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Culture - Mois de la francophonie

Philosophe, certes, mais ni musicien ni mélomane, juste musicolâtre...

« Il faut faire de la philosophie pour la philosophie. Ce n'est pas un rapport au savoir-faire, mais un rapport au savoir tout court. » C'est ainsi que Gilles Hobeika aborde la philosophie, en avouant enseigner à ses élèves qu'elle ne sert à rien, mais qu'elle est une fin en soi.

« Pourquoi les hommes font-ils de la musique ? Comment peut-elle également devenir du bruit ? Est-elle seulement plaisir ? » Photo D.M.

Regard Méditerranée – cette mer originelle vers laquelle il revient dans un mouvement de ressac – et cheveux en friche pour ce jeune philosophe né en France en 1982 et établi au Liban. Après avoir décroché un master à Strasbourg où il enseignera, Gilles Hobeika passe quelques années à Abidjan pour enfin avoir le choix du pays du Cèdre et s'en réjouir. « Le Liban n'est pas un plat pays, dit-il. « Il m'arrive d'avoir une forme de nostalgie, celle d'imaginer combien ce pays aurait pu être beau, seulement si... »
Gilles Hobeika anime depuis un an de « petites conférences familières de philosophie » à l'Institut français de Beyrouth. Histoire d'honorer l'amour de la sagesse avec des sujets allant du « Ô mon beau miroir » à « La paix introuvable », en passant par les monstres, la mort de l'art ou encore « Où va la famille » ? Elles permettent de se familiariser avec la philosophie, de s'interroger sur le sens des choses et de développer une réflexion en hibernation. Sa conférence « Vivre sans musique » s'inscrit dans le cadre du Mois de la francophonie à l'Institut culturel français* autour du thème « Musicalement vôtre ».

Devenir du bruit
« Je ne suis ni musicien ni mélomane », déclare Gilles Hobeika, « mais je considère que tous les hommes sont musicolâtres. Toutes les sociétés – des tribus aux microcosmes les plus développés – sont structurées par la musique. Celle-ci, comme forme d'art, joue un rôle très important. Elle est partout comme un point de départ ».
L'art pour le jeune philosophe est la mise en forme de la matière par l'esprit. Elle se traduit en couleurs lorsqu'il s'agit de peinture, en marbre ou en bronze lorsqu'il s'agit de sculpture. Pour la musique, c'est la forme la plus immatérielle. C'est l'art le plus spirituel qui touche l'esprit, exprime des sentiments purement subjectifs, portant une dimension irrationnelle qui peut soulever un problème lorsqu'elle engendre un rapport politique.
Pourquoi les hommes font-ils de la musique ? Comment peut-on la penser par rapport aux autres formes d'art ? Comment peut-elle également devenir du bruit ? Est-elle seulement plaisir ? Autant de questions que Gilles Hobeika pose, et tente d'y répondre, en défrichant les sons par une approche qui pourrait outrer les plus puristes parmi les amoureux des notes.
Aujourd'hui, la musique est partout, dans les supermarchés, les ascenseurs, les boutiques et les publicités. Elle peut être agressive, prendre une dimension tyrannique. Détournée, elle agit sur le corps et sur l'esprit. L'écrivain Pascal Quignard affirme à juste titre : « Il se trouve que les oreilles n'ont pas de paupières. » En effet, les paupières permettent de faire le noir sur la violence du monde ;
les oreilles, elles, restent sans défense. Une musique peut sombrer dans une forme de harcèlement qui détrône le silence au titre d'un vertige contemporain.

Prendre vie puis disparaître
Autrefois, les guerres étaient annoncées par un roulement de tambour. Plus tard, les fascistes s'adresseront à la foule par des discours aux dimensions musicales, afin de l'asservir, de flatter ses oreilles, de remuer ses tripes. Ces orateurs ne sollicitaient pas la raison, mais visaient l'hystérie générale et l'endoctrinement par la voie de l'émotion. Que dire alors des concerts de la jeunesse d'aujourd'hui qui s'emparent des corps, les plongeant dans une forme d'extase ?
Pour Platon, qui faisait une critique de l'utilisation de la musique au sens où elle ne s'adressait pas à la rationalité mais aux sentiments, elle était une manière de flatter les bas instincts de l'homme. La rhétorique était une forme de discours où le sens s'anéantit, se perd dans le son, où les hommes ne sont plus amenés à réfléchir, mais à être séduits par une forme et une dimension musicales du discours.
La musique est un moyen de pression pour faire obéir, soumettre ou même torturer. Disperser des foules en diffusant des sonorités extrêmement fortes ou aiguës avec les canons à son ou martyriser les prisonniers à Guantanamo en utilisant une musique discontinue sont des méthodes adoptées par la police.
En tant que philosophe, Gilles Hobeika valorise la rationalité et la grandeur de la philo à travers le langage qui exprime la vie. La musique est du côté de l'ineffable, de l'instantané. Aussitôt qu'une note prend vie, elle sombre et disparaît. Sa fragilité fait sa grandeur, une grandeur que l'homme ne peut saisir qu'à travers le langage.

*Vivre sans musique, par Gilles Hobeika, demain jeudi 17 mars, à 19h, salle de conférences de l'Institut français du Liban, rue de Damas. Entrée libre.

Regard Méditerranée – cette mer originelle vers laquelle il revient dans un mouvement de ressac – et cheveux en friche pour ce jeune philosophe né en France en 1982 et établi au Liban. Après avoir décroché un master à Strasbourg où il enseignera, Gilles Hobeika passe quelques années à Abidjan pour enfin avoir le choix du pays du Cèdre et s'en réjouir. « Le Liban n'est pas un...
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