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Moyen Orient et Monde - Entretien express

« L’attentat au Pakistan est la réponse des talibans au sommet quadripartite : pas de négociations ! »

Pour Georges Lefeuvre, anthropologue, spécialiste du Pakistan et de l'Afghanistan et diplomate, l'attaque meurtrière à Charsaddah, hier, montre que la question pachtoune reste un enjeu crucial pour les talibans.

Des policiers pakistanais évacuant les corps des victimes de l’attaque de l’université de Bacha Khan à Charsaddah, revendiquée par une faction des talibans pakistanais. Aamir Qureshi/AFP

Sur le plan opérationnel, l'attaque de Bacha Khan est le fait d'une ou de plusieurs factions talibanes pakistanaises, mais elle a été désavouée par d'autres. Cela semble-t-il crédible ?
Je pense que ce scénario est tout à fait possible, puisque depuis la disparition du mollah Omar, il y a un an, les lignes de fractures au sein du TTP (Tehrik-e-Taliban Pakistani) sont nombreuses. Le TTP étant un conglomérat d'une trentaine de groupes jihadistes, il n'est pas exclu que cette attaque ait été fomentée par une faction et désavouée par d'autres, mais cela n'enlève rien à la charge symbolique du lieu où elle s'est produite.

Quel est le message réel envoyé par cette attaque ?
Il y a deux messages qui sont ici véhiculés. Cette attaque a eu lieu à Charsaddah, à une cinquantaine de kilomètres de Peshawar, fief de la famille Wali Khan, dans une université qui porte le nom de Bacha Khan, une haute figure politique nationaliste pachtoune, surnommé le « Gandhi de la frontière », un pacifique et non un pacifiste, respecté par toutes les obédiences et toutes les tribus. Son petit-fils est le leader d'un parti politique identitaire pachtoune néomarxiste et séculier. Le premier message qui a été envoyé avec cette attaque est de dire que la question pachtoune ne peut pas être entre les mains de laïcs, et qu'un taliban, qu'il se trouve en Afghanistan ou au Pakistan, est d'abord pachtoune. Le second message est surtout une réponse à la réunion quadripartite (Chine, États-Unis, Pakistan, Afghanistan), qui s'est tenue à Islamabad le 11 janvier 2016 pour reprendre l'initiative avortée en juillet 2015 sur l'éventualité d'un processus de négociation avec les talibans. La réponse est clairement non.

 

(Pour mémoire : La lutte inachevée du Pakistan contre le terrorisme)

 

Quelles sont les évolutions à entrevoir ?
Le problème est que personne ne se demande pourquoi il s'agit d'une zone insurrectionnelle depuis trois siècles avec des plaies mal refermées sur lesquelles ont proliféré des bactéries exogènes comme el-Qaëda et le groupe État islamique (EI). Le monde ne parle plus que de l'EI, oubliant que le terrorisme provient originellement de ces zones tribales. À force de croire que le danger est en Irak et en Syrie, la situation afghane prend une allure explosive et les choses ne sont pas prêtes de se calmer. Sur plus de 300 districts, les talibans afghans en contrôlent 42 ou 43, ce qui nous ramène à la situation de 1996, où l'on disait que les talibans contrôlaient un tiers du pays le jour, deux tiers la nuit. Ils sont aujourd'hui en passe de devenir la force qui contrôle l'ensemble du pays sans que personne ne s'en soucie.

 

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