Au milieu de la confusion – sciemment entretenue par les parties concernées – autour de la tenue d'une rencontre à Paris, jeudi, entre le chef du courant du Futur, Saad Hariri, et le chef des Marada, Sleimane Frangié, une part de vrai a émergé, laquelle s'est confirmée au cours des deux derniers jours : un compromis intérieur est en gestation pour raviver la vie politique, à l'heure d'un risque de « faillite générale du pays, à la fois sécuritaire et constitutionnelle ».
La perspective d'un « compromis national fédérateur » a été évoquée lors d'une rencontre, hier, entre M. Hariri et le chef du Rassemblement démocratique, Walid Joumblatt, à Paris, suivie d'une autre, entre Saad Hariri et le chef du parti Kataëb, Samy Gemayel. Notons qu'une délégation du Futur, composée du vice-président de la Chambre, Farid Makari, le chef du bloc parlementaire du Futur, Fouad Siniora, Ghattas Khoury, Nader Hariri et Hani Hammoud, s'était rendue la veille à Riyad.
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Selon un communiqué du bureau de Saad Hariri, l'entretien Hariri-Joumblatt s'est déroulé en présence du ministre Waël Bou Faour, des anciens députés Bassem Sabeh et Ghattas Khoury, et de Nader Hariri.
Les échanges ont porté sur « la crise politique prolongée au Liban et les risques graves qu'elle porte désormais au pacte national, à la stabilité, la sécurité et l'économie du Liban, à l'ombre des événements sanglants dans notre voisinage arabe », selon le communiqué. Face à ces enjeux, « l'entretien a abouti à une entente sur la nécessité de déployer tous les efforts possibles vers un compromis national fédérateur, qui préserve notre pacte national et consacre l'accord de Taëf comme document de référence, en réglant en premier la crise de la vacance présidentielle, de manière à interrompre le processus de décrépitude de nos institutions nationales et à en relancer les activités, notamment celles du gouvernement et du Parlement, tout en assurant une ombrelle de protection politique et sécuritaire pour le pays (...) ». « Il a également été convenu de poursuivre les contacts avec les différentes composantes nationales et forces politiques pour trouver le moyen de lancer et de mettre en œuvre ce compromis au plus vite », ajoute le texte.
Priée de préciser la teneur de ce « compromis national fédérateur », une source parlementaire du Futur se contente d'affirmer à L'Orient-Le Jour que toutes les nouvelles prises de contact, notamment Futur-Marada, ne sont qu'une « prospection, une manière de tâter le pouls, en vue d'un éventuel compromis ». La source confirme ainsi la tenue de la rencontre Hariri-Frangié, certifiée d'ailleurs hier par plus d'un parlementaire du Futur, et veille à préciser que celle-ci a eu lieu au domicile de Saad Hariri et non de l'homme d'affaires libanais Gilbert Chaghouri, contrairement aux informations diffusées dans les médias.
En outre, une source du Futur très informée des contacts en cours précise à L'OLJ que « les contours du compromis souhaité restent encore à définir. Nous sommes au stade de la recherche de solutions, pas encore de la maturation d'une entente ». La même source explique que c'est « Saad Hariri qui a pris l'initiative d'entrer en contact avec les différentes parties pour une issue globale à une situation devenue désormais absolument ingérable ». C'est une solution inclusive de toutes les parties libanaises que préconiserait Saad Hariri. Ce dernier « veille à informer toutes les parties de sa démarche, y compris les Forces libanaises », précise la source, en réponse à une question.
Si elle s'abstient d'évoquer les clauses du compromis envisagé (l'inclusion par exemple d'une entente sur la loi électorale), la source précise qu'une présidence du 8 Mars contre une présidence du Conseil du 14 Mars fait partie des options envisagées : la candidature de Sleimane Frangié, serait, dans ce sens, « assez sérieuse ».
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Des acteurs du 14 Mars, critiques à l'égard du Futur, estiment en revanche que « la soi-disant candidature de M. Frangié » n'est que de la poudre aux yeux. Preuve en est, estiment ces milieux, la déclaration, hier du ministre de la Justice Achraf Rifi : « Toute personne qui répond de l'axe irano-syrien ne peut accéder à la présidence. »
Les rumeurs de la candidature de M. Frangié fourniraient au Futur l'outil de « manœuvrer » contre les Forces libanaises, jusqu'à les inciter à définir clairement leurs alliances (brouillées par leur rapprochement avec le Courant patriotique libre).
En réaction, une délégation des Forces libanaises, emmenée par le député Fady Karam, a rendu visite hier au chef du Parti national libéral, le député Dory Chamoun, à l'occasion de l'Indépendance. L'entretien, marqué par une intervention téléphonique du chef des Forces libanaises, Samir Geagea, a été suivie d'une déclaration de Fady Karam. Réaffirmant les « grands principes de la résistance libanaise (...) partagés par les FL et le PNL pour l'indépendance et la souveraineté du Liban », il a souligné que « les FL restent engagées dans cette voie nationale ». Une réaffirmation de l'alliance des FL au sein du 14 Mars ? Il reste que le député FL a affirmé, de but en blanc, en réponse à une question : « La candidature de Sleimane Frangié n'est pas envisageable, surtout qu'il est l'ami de ceux qui ont gouverné le Liban pendant de longues années (la famille Assad, ndlr). »
Du côté du 8 Mars, les rumeurs de la candidature de M. Frangié permettraient au Hezbollah de se libérer de la candidature de Michel Aoun – même si, semble-t-il, le timing actuel du rapprochement Frangié-Hariri n'a pas été concerté préalablement avec le parti chiite et aurait été fait sur instigation russe. Face à ce rapprochement, le CPL insiste sur la question de la représentativité, c'est-à-dire une nouvelle loi électorale comme clé du déblocage. « Nous sommes avec les ententes, pas les compromis », a déclaré le député Ibrahim Kanaan à la Voix du Liban. Et, pour le député Nabil Nicolas, « le package deal global ne signifie pas d'écarter Michel Aoun ».
Un autre argument qui affaiblit le « sérieux » de la candidature de M. Frangié : les Kataëb continuent de défendre un « candidat qui n'est issu ni du 8 Mars ni du 14 Mars ».
Ceci n'empêche que ce parti chrétien du 14 Mars pourrait servir à compléter « la conjoncture » susceptible de servir de moule au nouveau compromis envisagé : Futur-Amal-Parti socialiste progressiste-Marada-Kataëb. La couverture chrétienne des deux camps serait alors assurée pour forcer un déblocage de la présidentielle et inciter toutes les parties à se joindre éventuellement à la formule de compromis.
Bien que vivement contesté, le caractère « consensuel » de la candidature du député de Zghorta est mis en avant par ce dernier avec une certaine pugnacité. Après un entretien hier à Bnechii avec l'ambassadeur de Grande-Bretagne, Hugo Shorter, en présence de Tony Frangié et de Jean Boutros, Sleimane Frangié a reçu une délégation du conseil exécutif de la Ligue maronite, emmenée par le président de la Ligue, Samir Abillamaa, en présence de l'ancien ministre Youssef Saadé.
À l'issue de la visite, ce dernier a rapporté « la conviction de Sleimane Frangié que le président de la République doit être le garant de l'ensemble des composantes du pays, partisanes, politiques et religieuses, sans oublier la société civile qui a acquis un rôle considérable ».
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commentaires (13)
C'est bien de la part de monsieur Joumblatt (bon, y a déjà blatte) alias le caméléon du chouf, mais il faudrait aussi que le saksouké monsieur Hariri, alias El-Harbann, rentre au pays du cèdre. ça suffit les balades en mer... l'hiver est là maintenant, et puis... je ne lui conseille le ski eu égard aux expérience précédente.
Ali Farhat
04 h 09, le 25 novembre 2015