La seule conclusion qui s'impose après le discours tant attendu du chef du courant du Futur Saad Hariri, dimanche soir, est que l'élection d'un président est encore lointaine. Même si l'ancien Premier ministre s'est transformé en tribun et a réussi à captiver son auditoire (déjà un peu conquis, il faut bien l'avouer) en alternant les phrases politiques et les remarques familières, allant même jusqu'à prononcer une expression en français : « C'est trop ! » l'impression générale est qu'il n'y a pas apporté des éléments nouveaux en mesure de faire bouger le dossier présidentiel.
Sur le plan purement politique, il a poursuivi ses attaques contre le Hezbollah et contre l'Iran, allant même plus loin dans la violence de ses critiques, et défendant plus que jamais l'Arabie saoudite et ses options régionales et libanaises. Saad Hariri a ainsi rendu pratiquement le Hezbollah responsable de tous les blocages actuels et à venir, l'accusant de vouloir entraîner le Liban vers la catastrophe et vers la discorde confessionnelle. Après des accusations aussi graves, on peut même se demander à quoi sert le dialogue entre son courant et le Hezbollah qui se poursuit tant bien que mal sous l'égide du président de la Chambre.
Après ce discours, il apparaît clairement que les relations entre l'Iran et l'Arabie saoudite deviennent de plus en plus complexes et tendues, au point que leurs alliés respectifs au Liban, ou en tout cas le courant du Futur (pour le Hezbollah, il faudra attendre le discours de Hassan Nasrallah ce soir), se voient contraints de refléter cet antagonisme, à la limite de la confrontation militaire. Par la suite, Saad Hariri a eu beau tenter de « libaniser » l'échéance présidentielle et parler de son entente avec Sleiman Frangié, on voit mal comment ce dernier pourrait être élu, s'installer à Baabda et relancer les institutions de l'État dans un climat aussi tendu entre deux composantes essentielles du pays, les sunnites et les chiites, et plus précisément le Hezbollah et le courant du Futur. D'autant que dans son exposé de ses entretiens avec Sleiman Frangié, Saad Hariri a bien précisé qu'il n'y avait pas eu d'entente sur les détails, rien qu'un accord sur les grandes lignes exactement comme l'avait déclaré le chef des Marada dans son entretien télévisé à la LBCI.
Saad Hariri a ainsi remis sur le tapis les armes du Hezbollah à l'intérieur du pays, en Syrie et même au-delà, accusant ce parti de prendre des décisions improvisées et irréfléchies, en tout cas irresponsables, qui mettent en cause tout le Liban et l'entraînent hors du giron arabe. C'est sans doute un de ses discours les plus violents contre le Hezbollah, et Sleiman Frangié, qui avait senti le vent souffler, avait préféré ne pas participer personnellement à la cérémonie du Biel, se contentant d'envoyer le ministre de la Culture Rony Araïji pour le représenter.
En dépit de cette prudence, voire de cette sagesse, on voit mal comment, en l'absence d'une entente minimale, l'élection présidentielle pourrait avoir lieu et le président exercer ses fonctions puisqu'il sera sans cesse tiraillé entre son alliance qu'il affirme indéfectible avec le Hezbollah et son accord avec le courant du Futur. Frangié avait certes précisé qu'il cherchera à mettre de côté les dossiers conflictuels pour s'occuper des questions qui touchent à la vie quotidienne des Libanais. Mais au Liban, tout est lié, d'autant que les parties politiques et confessionnelles se partagent les pouvoirs, et un dossier aussi élémentaire et vital pour l'ensemble des Libanais que celui des déchets continue de diviser les composantes du pouvoir depuis sept mois.
Tout en affirmant haut et clair sa détermination à mettre un terme à la vacance à la tête de la République dans l'intérêt du Liban et des Libanais, Saad Hariri a donc indirectement sonné le glas de cette échéance en fermant la porte à toute négociation avec le Hezbollah tant que celui-ci n'aura pas modifié ses positions. Or ce dernier se considère pour l'instant comme ayant le vent en poupe, ne serait-ce que sur le plan de ses options régionales. Le courant du Futur avait en effet misé sur l'impossibilité de la conclusion d'un accord entre l'Iran et la communauté internationale sur le dossier nucléaire et il a perdu son pari. Il avait aussi misé sur l'impossibilité d'une intervention militaire russe en Syrie et il a perdu, tout comme il avait finalement estimé que cette intervention créerait des dissensions entre l'Iran et la Russie, sans parler de sa conviction que le président syrien Bachar el-Assad partirait avant le début de la période transitoire. Parallèlement à ces mauvais calculs de la part du courant du Futur, ceux du Hezbollah se sont avérés exacts. Dans ces conditions, pourquoi ferait-il des concessions sur sa politique régionale à l'heure actuelle, sachant que sur le plan interne, il a renoncé à réclamer « un compromis global » pour faciliter l'élection du général Michel Aoun ?
Une fois de plus, il faudra donc attendre les développements régionaux puisque, au fond, c'est là que se niche le maillon présidentiel manquant. Tout le reste ne serait donc que de petites manœuvres politiciennes et des règlements de comptes internes entre amis et alliés, qui peuvent aller jusqu'à modifier des alliances, sans pour autant ouvrir la route du palais de Baabda.
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COMME JE DISAIS C'EST UN WISHFULL THINKING VOUS VOULEZ A TOUT PRIS QUE SAAD SE DETOURNE DU HAKIM HAHAH MAIS CELA N'ARRIVERA PAS (MEME SI LES 2 BASES SE SONT INSULTER, LE LIEN QUI LIE SAAD ET LE HAKIM EST PLUS FORT QUE TOUT CE QUE VOUS PENSIEZ
15 h 30, le 16 février 2016