La Ligue arabe a classé vendredi comme "terroriste" le mouvement chiite libanais Hezbollah, au moment où son allié iranien est engagé dans une grave crise diplomatique avec les monarchies sunnites du Golfe, Arabie saoudite en tête.
Cette décision s'inscrit dans un contexte d'escalade des tensions entre l'Iran chiite et l'Arabie saoudite, chef de file des monarchies sunnites du Golfe, qui sont engagées dans des luttes d'influence par procuration, notamment dans le cadre de conflits régionaux comme en Syrie et au Yémen.
"La résolution du conseil (des ministres des Affaires étrangères) de la Ligue arabe comprend la désignation du Hezbollah comme groupe terroriste", a indiqué un haut responsable du Bahreïn, Wahid Moubarak Sayar, lors d'une conférence de presse au Caire, siège de l'organisation panarabe.
Le Liban et l'Irak, où la communauté chiite a un poids politique prépondérant, ont émis "des réserves" et l'Algérie a fait des "remarques", a ajouté le diplomate bahreïni, sans plus de précision. M. Sayar a précisé que la résolution condamnait "les ingérences de l'Iran" dans les "affaires internes" des pays arabes, notamment au Bahreïn "à travers son soutien au terrorisme".
Bahreïn avait annoncé début janvier avoir "démantelé" une cellule "terroriste" liée au Hezbollah et à l'Iran et qui projetait "plusieurs attentats à l'explosif". Ce royaume du Golfe accuse depuis longtemps l'Iran de soutenir des dissidents chiites contre sa dynastie sunnite, ce que dément Téhéran.
Réagissant à la décision de la Ligue arabe, le ministre libanais des Affaires étrangères, Gebran Bassil, a souligné, selon plusieurs médias locaux, que le Hezbollah "a une large représentativité et il est une composante importante au Liban". Il a expliqué que les réserves du Liban sont motivées par "la non-conformité de la décision avec le traité arabe pour la lutte anti-terroriste".
D'autre part, M. Bassil a affirmé que "Le Liban a approuvé la décision (de la Ligue arabe) concernant la situation en Syrie car elle s'inscrit dans la logique de celle prise par le Conseil de sécurité de l'Onu".
Le chef de la diplomatie libanaise avait auparavant appelé à activer les représentations de la Ligue arabe à l'étranger. "Il faut activer les représentations de la Ligue Arabe afin de sauvegarder ses relations avec les autres États et privilégier le dialogue entre les cultures et les civilisations", avait-il déclaré.
Vendredi dans la matinée, la délégation saoudienne s'était brièvement retirée des discussions des ministres arabes pour protester contre des propos du ministre irakien des Affaires étrangères Ibrahim al-Jaafari, refusant la qualification du Hezbollah comme "terroriste". Plus tard au micro de la chaîne égyptienne CBC Extra, M. Jaafari a loué le chef du Hezbollah Hassan Nasrallah, "qui fait face au terrorisme et à Israël avec courage".
Début mars, les six monarchies du Conseil de coopération du Golfe (CCG) -Arabie saoudite, Qatar, Bahreïn, Koweït, Emirats arabes unis, Oman-, toutes membres de la Ligue arabe, avaient pris la décision de classer le Hezbollah, qu'elles accusent de servir de tête de pont à l'Iran, comme "terroriste".
Les ministres arabes de l'Intérieur, réunis à Tunis et à l'exception de celui du Liban, avaient alors apporté leur soutien au CCG, condamnant "les pratiques et les actes dangereux du Hezbollah terroriste (...)".
(Lire aussi : Une idée-force : faire front face au Hezbollah)
Tensions régionales
Le Hezbollah, ou "parti de Dieu", a été créé par les Gardiens de la révolution iraniens dans les années 1980. Financé par Téhéran et poids lourd du gouvernement libanais, il est le seul parti à ne pas à avoir déposé les armes après la guerre civile libanaise (1975-1990). Les Etats-Unis, le Canada et l'Australie considèrent également ce mouvement comme "terroriste". Sa branche armée a été classée comme telle par l'Union européenne.
La décision de la Ligue arabe intervient alors que les relations sont au plus bas entre l'Arabie Saoudite et l'Iran, qui s'affrontent indirectement sur plusieurs fronts.
En Syrie, Riyad soutient ainsi les rebelles face au régime de Bachar el-Assad, grand allié de Téhéran, et au Yémen, le royaume saoudien lutte contre les rebelles chiites Houthis, soutenus par l'Iran. La tension est montée d'un cran début janvier avec le saccage de l'ambassade saoudienne à Téhéran par une foule en colère, en représailles à l'exécution du dignitaire chiite saoudien Nimr al-Nimr, une figure de l'opposition en Arabie saoudite.
Riyad et Manama avaient alors rompu leurs relations diplomatiques avec Téhéran, les Émirats arabes unis décidant de les réduire. Le Koweït avait rappelé son ambassadeur à Téhéran tandis que le Qatar et Oman avaient condamné l'attaque contre la représentation saoudienne.
En février, peu avant que les monarchies du Golfe déclarent le Hezbollah comme "terroriste", Riyad avait demandé à ses ressortissants de quitter le Liban et suspendu des programmes d'armements de quatre milliards de dollars (3,6 milliards d'euros) au profit de Beyrouth, sanctionnant aussi des sociétés liées au mouvement chiite libanais. Les autres monarchies du CCG, à l'exception d'Oman, avaient demandé à leurs citoyens de faire de même.
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Cette décision s'inscrit dans un contexte d'escalade des tensions entre l'Iran chiite et l'Arabie saoudite, chef de file des monarchies sunnites du Golfe, qui...
je maintient que ce n'est pas la solution !! ils auraient du faire la distinction entre le coter militaire et le coter politique ...
02 h 38, le 12 mars 2016