La police déployée à Sultan Ahmet, cœur d’Istanbul, après un attentat-suicide. Osman Orsal/ Reuters
Hier matin à Istanbul, les musées étaient fermés. Comme chaque semaine. C'est donc vers Sainte-Sophie et la Mosquée bleue, dans le quartier de Sultan Ahmet, que se sont dirigés les touristes venus du monde entier. C'est dans ce coeur touristique d'Istanbul, à quelques pas de l'ancien hippodrome byzantin, qu'à 9h18, un kamikaze se fait exploser. C'est le lieu le plus visité de la métropole turque qui est visé, celui aussi qui reflète le mieux son histoire plurielle, à la croisée de l'Orient et de l'Occident. 10 personnes sont tuées, toutes étrangères.
Située sur la rive européenne d'Istanbul, la vieille ville, classée par l'Unesco au Patrimoine mondial, regroupe les principaux vestiges historiques de l'ancienne capitale successivement des Empires romano-byzantin et ottoman. Le long de cette place se dressent Sainte-Sophie et la Mosquée bleue, deux édifices grandioses reflétant la diversité de l'héritage de la cité.
Un bruit sourd, des cris, des sirènes de police... et puis l'incompréhension. Cette mélodie morbide, jouée à Ankara, Beyrouth et Paris il y a quelques mois résonnait hier dans les rues d'Istanbul. Mais immédiatement, « la sécurité nationale » a repris le dessus. C'est en effet l'argument utilisé par le gouvernement pour ordonner un black-out médiatique autour de l'attentat. Correspondante au New York Times, Ceylan Yeginsu rapporte que « des policiers empêchent des journalistes accrédités de prendre des photos à cause de l'interdiction ».
( Lire aussi : "J'ai toujours considéré qu'Istanbul était un endroit sûr. J'ai l'impression qu'il n'en existe plus" )
Craintes pour le tourisme
Serhap travaille dans un hôtel à proximité de Sultan Ahmet. Son établissement sera ouvert aujourd'hui, même s'il sent que « les gens sont de plus en plus inquiets ». « Je n'ai eu qu'une ou deux annulations de réservations aujourd'hui. Je m'attendais à plus », ajoute-t-il, pas rassuré pour autant pour l'avenir du tourisme dans le pays. « C'est déjà dur depuis quelques années, avec ça la saison ne sera pas meilleure, c'est sûr. » D'autres établissements du quartier ont décidé de fermer leurs portes pour une dizaine de jours. Hier, les réactions chez les acteurs du secteur touristique abondaient toutes dans la même direction. « C'est terrible pour mon hôtel, terrible pour le tourisme en Turquie », déclarait hier un autre hôtelier du quartier, interrogé par L'Orient-Le Jour mais préférant garder l'anonymat.
Comme un écho à ces craintes, des agences de voyages n'ont pas tardé hier à prendre la mesure de l'événement. Le voyagiste allemand TUI a ainsi annoncé proposer à ses clients ayant un voyage prévu à Istanbul jusqu'au 18 janvier de l'annuler ou de le modifier sans frais.
Du côté des touristes, venus profiter des merveilles d'Istanbul et du calme de la basse saison, l'heure était aussi clairement à l'inquiétude. « C'est la première fois que je suis en vacances et que j'ai peur pour ma vie », a confié à l'AFP une touriste française, Nathalie Julien, à l'endroit où le « kamikaze » a actionné sa charge explosive. « Je n'arrive pas à croire que ça puisse arriver ici, en plein cœur d'Istanbul. C'est comme si vous étiez invité au domicile de quelqu'un, parfaitement accueilli et que tout d'un coup vous étiez attaqué », a poursuivi la quadragénaire. « Ça me fait peur, je veux rentrer chez moi maintenant », ajoutait-elle en tirant sa valise vers la station de tramway toute proche.
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