En 2011, deux tireurs s'affichent fièrement, sur Facebook, en compagnie de dizaines de cigognes, tuées et jetées sauvagement sur un camion. En découvrant ces clichés, l'association Lebanon Mountain Trail (LMTA) fait appel à l'avocate Jihane Khattar (également membre active de l'association) afin de les poursuivre en justice. Grâce à la plaque d'immatriculation du véhicule, parfaitement lisible sur les clichés, les braconniers sont rapidement identifiés.
Le dossier est confié au parquet du Liban-Nord, lieu de résidence des chasseurs. Une procédure est lancée, d'autant que la chasse n'a pas été ouverte au Liban, en dépit d'une loi de 2004 qui la règlemente. D'autre part, la publication de photos illustrant l'objet d'un délit de chasse est prohibée. De ce fait, les chasseurs ont doublement enfreint la loi.
Mais alors que la sentence était sur le point d'être prononcée, le dossier est soudainement transféré au juge unique statuant en matière criminelle à Batroun. « Cette procédure est très fréquente dans le milieu judiciaire. Un transfert est souvent un remaniement dû à une mutation ou à un départ à la retraite. Ce n'est en aucun cas un acte volontaire », explique Jihane Khattar.
Le magistrat décide d'acquitter les braconniers en considérant, selon l'avocate, que « s'afficher avec ses proies est une sorte de jeu viril et ne peut pas être qualifié de crime ». Selon le texte du jugement, « rien ne prouve que ces volatiles ont été tués sur le territoire libanais ».
L'avocate tente d'interjeter appel. En vain. Malheureusement, suivant la loi libanaise, si le procureur ne fait pas appel également, le recours présenté par l'avocate n'est pas pris en compte. Le dossier est donc clos. L'avocate critique le verdict. Selon elle, ce délit est passible d'un mois d'emprisonnement et d'une amende de 500 000 livres. « Si l'État ne respecte pas ses propres lois, qui les respectera ? » s'interroge Me Khattar.
Après avoir rappelé que le Liban avait signé en 2002 des accords internationaux pour la protection des oiseaux migrateurs, l'avocate précise que ce cas « prouve que le Liban ne respecte pas ses engagements ». « Si cette affaire avait été jugée en respect de la loi, l'État libanais aurait prouvé qu'il existe. Elle aurait également servi d'exemple et d'avertissement à tous les chasseurs », affirme pour sa part Salam Khalifé, membre active de LMTA. « Comment voulez-vous que les chasseurs respectent la règlementation si l'État n'est pas là pour les sanctionner lorsqu'ils l'enfreignent ? » s'interroge-t-elle.
(Lire aussi : Liban : 2,6 millions d'oiseaux tués chaque année, selon BirdLife International)
Des répercussions écologiques graves...
Selon un rapport récent de l'organisation internationale BirdLife International, 2,6 millions d'oiseaux sont tués chaque année par des chasseurs au Liban, sur les 20 millions d'oiseaux qui traversent le pays. Le Liban est, de plus, un important couloir pour le passage d'oiseaux migrateurs. De ce fait, la chasse illégale débridée a des répercussions significatives sur la migration, tout autant que des conséquences écologiques sur le pays. « Les oiseaux interviennent d'une manière ou d'une autre dans la chaîne alimentaire. Ce sont des prédateurs pour les insectes nuisibles à nos plantes. À cause de cette chasse illégale, au printemps dernier, les vers et les chenilles ont envahi nos pins, puisque les oiseaux n'étaient plus là pour les manger. Cela provoque un grand déséquilibre dans la nature », précise Salam Khalifé.
Dans l'objectif de réglementer définitivement la chasse au Liban, les associations, dont la LMTA, ne cessent d'organiser des conventions et des événements pour récolter des fonds en vue de financer leurs campagnes de sensibilisation et d'alerter la population via les réseaux sociaux. Malheureusement, cela n'est pas suffisant. Les ONG, plus précisément les associations de protection des oiseaux, ne disposent pas de moyens financiers suffisants pour lutter correctement contre ce crime. « La meilleure stratégie serait que le ministère de l'Environnement mette en place différentes structures pour la chasse. Il pourrait, dans un premier temps, définir des zones spécifiques où la chasse peut être pratiquée, établir un quota de chasse en fonction de chaque espèce volatile et informer les chasseurs sur les espèces volatiles et animales. Mais le ministère de l'Environnement n'agit toujours pas », conclut M. Khalifé.
Pour mémoire
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commentaires (6)
TREMBLEZ CIGOGNES ET EVITEZ LE LIBAN CAR CE PAYS AURA BIENOT AURA BIENTOT UN "CHASSEUR" PRESIDENT
Henrik Yowakim
22 h 16, le 03 décembre 2015