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Économie - Liban - Focus

L’économie libanaise, à l’abri de la conjoncture saoudienne ?

Pour de nombreux observateurs, l'impact du net resserrement budgétaire entamé par Riyad et de l'aggravation des tensions diplomatiques avec l'Iran devrait rester mesuré.

La baisse des cours du brut a entraîné un déficit budgétaire de près de 98 milliards de dollars en 2015 pour l’Arabie saoudite. Archives AFP

Confrontés à une croissance toujours plus malmenée par les retombées de la crise syrienne, les agents économiques lorgnent désormais sur l'évolution de la situation à Riyad. Longtemps protégée par le confortable matelas financier généré par sa manne pétrolière, l'économie saoudienne doit en effet composer avec les conséquences de la stratégie pétrolière de Riyad sur son modèle économique, et notamment ses finances publiques. Les cours du brut continuent d'osciller aux alentours des 30 dollars le baril, affichant une baisse de plus de 17 % depuis le 1er janvier, après une chute de 34 % l'an dernier.

Les liens étroits qu'entretient le Liban avec l'Arabie saoudite sur le plan économique exposent Beyrouth aux répercussions de ces turbulences. Avec des exportations estimées à 325 millions de dollars sur les onze premiers mois de 2015, selon les douanes libanaises, l'Arabie saoudite reste la première destination des produits libanais.

Remises

Principale source d'inquiétude, la baisse prolongée des cours du brut, qui a fait exploser les déficits des pays membres de l'Opep. « Le royaume wahhabite a été particulièrement affecté par la baisse des cours et accuse un déficit de près de 98 milliards de dollars en 2015. Ce dernier doit même atteindre 87 milliards de dollars dans le budget 2016 », rappelle Jassem Ajaka, conseiller économique au ministère de l'Économie et du Commerce. Selon un rapport du Fonds monétaire international (FMI) publié en septembre dernier, l'Arabie saoudite pourrait même épuiser ses réserves financières en moins de 5 ans. « Face à cette situation, les autorités du royaume ont décidé d'augmenter le prix de l'essence de 50 %, ou encore de mettre en place une TVA à 5 % qui doit être instaurée dans les deux ans », poursuit-il. Cette dernière devrait d'ailleurs être étendue à tous les pays du Golfe d'ici à 2018 dans le cadre des accords des pays du Conseil de coopération du Golfe (CCG).

(Lire aussi : « Dommage que le Liban ne puisse offrir des services financiers offshore »)

Or, si d'un côté le Liban profite bien de la répercussion de la chute des cours du brut sur ses importations, ces mesures devraient sans doute affecter le pouvoir d'achat des Libanais résidant en Arabie saoudite. Le royaume wahhabite accueille près des deux tiers du demi-million d'expatriés libanais environ qui travaillent dans les pays du Golfe.

L'impact des meures sur le montant des transferts de la diaspora vers le Liban – qui se sont élevés à 4,5 milliards de dollars en 2015 selon le FMI – reste toutefois encore difficile à mesurer. Si M. Ajaka table sur une baisse inférieure à 10 % en 2016, Marwan Barakat, économiste et responsable du département de recherche de Bank Audi, estime de son côté « que la Banque mondiale n'a pour l'instant pas parié sur un effondrement de ces derniers malgré la conjoncture ». « Il existe toutefois une corrélation entre la baisse des prix du pétrole et la croissance des dépôts au Liban, qui est passée de 6 % en 2014 – dernière année où le prix du baril a dépassé 100 dollars – à 3,4 % à fin octobre 2015 », poursuit-il avant de relever que « la même tendance a été observée en Arabie saoudite sur plusieurs années ». M. Barakat conclut enfin qu'une éventuelle baisse des transferts impactera surtout « le secteur du tourisme et l'immobilier, deux secteurs où les niveaux d'investissements en provenance des pays arabes sont les plus importants ».

(Lire aussi : « Les PME paient le prix le plus élevé de la crise économique »)

L'emploi des expatriés épargné

L'autre crainte majeure des expatriés concerne la survie de leurs emplois en Arabie saoudite, qui peuvent aussi bien pâtir du resserrement de la politique budgétaire saoudienne que des tensions entre le royaume et l'Iran.
Sur ce point, les observateurs interrogés par L'Orient-Le Jour restent prudents. « Le pire qui puisse arriver, c'est que les sociétés dans les pays du Golfe commencent à licencier des Libanais pour des raisons liées à ces tensions », considère le président de la Chambre de commerce, d'industrie et d'agriculture de Beyrouth, Mohammad Choucair. « Le risque existe, mais il est encore trop tôt pour se prononcer », estime Jacques Sarraf, le président de l'Union méditerranéenne des confédérations d'entreprises.

Mais pour le président de l'amicale des anciens de Harvard Business School, Habib Zoghbi, la perspective d'un scénario catastrophe peut être écartée à moyen terme. « L'emploi a progressé de 3,2 % en Arabie saoudite en 2015 », rappelle-t-il, avant de souligner que « le royaume possède un des coûts d'extraction les plus bas au monde avec un prix au baril qui gravite autour de 10 dollars – soit presque trois fois moins cher qu'en Iran et jusqu'à six mois moins cher qu'en Russie ou aux États-Unis. » « Cet avantage comparatif lui accorde une marge de manœuvre pour limiter la dépendance de son économie au pétrole », poursuit-il. M. Zoghbi souligne sur ce plan que « l'économie du royaume est beaucoup plus développée que lors des précédents contre-chocs pétroliers. » Une confiance partagée par M. Choucair, qui estime que « l'impact du resserrement budgétaire va se limiter au secteur du bâtiment et des travaux publics (BTP), mais devrait épargner la plupart des emplois occupés par des Libanais dans ce pays ».

Reste que de nombreux hommes d'affaires libanais sont dans l'expectative. « Qu'il s'agisse des conséquences de la baisse du pétrole ou de la situation politico-sécuritaire dans le Golfe et au Moyen-Orient, les entrepreneurs élaborent leurs stratégies à très court terme », conclut M. Sarraf.


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commentaires (1)

Ce serait bon pour notre information et culture économique que ces messieurs de Harvard ou de la Chambre de commerce, d'industrie et d'agriculture de Beyrouth, nous expliquent comment l'avantage relatif du coût d'extraction seul accorde à un pays une telle marge de manœuvre pour limiter la dépendance… Ne serais-ce pas les recettes globales en chiffre absolu provenant des revenus des hydrocarbures comparés aux dépenses globales d'un État providence qui accordent une ou des marges de manœuvre... Donc de simples opérations d'addition et de soustraction des recettes comparées aux dépenses, couplée de l'indice de dépendance vis-à-vis des hydrocarbures qui devraient être retenues !

Emile Antonios

08 h 40, le 15 janvier 2016

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Commentaires (1)

  • Ce serait bon pour notre information et culture économique que ces messieurs de Harvard ou de la Chambre de commerce, d'industrie et d'agriculture de Beyrouth, nous expliquent comment l'avantage relatif du coût d'extraction seul accorde à un pays une telle marge de manœuvre pour limiter la dépendance… Ne serais-ce pas les recettes globales en chiffre absolu provenant des revenus des hydrocarbures comparés aux dépenses globales d'un État providence qui accordent une ou des marges de manœuvre... Donc de simples opérations d'addition et de soustraction des recettes comparées aux dépenses, couplée de l'indice de dépendance vis-à-vis des hydrocarbures qui devraient être retenues !

    Emile Antonios

    08 h 40, le 15 janvier 2016

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