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Lifestyle - 41e cérémonie des César

La loi des César : le vivre ensemble

La réalisatrice du film Mustang, Deniz Gamze Erguven, qui a remporté le César du meilleur premier film Patrick Kovarik/AFP

Les dés sont jetés et les jeux sont faits. La 41e cérémonie des César a certes couronné des gagnants : des actrices, des acteurs, des cinéastes, des scénaristes, des techniciens. Mais au-delà des prix, c'est le cinéma français qui gagne dans toute sa diversité et sa modernité.

La meilleure nouvelle a priori de cette cuvée 2016 des César, c'est qu'aux commandes de ce navire night, il y a, en maîtresse de cérémonie, une Florence Foresti, « prête à tout réinventer et avec qui tout peut arriver ». Un défi relevé et un pari gagné par cette humoriste.

Il y a aussi, assis dans la salle auprès de la ministre de la Culture, Audrey Azoulay, un président avec pour seule fonction, dit-il, « de faire aimer encore plus que d'habitude le cinéma » : il faut dire que depuis Un homme et une femme (il y a de cela 50 ans), Claude Lelouch avoue lui-même filer une grande histoire d'amour avec le cinéma. À Maïtena Biraben du Grand Journal, qui lui demandait s'il n'avait pas de rancœur parce qu'il n'a jamais été césarisé, il avait répondu qu'il a eu de très belles récompenses dans sa vie, mais qu'il laissait la place à présent aux nouveaux venus. Bientôt octogénaire, le réalisateur ne chôme pas. Preuve en est, son dernier film Un plus une, tourné en Inde et qui raconte encore une fois d'énièmes romances. II se dit pourtant modestement n'être rien qu'un observateur. Curieux de tout et passionné par la vie qui, à ses yeux, est sa « meilleure scénariste », le cinéaste de l'amour ne met pas la sélection de cette année dans la case « engagé ». C'est un cinéma de genres qu'il fait bon découvrir.

Loubna, Fatima, Marguerite, Catherine et Isabelle, des femmes debout

C'est dans ces scénarii de la vie, diversifiés et qui se nourrissent du réel et des problèmes sociaux, qu'a puisé la 41e cérémonie, témoignant ainsi du panachage (avec panache) et de l'universalité du cinéma français. Certes, pas trop de glamour et pas de paillettes, et oubliée également la légèreté des anciennes comédies, sauf peut-être pour Marguerite de Xavier Giannoli, portée par l'excellente Madame Frot – un film qui prend dès le début de la soirée la tête de la course avec le César des costumes parmi ses onze nominations. Catherine Frot y incarne une dame fortunée des années 20, une sorte de Castafiore qui se passionne pour l'opéra, par amour. Le film est ex aequo en nombre de nominations avec une autre comédie, Trois souvenirs de ma jeunesse, d'Arnaud Desplechin. Mais cela ne signifie rien. Tous les présents savent que cumuler les nominations n'est pas gagner. Rappelons à cet égard que La Vie d'Adèle, en 2014, était reparti avec un seul César malgré ses huit nominations.

 

 


Suivent Mustang de Deniz Gamze Ergüven, qui raconte la vie de cinq jeunes filles délurées au sein d'une société turque traditionnelle, et Dheepan de Jacques Audiard, avec neuf nominations à leur actif. Ce dernier, Palme d'or à Cannes, suit une famille tamoule installée en France et ses difficultés à s'intégrer. Fatima, de Philippe Faucon, Mon Roi, de Maïwenn et La tête haute, d'Emmanuelle Bercot, qui évoquent également des handicapés de l'amour et les délinquants, sont, eux, nommés dans huit catégories.

 

 

 

 


Côté acteurs et actrices, le choix s'annonce difficile. On a craint un certain moment que les dinosaures comme Gérard Depardieu, Jean-Pierre Bacri (tous deux assurent un retour en force), Vincent Lindon (magnifique dans la Loi du Marché), Fabrice Lucchini, et d'autre part, Catherine Frot, Catherine Deneuve, ou Isabelle Huppert, ne fassent de l'ombre aux comédiens et comédiennes débutants, mais dont les films sont au palmarès. C'était mal connaître le côté démocratique et ouverture au monde des César, qui ont intégré à leur sélection les principaux acteurs et actrices des films nommés : Antonythasan Jesuthasan (Dheepan); Soria Zeroual (Fatima), ou encore la formidable Loubna Abidar du film de Nabil Ayouch, Much Loved.

 

 

 

 

Après ce tour d'horizon(s), la fête pouvait donc commencer. Elle s'ouvre d'une façon très originale avec une maîtresse de cérémonie en tuxedo très latino qui le troquera plus tard par une robe longue bleu nuit et un fourreau noir. Cette fête allait d'ailleurs ressembler à un tango, violent, amoureux et intrépide. Sur un ton rythmé comme cette danse latine, et sur un plateau scintillant très hollywoodien, Florence Foresti ne rate pas une vanne et pas une saynète. Ni trop frenchie ni trop américanisée, la petite intro porte sa touche particulière. Moquant tout et tous et, avant toute chose, elle-même, notamment dans la petite saynète Bloquées avec Vanessa Paradis, Flo se lâche surtout dans un excellent aveu d'amour adressé à Vincent Cassel dont elle ponctuera la soirée.

Les années précédentes, la cérémonie des César a été souvent critiquée : trop longue, trop ennuyeuse, trop formatée et ne trouvant pas une identité propre. Florence Foresti, misant sur la légèreté et non la pesanteur des vannes, et bien que jouant à son tour l'autodérision, a su relever le défi et réveiller cette « morne plaine » en lui donnant ce peps qui fait l'atout d'un show. Un show qui, sans oublier de rendre hommage à ses disparus, invitera Christine and the Queens dans une mise en scène à couper le souffle. Certes, cette sélection était intéressante cette année, diversifiée, surfant entre classicisme et modernité, mais c'est la baguette énergique du chef d'orchestre Florence Foresti qui a su bien donner le tempo durant plus de trois heures.

Cette 41e édition se clôture donc avec trois grands gagnants : Marguerite et Mustang qui repartent avec quatre trophées chacun alors que la consécration revient à Fatima qui récolte, à part le prix du meilleur film, deux autres trophées (meilleur espoir féminin et meilleure adaptation).

 

 

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Ils ont dit... sur le tapis rouge et sur scène


Michael Douglas, ému, a reçu un César d'honneur Patrick Kovarik/AFP

 

Florence Foresti : « Je préfère qu'on remplace le mot meilleur par préféré. N'allez pas fanfaronner au Fouquet's simplement parce que vous avez été choisi par une bande de radins. »

Jacques Audiard : « Je suis assoiffé d'honneurs. Cette cérémonie est une occasion de célébrer ceux qui travaillent avec moi, tant les acteurs que les techniciens.

Philippe Faucon : « Faire ce film (Fatima) a été un immense plaisir et le plaisir n'a pas de prix. »

Claude Lelouch : « Il faut prendre cela comme un jeu. J'ai envie de demander aux acteurs de se comporter le plus naturellement possible. Quand on cesse de jouer la comédie, cela devient intéressant (...) J'ai envie de remercier tous ceux qui m'ont un jour dit non parce que j'ai pu choisir ceux qui m'ont dit oui et que j'ai pu faire par la suite 45 films. Je crois au cinéma plus que tout le reste. Nelson Mandela disait : « Je gagne ou j'apprends. Alors soit vous gagnez ce soir, soit vous continuerez vos études. »

Denis Gamze Ergüven, réalisatrice de Mustang : « C'est une distinction pour chacune de l'équipe et je représente ce soir les autres filles qui sont déjà en route pour L.A. Un week-end marathon entre César et oscars. »

Catherine Frot : « Marguerite est un rôle unique et le personnage est hors normes. Cette récompense je la dois à Marguerite, un caractère inventé par Xavier Giannoli. Et de chanter : Si tu veux faire mon bonheur, Marguerite prends-moi mon cœur. Il y a quelques années j'étais ici pour Un air de famille. Je le suis aujourd'hui pour un air d'opéra. »

Michael Douglas : « Après un premier César d'honneur remis en 1998, c'est donc la deuxième fois que je suis honoré en France et j'en suis ravi car j'ai une relation particulière avec la France. »

Loubna Abidar, actrice de Much Loved : « Mon combat est pour les femmes musulmanes. On veut qu'elles soient libres et qu'elles existent enfin ! »

Vincent Lindon, toujours aussi modeste, dira : « Je suis touché parce que vous avez rendu hommage à celui qui a fabriqué ce film, Stéphane Brizé. »

 

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BB ? MM ? Non : FF
Par Carla HENOUD


Crédit photo : AFP/ Patrick Kovarik


Vous pouvez l'appeler madame. Madame Foresti, qu'on a, en fait, juste envie d'appeler Florence, est apparue tel un ovni, totalement ex abrupto, dans l'émission 20 h 10 pétantes sur Canal +, dans laquelle elle parodiait la Star Academy grâce à la Bern Academy, en référence à l'animateur de l'émission, Stéphane Bern. Elle fait ensuite son entrée dans l'émission On a tout essayé, animée par Laurent Ruquier, en interprétant deux fois par semaine des personnages fictifs délirants, et dont toute ressemblance avec des personnages existants n'est guère fortuite. Elle sera Brigitte, Ève, Michelle de Kohl Lanta, Lady Zbouba, Dominique Pipeau, Catherine Barma (à mourir de rire), Myriam, Anne-Sophie de la Coquillette, Clothilde, Falbala...

Du vulgaire à l'austère, du XVIe aux banlieues, elle a endossé costumes (et textes) avec un naturel qui lui a taillé une place d'honneur dans le Landerneau des one-women-show alors presqu'exclusivement contrôlé par Muriel Robin et, avant elle, la regrettée Sylvie Joly. En Madonna, Lady Gaga ou en Adjani et son fameux « Je ne suis pas folle, vous savez, bonsoir ! », ses sketches demeurent des pièces d'anthologie. Enceinte, FF quitte alors la télé et démarre une carrière au théâtre après la naissance de sa fille Toni. L'abribus, Florence Foresti and friends, Mother Fucker, sacré meilleur one-man-show au Globe de Cristal 2010, ou encore Madame Foresti : la maîtresse de cérémonie des César a su passer de l'adolescente attardée à la femme, puis à la mère, des petites scènes aux immenses stades, avec plus de maîtrise et un humour intact. Ses rôles au cinéma sont réussis, mais on la préfère en one-woman-show, en direct, débordant d'une énergie contagieuse.

Madame a aujourd'hui son compte Instagram, sa page Facebook, le Twitter de Bernie (son chien), une ligne de tee-shirts et une belle liberté de penser, qu'elle résume en quelques mots : « Je n'aime pas qu'on me dicte quoi faire, donc je ne vais pas dicter aux autres quoi penser. »

Les dés sont jetés et les jeux sont faits. La 41e cérémonie des César a certes couronné des gagnants : des actrices, des acteurs, des cinéastes, des scénaristes, des techniciens. Mais au-delà des prix, c'est le cinéma français qui gagne dans toute sa diversité et sa modernité.La meilleure nouvelle a priori de cette cuvée 2016 des César, c'est qu'aux commandes de ce...

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