce même terme avait été accolé aux boycotteurs dès les premiers mois de la vacance présidentielle. C'est dire que le cercle du blocage a conduit à l'épuisement même du lexique politique. La patience de ceux qui continuent néanmoins de se rendre au Parlement, et de dénoncer le blocage, n'en est pas moins louable.
Rentré la veille d'un voyage en France et en Arabie, le député Saad Hariri s'est rendu hier à l'hémicycle pour la deuxième fois consécutive : il s'est dit « très patient ».
Lors d'un point de presse, il a une nouvelle fois pointé du doigt les boycotteurs, dénonçant l'abus de ce qu'ils estiment être leur droit de ne pas élire un président de la République. « C'est la 37e séance et nous sommes venus exercer notre devoir constitutionnel d'élire un président », a-t-il déclaré, ajoutant que « malheureusement, le boycottage se maintient comme auparavant ». Pour lui, « l'absence d'un bon nombre de députés prouve que certains veulent bloquer la présidentielle, ce qui est inacceptable ».
Aoun et « la légitimité » versatile
La baisse du nombre de présents, en comparaison avec la séance antérieure, n'a pas paru ébranler son optimisme, quand bien même il avait prévu, pour hier, la participation de plus de 80 députés. « Je suis optimiste. Certains députés sont à l'étranger et d'autres ne se sont pas rendus à la séance, mais je suis sûr que s'il y avait une pression réelle, le nombre aurait pu atteindre 80 ou 83 députés, voire plus », a-t-il relevé, en réponse à une question. Considérant la présidentielle comme clé de voûte de la relance institutionnelle, il a tenu à affirmer que le président de la Chambre était de son avis. « Le président Nabih Berry et moi pensons que l'élection d'un nouveau chef de l'État résoudrait de nombreuses crises dans le pays », a-t-il confié. « Notre pays est démocratique et a une Constitution. Un président doit être élu, et nous poursuivrons nos efforts dans ce sens », a ajouté M. Hariri.
En revanche, le chef du bloc du Changement et de la Réforme, le général Michel Aoun, estime que c'est l'élection d'un nouveau Parlement qui préludera à tout le reste. À une question sur la légitimité du Parlement, Saad Hariri a répondu : « Ce Parlement est légitime. Et si le général Aoun affirme qu'il est illégitime, cela ne veut pas dire qu'il l'est. Si nous avions élu le général Aoun à la présidence, le Parlement serait devenu légitime à ses yeux. »
D'une manière générale, Saad Hariri a estimé que « ceux qui boycottent les séances électorales sont responsables de tous les problèmes dans le pays ». D'ailleurs, « le Nord et le Tripoli paient le prix du boycottage », a-t-il relevé, rappelant que « Tripoli est en tête des villes méditerranéennes les plus pauvres ». Il a annoncé à cet égard qu'il soutenait le projet présenté par le député Robert Fadel pour combattre la pauvreté. « Nous lancerons bientôt une initiative avec lui », a révélé Saad Hariri.
La revitalisation socio-économique du pays serait en effet la priorité du chef du courant du Futur, et aurait d'ailleurs motivé sa décision d'appuyer la candidature du député Sleiman Frangié : bien que controversé, cet appui a semblé être le seul moyen d'inciter le Hezbollah au déblocage de la présidentielle, celle-ci étant, pour lui, un préalable nécessaire pour relancer l'économie.
Interrogé sur la perspective d'un dialogue prochain avec le secrétaire général du Hezbollah, M. Hariri a répété qu'il n'était « pas contre cette idée », avant de rappeler toutefois qu'un « véritable dialogue doit mettre fin aux problèmes actuels et aux risques auxquels le pays est confronté ». Il a veillé en outre à souligner une nouvelle fois que « l'élection d'un nouveau président reste une priorité pour moi ».
Sur la possibilité, pour Sleiman Frangié, de prendre part à la prochaine séance, il s'est contenté de répondre : « Sleiman bey est maître de sa propre décision. Nous pouvons seulement espérer qu'il participera à la prochaine séance. »
Pour ce qui est enfin de la perspective d'un compromis irano-saoudien qui donnerait naissance à une nouvelle candidature consensuelle, c'est-à-dire centriste, le chef du courant du Futur a laissé entendre qu'il tenait au candidat actuel qu'il soutient dans les rangs du 8 Mars. « Le dialogue irano-saoudien est un dialogue entre deux pays qui sont en désaccord sur plusieurs questions, et il ne fait pas de doute que ce dialogue améliorerait beaucoup de situations dans la région. Toutefois, au Liban, nous avons deux candidats du 8 Mars. » Et de lancer, dans une énième tentative d'embarrasser le Hezbollah : « Hassan Nasrallah a dit qu'ils avaient gagné (devant l'appui par le 14 Mars à deux candidats issus du 8 Mars, NDLR), alors pourquoi ne célèbrent-ils pas cette victoire à l'hémicycle ? Nous pouvons élire l'un des deux candidats issus de leur rang, qu'ils se rendent donc à la place de l'Étoile. Et pour le Courant patriotique libre, qui aurait l'intention de descendre dans la rue, pourquoi ne pas emprunter plutôt le chemin du Parlement ? »
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BERY DIT BIEN LES CHOSES...
LA LIBRE EXPRESSION
21 h 36, le 25 mars 2016