Rechercher
Rechercher

Culture - Cimaises

La mémoire labourée, puis fragmentée, de Danièle Génadry

Comme un éternel retour, les paysages de la peintre, pris en photo et couchés sur une toile, sont un langage qui permet de mesurer l'emprise du temps sur la perception visuelle.

La toile se pare de couleurs éthérées comme si elles venaient à disparaître dans un moment suspendu.

Née aux États-Unis, Danièle Génadry décroche son diplôme en Studio Art et mathématiques à Hanovre, au Dartmouth College, en 2002, et son master en 2008 à la Slade School of Fine Art à Londres. Des États-Unis au Liban, en passant par Rome, elle développe une vision propre à elle qu'elle tente de partager et qui la hisse aujourd'hui au rang des grands artistes. La découvrir à travers l'exposition que lui consacre le musée Sursock* jusqu'au 18 avril, c'est un peu se découvrir soi-même.
Danièle Génadry use de la photographie comme d'un support pour faire de son art une recherche sur la notion de temps, d'espace, de mémoire et de leurs influences subtiles sur les œuvres réalisées. Chaque projet lui permet d'explorer les possibilités de lecture à travers le temps qui passe et de dévoiler une perspective différente dans une même vision. « Ma relation avec les paysages remonte à très loin, elle n'est pas uniquement rurale, elle est peut-être urbaine. Une rue passante, les gares, ou même une architecture peuvent m'interpeller. » Chaque paysage est ainsi mis en relation avec son histoire et les changements qu'il subit. « Mon approche permet de multiplier la manière de l'appréhender. »
Comment percevoir un lieu à travers le flux du temps, comment investiguer une image et composer avec le mouvement de la lumière et la réminiscence de la mémoire ? Peut-être par sa manière de décaler les cadres, de décentraliser l'image, de réinventer les couleurs, de fragmenter les toiles, de les coucher au sol, de donner une liberté absolue de lecture et une redéfinition de l'instant-image qu'elle-même est incapable de figer.

Le balcon de la grand-mère
A-t-elle réussi cette fixation dans The Fall ? Rien ne suggère une chute dans ce paysage pris en photo il y a 15 ans et dont il ne reste plus qu'un simple cliché. Pour récupérer cette image, Danièle Génadry ne prend pas les chemins escarpés de la montagne, mais tente l'expérience de reconstruire « la mémoire » de ces montagnes et de les regarder comme pour la première fois. La toile se pare de couleurs éthérées comme si elles venaient à disparaître dans un moment suspendu que chaque spectateur tente de capter. Sa palette est un dégradé de lumière qui varie selon le regard porté sur la toile. L'artiste laboure sa mémoire pour interroger les possibles, percevoir le potentiel pictural et se l'approprier.
Ainsi, la montagne n'est pas une illustration de la nature, mais un support indispensable pour analyser l'effet du temps. Une ligne verticale souligne le côté gauche de l'œuvre, elle n'est pas anodine. L'artiste l'a voulue comme un cadre qui prend son départ et se termine dans l'imaginaire de chacun. L'image à l'arrière, Danièle Génadry la connaît tant et si bien que lorsqu'elle la regarde, elle ne la voit plus. Il s'agit d'une photo prise du balcon de sa grand-mère, identique à chacun de ses séjours dans ce village libanais. Comment rapprocher ces deux images qui posent la même équation ? « Je ne vois plus l'une à force de l'avoir trop enfermée dans mon objectif, tandis que l'autre reste égarée dans ma mémoire. »

Mille positionnements
If I Could Fly (Si je pouvais voler) est une installation faite de vingt-cinq planches de bois qui représentent dans leur ensemble un même paysage, celui-là même qu'elle a figé dans son objectif maintes fois et qui sert de fond à The Fall. La fragmentation permet de redonner vie à chacune des planches, ainsi le spectateur se positionne de mille façons et son regard est happé par une multitude de points de vues qui offrent à chaque mouvement une perspective nouvelle.
Dispersé puis retrouvé, revisité, reconstruit, le paysage ne pouvant être embrassé d'un même et unique regard, cette expérience permet à Danièle Génadry de réinventer une perception particulière. Une démarche qu'elle a initiée et qui est devenue le vocabulaire de son art.

* Musée Sursock (Twin Galleries). Ouvert tous les jours, sauf les mardis, de 10h à 18h et les jeudis de 12h à 21h. Tél. : 01/202001.

Née aux États-Unis, Danièle Génadry décroche son diplôme en Studio Art et mathématiques à Hanovre, au Dartmouth College, en 2002, et son master en 2008 à la Slade School of Fine Art à Londres. Des États-Unis au Liban, en passant par Rome, elle développe une vision propre à elle qu'elle tente de partager et qui la hisse aujourd'hui au rang des grands artistes. La découvrir à travers...
commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut