Impliquer dans la lutte internationale contre le groupe État islamique (EI) une armée syrienne dont Bachar el-Assad n'assurerait plus le leadership : cette proposition inédite, avancée par la France et favorablement accueillie par l'Allemagne, divise les experts.
Engagés dans des bombardements contre l'EI mais opposés à l'envoi de leurs troupes au sol, les Occidentaux cherchent des solutions mettant à contribution des forces de la région qui serviraient leurs intérêts.
« Il y a deux séries de mesures : les bombardements (...) et des forces au sol, qui ne peuvent pas être les nôtres, mais qui peuvent être à la fois des forces de l'Armée syrienne libre, des forces arabes sunnites, et pourquoi pas des forces du régime, et des Kurdes également bien sûr », déclarait vendredi le chef de la diplomatie française Laurent Fabius.
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Il a précisé qu'une participation de l'armée syrienne supposait le départ préalable du président Bachar el-Assad, demande récurrente de la France. En filigrane du raisonnement de Paris, la hantise de retomber dans le scénario irakien de 2003, lorsque le démantèlement de l'armée par l'occupant américain avait conduit au chaos. « L'idée est de ne pas répéter ce qu'avait fait Paul Bremer (l'administrateur américain à Bagdad) quand il avait mis en œuvre la débaassification du régime irakien », fait-t-on valoir de source diplomatique française. Des pans entiers du pouvoir de Saddam Hussein, dont de nombreux militaires, s'étaient retournés contre les forces américaines et avaient nourri l'insurrection islamiste. Ces hommes constituent aujourd'hui une partie des dirigeants de l'EI, en Irak et en Syrie. « Il faut éviter de saper les instruments essentiels de l'État syrien... Il faut un atterrissage contrôlé, une transition ordonnée », selon la même source.
L'Allemagne, dont le gouvernement a décidé hier de fournir une aide militaire à la coalition internationale en Syrie, approuve la proposition française. « Il y a une partie des troupes en Syrie que l'on peut tout à fait prendre en compte », a affirmé dimanche la ministre allemande de la Défense Ursula von der Leyen, insistant, comme Paris, sur le fait qu'il n'y a « pas d'avenir avec Assad ».
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Quelle armée syrienne ?
Mais, s'interroge David Butter, du centre de réflexion Chatham House (Londres), de quelle armée syrienne parle-t-on ? « Est-ce qu'on parle des services de renseignements, des miliciens des Forces de défense nationale, des mercenaires, du Hezbollah, de l'Iran (les gardiens de la révolution) ou, au milieu de tout cela, de l'armée syrienne ? »
Par ailleurs, l'armée régulière est-elle à la fois motivée et capable de contrôler les territoires à dominante sunnite sous le joug de l'EI ? Rien n'est moins sûr, souligne Steve Biddle, expert défense au Council on Foreign Relations (CFR, Washington). « Il n'est pas certain que l'armée syrienne soit motivée par la conquête de territoires sunnites, fait-il valoir. Et même s'ils parvenaient à prendre Raqqa, il n'est pas certain qu'ils soient capable d'y maintenir la stabilité, alors que la population sunnite considère les alaouites comme des oppresseurs. »
Pour François Heisbourg, chercheur à la Fondation de recherches stratégiques (FRS), impossible de réconcilier armée régulière et rebelles, qui s'affrontent depuis plus de quatre ans. « Et dire qu'il faut encourager l'armée syrienne à se battre contre l'EI avant de résoudre le problème politique, c'est raisonner à l'envers. Il faut d'abord un cessez-le-feu et créer une nouvelle réalité politique », dit-il. « Nous travaillons pour une transition politique », assurait de fait M. Fabius lundi.
Deux réunions internationales, associant pour la première fois les alliés militaires du régime syrien, Moscou et Téhéran, ont eu lieu à Vienne. Une feuille de route a été mise au point, prévoyant une réunion de l'opposition et d'éléments du régime syrien, la mise en place d'un gouvernement de transition et l'élaboration d'une nouvelle Constitution.
Pour d'autres, le simple fait d'imaginer collaborer avec l'armée syrienne sans Bachar el-Assad est illusoire.
« Impossible de dissocier l'armée syrienne de Bachar. Elle lui est totalement inféodée, tranche un haut responsable militaire français, qui affirme s'exprimer en son nom personnel. Continuer à dire qu'il n'est pas l'avenir de la Syrie est contre-productif. Nous allons être obligés de traiter avec un homme et un régime abominables, mais je ne vois pas tellement d'autre choix. »
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commentaires (8)
AFFIRMATION : « Il y a une partie des troupes en Syrie que l'on peut tout à fait prendre en compte », a affirmé dimanche la ministre allemande de la Défense. QUESTIONS : QUAND LES ALLIES ONT LIBEREE L’ALLEMAGNE HITLERIENNE ONT ILS PRIS EN COMPTE « UNE PARTIE DES TROUPES » NAZIES POUR DENAZIFIER LA NOUVELLE ALLEMAGNE ? OU BIEN LES ONT-ILS JUGEES A NUREMBERG POUR CRIMES DE GUERRE ET CRIMES CONTRE L’HUMANITE ? ET QUAND LES AUTHORITES AMERICAINES ONT COFFREE LE GANGSTER AL CAPONE ONT-ILS PRIS EN COMPTE « UNE PARTIE DE SES TROUPES » DE GANGSTERS POUR DEALCAPONISER ET PURGER LA VILLE DE CHICAGO DE SES GANGSTERS ?
Henrik Yowakim
07 h 39, le 03 décembre 2015