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Culture - Une toile (d’hier), une histoire (d’aujourd’hui)

« N’ayant pu me corrompre, ils m’ont assassiné »

« Mort de Marat », huile sur toile de 165 cm x 128 cm, par David. L’œuvre est conservée au musée royal des Beaux-Arts de Belgique à Bruxelles.

Au soir du 13 juillet 1793, Jean-Paul Marat, l'une des figures les plus populaires de la Révolution française, est assassiné par Charlotte Corday, une jeune aristocrate liée au milieu des Girondins. Marat, journaliste parisien que l'on surnommait « l'ami du peuple », était adulé par les pauvres qu'il défendait dans son quotidien. Jacques-Louis David est officiellement chargé d'exploiter ce meurtre pour la propagande.
Dans sa jeunesse, Marat étudie la médecine et la physique. Il écrit des ouvrages sur les couleurs spectrales (relatives aux spectres). Goethe confirmera plus tard son « discernement » et son « exactitude. » Quand il est assassiné, Marat est un homme malade, peut-être même perdu, il souffre d'une terrible affection de la peau et essaye d'apaiser ses démangeaisons en se plongeant dans l'eau, s'entourant la tête de linge imbibé de vinaigre. Il n'absorbe plus que des aliments liquides et boit des tonnes de café.
David était un ami de Marat. La veille du meurtre, il lui rend visite. Il décrira ensuite la scène qui s'est offerte à ses yeux. Une caisse sur laquelle étaient posés encre et papier, placée à côté de son bain, et sa main sortie de la baignoire écrivait ses dernières pensées pour le salut du peuple. David se sert de ces objets pour montrer que Marat était bien l'ami du peuple, ayant passé une grande partie de sa vie à écouter les plaintes d'une foule de malheureux et à soutenir leurs revendications par des pétitions. La caisse de bois qui servait de table témoigne de la pauvreté et de la vie ascétique de Marat. C'est probablement David qui a ajouté la lettre où l'on peut lire : « Vous donnerez cet assignat à cette mère de cinq enfants et dont le mari est mort pour la défense de la patrie. » Il lui prête un visage doux, prenant bien soin de l'embellir de telle manière que le spectateur puisse l'admirer. Il estompe toutes les imperfections de la peau et lui confère une position christique. Le bras qui pend, la tête renversée et soutenue par l'épaule, les draps blancs renvoient au Christ après la descente de la croix. Une pietà républicaine. Seul le couteau tombé à terre rappelle la meurtrière. Il place entre ses doigts une lettre que Charlotte Corday portait sur elle et qui ne fut jamais en possession de la victime : « Marie-Anne-Charlotte Corday, citoyen Marat, il suffit que je sois bien malheureuse pour avoir droit à votre bienveillance. »
David ajoute lui-même le mot bienveillance « pour caractériser Marat comme ami des hommes. Pour réaliser son tableau, David se procure un masque mortuaire et fait porter dans son atelier la baignoire, l'encrier et le couteau. Il grave sur la caisse, qui renvoie à la stèle mortuaire, une dédicace : à Marat, David. Son nom étant à peine plus petit que celui du héros martyr. En guise de date, il note : an 2, suivant le nouveau calendrier de la Révolution.
C'est ainsi que David profite de la mort de Marat pour organiser des funérailles grandioses destinées à frapper les esprits. Le corps est exposé torse nu dans une église désaffectée, couvert d'un drap mouillé, arrosé de temps en temps, afin de retarder l'effet de putréfaction. La blessure mortelle était exposée aux yeux de tous. Devant le haut piédestal supportant le cercueil, on avait disposé une multitude d'objets-reliques : la baignoire, la caisse de bois qui servait de table, ainsi que l'encrier et la plume. Sur sa toile, David ne dépeint pas le moment du drame, mais le calme qui suivit. Il peint une icône où la lutte, le désordre et la passion n'ont pas de place. Son symbole de la souffrance s'appelle Marat. Aussi, à partir de ce meurtre perpétré dans des conditions peu glorieuses, à savoir dans une baignoire, il réalise un tableau exceptionnel aussi bien par sa qualité artistique que par son effet de propagande. « Il y a dans cette œuvre, écrira Baudelaire, quelque chose de tendre et de poignant à la fois. Cette peinture est un don à la patrie éplorée et nos larmes ne sont pas dangereuses. »
Aujourd'hui, Marat assassiné n'est plus une toile. Il est le symbole de chaque peuple opprimé qui cherche son défenseur. Il est cette plume, cette énergie, cette volonté, ce courage qui répondent aux attentes d'un citoyen universel. Il est celui qui transcende sa propre douleur pour la survie de son prochain.

Au soir du 13 juillet 1793, Jean-Paul Marat, l'une des figures les plus populaires de la Révolution française, est assassiné par Charlotte Corday, une jeune aristocrate liée au milieu des Girondins. Marat, journaliste parisien que l'on surnommait « l'ami du peuple », était adulé par les pauvres qu'il défendait dans son quotidien. Jacques-Louis David est officiellement chargé...
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