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Économie - Liban - Rétrospective 2015

Les agriculteurs en ont vu des vertes et des pas mûres

L'année a été difficile pour l'agriculture libanaise qui a dû tour à tour faire face aux intempéries, aux
conséquences du blocage des voies d'exportations terrestres, ou encore à la concurrence des produits européens dans les pays du Golfe.

Le syndicat des agriculteurs évoque « un bilan dramatique » en 2015, avec une chute des exportations pouvant atteindre jusqu’à 30 % dans certaines filières. Ali Hashisho/Reuters

Si les statistiques officielles de 2015 ne sont pas attendues avant février prochain, comme l'a confirmé à L'Orient-Le Jour la responsable du service économie et marketing du ministère de l'Agriculture, Hala Abdallah, les agriculteurs libanais savent d'ores et déjà que l'année est à marquer d'une pierre noire.
Le président du syndicat des agriculteurs au Liban, Antoine Hoyek, évoque « un bilan dramatique, surtout pour la production de pommes et d'agrumes, dont les exportations devraient terminer l'année en baisse de plus de 30 %. » Même son de cloche du côté du directeur du département agricole de la Chambre de commerce et d'industrie de Zahlé (CCIAZ), Saïd Gédéon, qui ajoute « que cette tendance s'étend à toutes les filières. » « Seule la pomme de terre a réussi à maintenir son niveau de performance habituel en termes de production et d'exportations malgré les pertes importantes (NDLR : près de 100 000 tonnes) enregistrées dans le Akkar en début d'année », précise-t-il.


(Lire aussi : Le marché de fruits et légumes de Tripoli bientôt achevé)

Pont maritime
Dans la liste des causes qui sont à l'origine de la contre-performance globale du secteur, le blocage des voies d'exportations terrestres provoqué par la fermeture, en avril, du poste-frontière syro-jordanien de Nassib, se taille la part du lion. « Les agriculteurs se sont retrouvés dans l'impossibilité d'exporter leur production vers les pays du Golfe qui absorbent habituellement plus de 70 % des fruits et légumes libanais », explique M. Hoyek. « La plupart des producteurs se sont alors rabattus sur le transport maritime, plus lent – ce qui handicape les exportations de produits rapidement périssables – et surtout, bien plus cher », poursuit-il. « En fonction de sa destination dans le Golfe, la facture pour un camion transportant un conteneur d'une capacité de 20 à 30 tonnes peut passer de 2 000 à 5 000 dollars », illustre-t-il encore.

C'est pour aider les agriculteurs à combler ce surcoût que le gouvernement a chargé l'Autorité de développement des investissements au Liban (Idal) de concocter dès le mois de juin un plan de subventions aux exportations agricoles et industrielles. Prévu pour une durée de 7 mois, ce plan d'aide de 14 millions de dollars – soit 7 millions de moins que l'enveloppe initialement prévue – est adopté en Conseil des ministres le 2 juillet. Il faut toutefois attendre le 18 septembre pour que ce « pont maritime des exportations libanaises » soit effectivement lancé.
« Depuis le mois d'octobre, un roulier – navire pouvant transporter des véhicules terrestres – lève l'ancre tous les 5 jours depuis le port de Tripoli pour acheminer les produits libanais vers les ports de Douba (Arabie saoudite) et d'Aqaba (Jordanie) », explique le président d'Idal, Nabil Itani à L'Orient-Le Jour. « Les produits agricoles libanais représentent près de 85 % des chargements acheminés par les 4 navires affrétés par les deux compagnies maritimes agréées par Idal », expose encore M. Itani. Il concède toutefois que le programme n'a pas réussi à rétablir la dynamique des exportations agricoles enregistrée en début d'année – en hausse de 25 % au premier semestre – mais simplement ralenti leur chute. « Il s'est écoulé beaucoup trop de temps entre le moment où la frontière a été fermée et l'activation du programme », lequel pourrait être prolongé si le blocage des voies terrestres devait perdurer, confie-t-il encore.


(Pour mémoire : Les agriculteurs libanais victimes d'une série noire)

 

Boycottage russe
« Le montant des subventions accordées – environ 2000 dollars par camion – ne permet pas d'absorber l'intégralité du surcoût. Le nombre de navires affrétés est insuffisant pour soulager tout le secteur et peu d'agriculteurs ont finalement été convaincus de son utilité », juge pour sa part M. Hoyek. M. Itani concède volontiers de son côté qu'avec 170 agriculteurs concernés sur 100 000 exploitants au Liban, les effets du programme restent limités. Selon la direction d'Idal, les aides ont en effet permis d'acheminer près de 17 000 tonnes de produits libanais au total vers les pays du Golfe depuis début octobre. Une paille, comparé aux 1,7 millions de tonnes de marchandises exportées et comptabilisées par les douanes libanaises sur les dix premiers mois de 2015.

Mis à part ces difficultés d'exportation, les agriculteurs ont dû composer avec d'autres défis en 2015. Outre la vague de froid qui a accompagné, début janvier, la tempête baptisée Zina, notamment responsable de la destruction d'une grande partie de la production de bananes, les agriculteurs libanais ont eu la mauvaise surprise de se retrouver en concurrence avec leurs homologues européens sur les marchés des pays du Golfe. « C'est une des conséquences de la décision des autorités russes de boycotter les produits agricoles en provenance de l'Union européenne en réponse aux sanctions adoptées par ses pays membres à la suite de la crise ukrainienne », souligne M. Hoyek. « Cette concurrence a été renforcée par la baisse des cours mondiaux du pétrole qui a affecté les coûts de production et de transport », complète M. Gédéon.
Dans ce contexte, la hausse des coûts de production consécutive à la décision prise par la Sûreté générale en janvier de durcir les conditions d'entrée et de séjour des ressortissants syriens au Liban n'aura été qu'une anecdote parmi d'autres dans l'exercice 2015 de l'agriculture libanaise.

 

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