Plusieurs activistes et intellectuels libanais chiites opposés au Hezbollah ont publié hier la « déclaration de Madaya », un texte dans lequel ils affichent leur soutien à la population de cette ville syrienne assiégée depuis des mois par le régime de Damas, et refusent la responsabilisation de la communauté chiite libanaise face à ce drame humain. Cette déclaration intervient suite aux discours moqueurs affichés par certains internautes sur les réseaux sociaux, plusieurs personnes ayant posté dernièrement des messages et photos tournant en dérision les personnes souffrant de la famine à Madaya.
L'analyste et journaliste politique libanais Ali el-Amine, connu pour ses prises de position contre le Hezbollah, fait partie des personnes qui ont lancé en ligne la « déclaration de Madaya » aux côtés, entre autres, des journalistes Malek Kamel Mroué et Moustapha Hani Fahs. Le groupe a même créé une page Facebook que les internautes sont invités à aimer en signe de solidarité. Les « like » récoltés par la page sont considérés comme autant de signatures au bas de cette déclaration dont « le but est de manifester la solidarité avec Madaya et dire que la guerre ne justifie pas un tel siège », selon M. Amine. « Il y a des lois internationales pour protéger les citoyens et empêcher que ce genre de sièges ne fasse fi des valeurs humaines », poursuit-il.
Concernant les commentaires déplacés sur les réseaux sociaux, M. Amine indique qu'« il est inadmissible de se moquer de la souffrance des autres ». « Il faudrait qu'on s'élève contre ces discours de haine, surtout dans les milieux chiites. La communauté chiite n'est pas responsable de ces agissements irresponsables et sadiques sur les réseaux sociaux », dit-il. « Rester silencieux face à cette campagne équivaut à l'approuver », indique M. Amine qui demande une « condamnation politique » de ces commentaires moqueurs. « Les chiites du Sud qui ont connu le siège israélien comprennent très bien l'horreur d'une telle situation », ajoute-t-il.
L'implication du Hezbollah en Syrie
Pour Ali el-Amine, il va sans dire que « la communauté chiite paie le prix de l'implication du Hezbollah en Syrie puisque, tout d'abord, elle perd beaucoup de personnes tuées au combat ». « Mais il est clair aujourd'hui que le conflit syrien a dépassé la Résistance, et que la Syrie est le théâtre d'un conflit régional et international où Damas, le Hezbollah et la Russie sont alliés. Sans oublier que la Russie entretient également une relation organique avec Israël », dit-il. « Tous ceux qui interviennent en Syrie sous prétexte de défendre la Résistance ont reçu une grande gifle », estime l'analyste.
M. Amine évoque par ailleurs les sentiments ambivalents des chiites libanais par rapport à l'engagement du Hezbollah en Syrie. « La communauté chiite libanaise a le sentiment d'être prisonnière de la politique du Hezbollah. D'un côté, elle le voudrait bien, mais ne peut afficher son désaccord avec son implication en Syrie, et, de l'autre, elle a peur que son retrait n'ait des répercussions graves sur la présence des chiites au Liban », explique-t-il.
La solution ? « Une prise de décision stratégique de la part du Hezbollah qui consiste à revenir au Liban afin d'amoindrir les pertes », selon M. Amine. « Le Hezbollah pourra à ce moment-là contribuer à protéger les frontières libanaises, et ce dans le cadre de la souveraineté de l'État », poursuit-il.
Face à cette situation, une partie des chiites libanais gardent le silence, mais « le silence est au final une façon de s'exprimer, selon M. Amine. Chacun s'exprime comme il peut ». Il dénonce par ailleurs la difficulté pour les chiites à afficher leur opposition au Hezbollah sans subir de lourdes conséquences. « Le pouvoir du Hezbollah n'est pas comme celui des autres partis dans les autres communautés. Ceux qui s'insurgent contre les partis politiques dans les autres communautés bénéficient de plus de liberté et ne subissent pas des dommages de l'ampleur de ceux que subissent les chiites qui critiquent le Hezbollah », précise M. Amine. « La plupart des chiites ne soutiennent pas le Hezbollah, mais ils n'ont pas les moyens de s'exprimer », conclut-il.
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Une fois pour toutes lancons-leur le mot de Cambronne et ... advienne que pourra. Aux grands maux, les grands remedes.
12 h 10, le 12 janvier 2016