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Culture

Dans son Éden, il n’y avait pas de serpent

Ghassan Ghazal était un rémouleur des sens. Il les aiguisait pour dégraisser son art de tout ce qui est surérogatoire afin de vriller dans l'os. Il aimait son art jusqu'à la garde. Il était pointilleux dans l'exécution de ses œuvres en faisant fi du compromis, celui du commercial. Dans son Éden, il n'y avait pas de serpent. Il incisait les veines de ses toiles pour n'être qu'une saignée d'humanité. Il n'était pas seulement mon frère, il était plus que cela. Nous étions potes comme cochons. Il était le pote de tout le monde. Le pote qui ne chie pas sur ses amis qui se trouvaient dans la fosse du désespoir. Les Rastignac, il leur tournait le dos. Il me disait: « Pourquoi attribuer à la mort le noir et à la vie l'arc-en-ciel, et ce n'est pas parce qu'on a les yeux fermés qu'il y a noirceur. » Maintenant, la mort lui fournit la réponse. Je lui disais que la vie et la mort sont limitrophes. Un pas de franchi, et pouf !
Son dernier projet était axé sur le braille. Il voulait que l'homme voie du bout des doigts ce que les aveugles lisent les yeux fermés. Et maintenant que ses yeux à lui le sont aussi, Dieu l'accueillera en pointillé...
Ghassan Ghazal ? Son interprétation de la vie était à la fois manifeste et sous-jacente. Il avait les pieds dans la merde de la ville qu'il a tellement aimée et la tête dans la verdure des champs dont ses yeux avaient la couleur. Présentement, il badaude dans le néant en sculptant la vie au burin pour que ses enfants puissent voir la vie, cette radasse, en relief.
À bientôt mon pote. Je ne tarderai pas à te retrouver. Je t'aime, mon frère.


Saïd GHAZAL

Ghassan Ghazal était un rémouleur des sens. Il les aiguisait pour dégraisser son art de tout ce qui est surérogatoire afin de vriller dans l'os. Il aimait son art jusqu'à la garde. Il était pointilleux dans l'exécution de ses œuvres en faisant fi du compromis, celui du commercial. Dans son Éden, il n'y avait pas de serpent. Il incisait les veines de ses toiles pour n'être qu'une...
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