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Liban - Humanitaire

Mgr Kassarji exhorte l’État à aider les réfugiés irakiens chaldéens

Mgr Kassarji, hier, durant sa conférence de presse.

Si les réfugiés syriens font aujourd'hui la une des médias libanais et internationaux, il existe au Liban une communauté chrétienne irakienne qui souffre en silence depuis une dizaine d'années déjà. Ayant fui l'Irak après la chute de Saddam Hussein en 2003, ces Irakiens ont trouvé refuge au Liban, et plus particulièrement dans la localité chrétienne de Sed el-Bauchrié. Aujourd'hui, ils continuent à se réfugier au pays du Cèdre, pourchassés cette fois-ci par l'État islamique ou les multiples milices qui ont envahi leur pays.

Minoritaires en Irak, les chrétiens – majoritairement chaldéens – sont victimes, depuis plusieurs années, d'exactions qui ont empiré avec la montée de l'extrémisme religieux dans la région. Alors que les milices chiites, telles que la Libération populaire (al-Hachd el-Chaabi), avaient été au départ considérées par la population comme des fers de lance contre l'EI, les voilà qui s'en prennent à leur tour aux minorités chrétiennes. « Les miliciens de la Libération populaire ont collé lundi des tracts devant les églises, invitant les chrétiennes irakiennes à se voiler. Ils montrent une image de la Vierge avec un voile et demandent aux femmes de suivre son exemple », dénonce le père Denha Touma Youssef, prêtre irakien en poste à Beyrouth depuis trois ans. « Nous avons peur que la situation empire et qu'ils imposent la jizya aux chrétiens (comme l'a fait l'État islamique dans les territoires qu'il contrôle). Les chrétiens irakiens se sentent plus à l'aise au Liban qu'en Turquie ou en Jordanie parce qu'il y a une grande communauté chrétienne ici », indique-t-il.

Ignorée aussi bien par l'État libanais que par le Haut-Commissariat pour les réfugiés, la communauté chrétienne irakienne compte aujourd'hui sur le seul soutien de l'évêché chaldéen à Beyrouth. Sauf que ce dernier gère difficilement le flux grandissant des réfugiés, faute de moyens. Une situation humanitaire désastreuse qui a poussé l'évêque chaldéen de Beyrouth, Mgr Michel Kassarji, à tirer la sonnette d'alarme hier, lors d'une conférence de presse à l'évêché chaldéen, à Hazmieh. « Nous sommes aujourd'hui responsables de quelque 3 500 familles irakiennes qui sont dans le besoin. Chaque semaine, nous accueillons 20 à 25 familles nouvellement arrivées au Liban, a-t-il indiqué aux journalistes. Les besoins des réfugiés sont nombreux, allant du logement et de l'alimentation à la scolarisation, en passant par l'hospitalisation. Certains sont cancéreux ou atteints de maladies qui nécessitent des traitements de longue durée », explique Mgr Kassarji.

Il dénonce par ailleurs un désintérêt total de l'État libanais et du ministère des Affaires sociales qui n'apportent aucune aide aux réfugiés irakiens. « Les réfugiés syriens sont prioritaires, même pour le HCR, déplore-t-il. Nous demandons à l'État libanais et toutes les autorités et forces politiques concernées de traiter les réfugiés irakiens de la même manière qu'ils traitent les réfugiés syriens. Nous renouvelons notre appel à l'aide à toute personne de bonne volonté qui désire nous soutenir afin de pouvoir assurer la distribution de portions alimentaires et pour couvrir les frais relatifs aux soins médicaux, car nous succombons sous le poids de leur coût très élevé, n'ayant recours qu'à Dieu seul, puisque le fléau de l'immigration continue et il n'y a à l'horizon aucune perspective de solution », indique Mgr Kassarji.

 

(Lire aussi : Les chrétiens d’Irak toujours plus nombreux au Liban)

 

Une bureaucratie rigide
Une immigration qui ne cesse de prendre de l'ampleur puisque les chrétiens irakiens posent leurs valises au Liban en espérant repartir ensuite en Australie, au Canada ou ailleurs. Le Liban ne leur offre malheureusement aucune possibilité de s'y installer, à cause de la cherté de vie, du chômage et d'une bureaucratie rigide et injuste à leur égard. Souvent partis à la hâte de chez eux, la majorité des réfugiés ne possède pas de papiers d'identité. À leur arrivée au Liban, ils s'inscrivent au HCR, déposent leurs demandes d'immigration et se voient délivrer un visa d'un mois. Mais ils ne peuvent renouveler ce visa, afin de ne pas être considérés comme résidents et de perdre ainsi leur droit, en tant que réfugiés, à immigrer vers d'autres destinations. Sauf que les démarches d'immigration sont souvent très longues et bloquent les réfugiés au Liban pendant plusieurs années. Sans visa ni papiers d'identité, ces derniers sont souvent arrêtés sur les barrages de l'armée et incarcérés, alors que l'État est au courant de leur situation... Une incohérence que dénonce l'évêché, souvent obligé de se rendre dans les prisons pour intervenir en faveur de réfugiés irakiens arrêtés « pour séjour illégal sur le sol libanais ».

Pour éviter ce genre de situations aux réfugiés, l'évêché, qui les accueillait dans ses locaux à Hazmieh, a décidé d'aller à leur rencontre. Ainsi, il a fondé en 2011, « grâce à la providence divine et la générosité des donateurs », le Centre médico-social St-Michel à Sed el-Bauchrié pour leur épargner les déplacements coûteux et dangereux. Ce centre accueille quotidiennement plus de 130 patients et offre des soins médicaux quasi gratuits. L'évêché a également pris en charge, grâce à des donations, des opérations chirurgicales aux hôpitaux Serhal et Saint-Joseph. Il a même réussi à créer cette année, à Sed el-Bauchrié, et toujours grâce aux donateurs, le Centre Notre-Dame de la Divine Miséricorde pour accueillir les nouveaux arrivants et les guider dans leurs démarches, en présence d'une assistante sociale.


(Lire aussi : La symbolique de l’enracinement, ou le retour du siège de l’Église assyrienne d’Orient en Irak)

 

De nombreux traumatismes
Si l'évêché chaldéen essaie autant que possible de subvenir à leurs besoins matériels, les réfugiés ne sont par ailleurs pas pris en charge psychologiquement. Le père Denha Touma Youssef fait état de nombreux traumatismes dont souffrent les réfugiés, souvent soumis à des conditions extrêmes en Irak et vivant dans des conditions précaires au Liban. Il évoque entre autres le cas d'un jeune, qui, traumatisé par son expérience avec l'État islamique, a récemment tenté de se suicider. « La famille du jeune homme m'a appelé et je me suis rendu auprès d'eux pour les réconforter. Mais beaucoup de réfugiés sont marqués par les conditions difficiles qu'ils ont vécues et souffrent au niveau psychique. Ils nécessitent un soutien particulier », explique-t-il.

Les familles, souvent nombreuses, sont également victimes du chômage au Liban, mais l'évêché essaie aussi de les aider à trouver du travail. « Nous avons récemment réussi à faire embaucher cinquante jeunes Irakiens dans une usine de carton à Byblos. Nous essayons de les aider à trouver un emploi à travers nos connexions, mais c'est très compliqué », déplore-t-il.


Pour transmettre des dons
Pour venir en aide aux réfugiés chaldéens irakiens, vous pouvez envoyer vos donations au compte suivant :
Credit Bank SAL
Branche de Chiyah, Beyrouth, Liban.
Swift code : CBCBLBBE
No : 803845
IBAN : LB65010300081010570803845003
Nom : MM. ÉVÊCHÉ CHALDÉEN DE BEYROUTH

 

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Si les réfugiés syriens font aujourd'hui la une des médias libanais et internationaux, il existe au Liban une communauté chrétienne irakienne qui souffre en silence depuis une dizaine d'années déjà. Ayant fui l'Irak après la chute de Saddam Hussein en 2003, ces Irakiens ont trouvé refuge au Liban, et plus particulièrement dans la localité chrétienne de Sed el-Bauchrié....

commentaires (1)

Pourquoi ne pas les "naturaliser", afin de contrebalancer la minorisation croissante de la "chrétienté" libanaiiise ? Que fichent les Ftoûhistes Gilberte et Näämttallâh ?

ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

08 h 16, le 17 décembre 2015

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Commentaires (1)

  • Pourquoi ne pas les "naturaliser", afin de contrebalancer la minorisation croissante de la "chrétienté" libanaiiise ? Que fichent les Ftoûhistes Gilberte et Näämttallâh ?

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    08 h 16, le 17 décembre 2015

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