Le dossier présidentiel libanais devient de plus en plus un vrai casse-tête, à la limite de l'absurde. À chaque fois qu'on croit qu'un pas a été accompli vers le déblocage, on découvre que la situation est encore plus compliquée qu'auparavant. Au point qu'au-delà des discours et des interprétations, des procès d'intentions et des intentions cachées, on dirait qu'il y a un maillon manquant que les protagonistes préfèrent dissimuler. Selon un politicien chevronné, ce maillon pourrait bien être les deux lectures régionale et internationale complètement opposées auxquelles se livrent les deux camps adverses, le Hezbollah et le courant du Futur, ou, plus globalement, le 14 et le 8 Mars.
Si le 8 Mars pense ainsi que ses options régionales sont en train de montrer leur justesse et que l'Iran est en train de devenir une puissance régionale incontournable, ayant son mot à dire sur la plupart des dossiers chauds de la région, le 14 Mars, lui, ne voit pas du tout qu'il s'agit d'une victoire pour le Hezbollah. Pour le 14 Mars, si l'Iran a été réintégrée au sein de la communauté internationale et si elle est en train de retrouver ses fonds bloqués, tout en se plaçant sur le chemin de la puissance économique, le prix à payer est l'abandon du Hezbollah, qui figure encore sur la liste des organisations terroristes aux États-Unis et pour l'Union européenne (ne serait-ce que son bras armé). De plus, le 14 Mars est convaincu que l'accord sur le nucléaire iranien entre la République islamique et la communauté internationale est une victoire à mettre au crédit des réformistes iraniens et du président Rohani.
Avec les prochaines élections législatives, qui doivent se dérouler à la fin du mois de février, les réformistes pourraient confirmer leur victoire en raflant la majorité des sièges au Parlement. Le principal perdant de ces élections serait donc, en plus du camp conservateur iranien, le Hezbollah qui bénéficie de l'appui des gardiens de la révolution. Le Hezbollah serait donc lâché par les réformistes et il perdrait ainsi une grande partie de sa force.
De plus, sur le plan syrien, le 14 Mars laisse entendre que les dirigeants saoudiens auraient obtenu des assurances américaines sur le départ du président syrien Bachar el-Assad, une fois que la force qui devrait prendre le relais de Daech sera prête. Toujours selon les sources du 14 Mars, les Américains auraient été très clairs en précisant aux Russes et aux Iraniens qu'il n'est pas question que les forces du régime syrien et les combattants du Hezbollah puissent prendre le contrôle du territoire actuellement contrôlé par Daech (ce serait vrai aussi pour l'Irak). Par conséquent, il faudrait un peu de temps pour que de nouvelles forces « sunnites » soient formées et prêtes à prendre le relais. À ce moment-là, la présence de Bachar el-Assad ne serait plus d'aucune utilité. De même que les combattants du Hezbollah qui devraient alors rentrer au Liban dare-dare. Ce processus devrait toutefois prendre un peu de temps, et il faudrait sans doute attendre l'élection d'un nouveau président aux États-Unis en novembre 2016. Ce dernier ne prendrait ses fonctions qu'en janvier 2017, mais la tendance serait déjà connue, et il est possible que le nouveau président modifie totalement la politique des États-Unis dans la région, ne serait-ce qu'en appuyant plus efficacement l'opposition syrienne. Dans l'optique du 14 Mars, Bachar el-Assad ne serait donc qu'un président en sursis, sur la voie du départ, suite à un renversement spectaculaire des rapports de force dans son pays.
À ceux qui croient que l'intervention russe en Syrie est de nature à changer la donne, le 14 Mars répond que cela fait déjà plus de quatre mois que les Russes ont entamé leur intervention militaire en Syrie, et, jusqu'à présent, il n'y a eu aucune victoire décisive sur le terrain. Rien que de petites percées, des menaces et des rumeurs. Or, avec le temps, cette offensive militaire grève sérieusement le budget russe, dans un pays qui traverse une grave crise économique, en raison notamment des sanctions européennes et de la chute du prix du pétrole.
Toujours dans l'optique du 14 Mars, si l'Iran est en passe de devenir une puissance régionale, ce pays ne sera toutefois plus le même que celui de la révolution islamique. Les Américains y veilleront. Quant à l'Arabie saoudite, le 14 Mars estime qu'elle est dans une stratégie offensive sur tous les fronts. Ceux qui estiment que l'attitude de Riyad est une simple réaction à l'accord nucléaire conclu entre l'Iran et les États-Unis se trompent. Avec l'émir Mohammad ben Salmane, véritable homme fort du royaume, Riyad s'est doté d'une politique claire et a durci ses positions sur tous les fronts, militaires et politiques. Le royaume ne fera donc pas de cadeaux à l'Iran et certainement pas à son « prolongement au Liban », le Hezbollah. Il s'agit donc d'une question de temps pour que le Hezbollah soit lâché par son principal allié, l'Iran, et affaibli au point de ne plus être en mesure de placer bien haut la barre présidentielle...
Le 8 Mars a évidemment une tout autre lecture, commençant par la réunion de Genève 3 sur la Syrie, où l'opposition dite de Riyad n'a cessé d'essuyer des revers, pour finir en Iran, où la politique générale est stable, puisque même le président Rohani a récemment déclaré qu'il ne compte pas présenter des excuses à l'Arabie pour l'attaque de son consulat, sachant que les autorités ont fait leur devoir en châtiant les coupables. Même au sujet de l'élection présidentielle américaine, le 8 Mars estime qu'elle ne devrait rien changer à la politique étrangère des États-Unis, puisque, après tout, le président actuel a appliqué, dans ce domaine, le rapport Baker-Hamilton (décembre 2006), qui faisait alors l'unanimité des deux partis rivaux, les démocrates et les républicains.
Si l'on prend en considération ces deux lectures diamétralement opposées, on peut en déduire que les deux camps misent sur le temps pour débloquer la présidence, chacun attendant les développements régionaux et internationaux pour renforcer sa position interne...
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commentaires (9)
Rohani : Les sociétés américaines peuvent venir en Iran madame haddad qu'est ce que je vous disais il y a qlq temps deja ?!? et attendez ce n'est pas finis !! il reste encore une etape et vous allez a votre tour comprendre
Bery tus
00 h 27, le 03 février 2016