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Liban

La femme violentée, ou l’humanité oubliée

Honoré de Balzac écrivait un jour : « La femme est un délicieux instrument de plaisir, mais il faut en connaître les frémissantes cordes, en étudier la prose, le clavier timide, le doigté changeant et capricieux. »

Protéger la femme de la violence domestique. Photo Sami Ayad

« Connaître » et « étudier » : deux conditions pour parvenir à jouer, d'une façon noble et artistique, sur l'instrument de la femme, avec de sincères émotions mélodiques. Ces conditions appartiennent évidemment au champ lexical de la culture et de l'apprentissage. Tant qu'une personne est bien élevée, elle pourra incontestablement discerner le bien et le mal, le vrai plaisir et le faux plaisir. Le faux plaisir résonne dans la gloutonnerie instinctive des hommes indignes et implique la jouissance sexuelle exaltante. Certains hommes, petits d'esprit, s'assouvissent de cette façon humiliante, tout comme un animal : ils se laissent guider par leurs imbéciles et vulgaires désirs, au détriment de toute dignité, de toute norme. Cependant le vrai plaisir sort de la femme hors de son corps, de ses principes conservateurs et humanitaires, hors de son image extérieure sculptée ; ceci mène un plaisir virginal pudique. Quand l'homme parvient à rendre sa femme heureuse, il réussit à produire une parfaite symphonie harmonieuse qui n'est autre que les éclats de rire de sa partenaire. Cette symphonie crée un plaisir chaste et pur. En revanche, lorsque les larmes de la femme suintent à cause de l'homme, lorsque ses lèvres frissonnent à cause d'une vague patriarcale farouche, les cordes mouillées perdent leur technicité, et le clavier perturbé perd toute maîtrise de notes ; en d'autres termes, l'homme perd la vraie virilité humaine et décente une fois qu'il dénude ou tente de dénuder une femme de son sourire, de sa dignité, de ses scrupules.
Malheureusement, dans notre société libanaise actuelle, où le progrès policé est supposé être acquis après tous les soubresauts scientifiques, économiques, sociaux et psychologiques, on n'assiste qu'à une barbarie encore pire que celle qui existait depuis l'antiquité, dans les tribus. Pourquoi ? Parce que aujourd'hui les responsables de cette barbarie sont des personnes éduquées ; d'où la plus grande contradiction, d'où l'amertume du réel social. En effet, l'éducation est enlaidie par ses possesseurs ; elle n'est devenue qu'un simple ornement qui sert uniquement à farder la laideur exécrable des hommes qui malmènent les femmes, qui en abusent sexuellement et qui les traitent d'une manière avilissante.
Comment peut-on admettre qu'au XXIe siècle, le Liban, qui prétend être enraciné dans une terre fertile, connaît toujours des hommes qui exercent la violence contre les femmes ? Cette violence monte ironiquement crescendo, malgré les diverses manifestations menées par les femmes torturées, malgré la fondation de plusieurs organisations pour leur défense !
Nous vivons dans un pays unique ! Unique parce qu'il chemine hors du circuit traditionnel, parce qu'il redéfinit l'humanité selon ses mentalités. Notre humanité développe la culture de la torture, privilégie toujours l'homme aux dépens de la femme au nom de la supériorité du sexe masculin, prône la mort civile des femmes pour semer les graines du fanatisme patriarcal, se vante de la discrimination sexuelle, et finit par déformer les synonymes conventionnels de la bonté et de l'équité. La vraie humanité est complètement occultée !
Beaucoup de femmes, surtout mariées, sont humiliées par leurs époux qui restent barricadés derrière les barreaux d'une obstination patriarcale rudimentaire. D'où la décadence qui découle de cette actualité dramatique et honteuse. Le pays risque dangereusement de s'effondrer dans un précipice insondable si l'État ne se hâte pas, par des législations et des juridictions nouvelles, à voler au secours des victimes.
Pour donner des exemple de législations, passons donc en revue quelques textes internationaux en faveur des droits de la femme.
La Cedaw est une convention, adoptée en 1979, ratifiée par le Liban en 1996, pour l'élimination de toutes formes de discrimination à l'égard des femmes. Son but est de favoriser leur plein développement dans tous les domaines en luttant contre les stéréotypes et les préjugés.
En outre, la fameuse DUDH de 1948 dispose dans son 1er article ce qui suit : « Les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité. » Cette déclaration s'analyse comme étant une garantie pour protéger la femme contre toute ségrégation pratiquée contre elle, et elle se trouve étayée, dans son essence, par l'article 26 du pacte international relatif aux droits civiques et politiques qui proclame que « toutes les personnes sont égales devant la loi et ont droit sans discrimination à une égale protection de la loi. À cet égard, la loi doit interdire toute discrimination et garantir à toutes les personnes une protection égale et efficace contre toute discrimination notamment de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d'opinion politique et de toute autre opinion, d'origine nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre situation ».
Les déclarations, les pactes, les conventions nationaux ou internationaux, qui pivotent autour des droits de l'homme, sont nombreux. Ce qui est important c'est non seulement leur ratification – signe de l'éveil de la conscience mondiale –, mais aussi leur application dans la vie pratique – signe de la maturité de l'éveil de cette conscience. De même, cette application doit être accompagnée de son corollaire obligé et habituel : le diagnostic social ! Par là, il faut détecter les causes et les effets produits, mettre les femmes à l'abri des actes attentatoires à leur dignité et aux mœurs publiques ; il faut même orienter les hommes – rabroueurs – et surveiller leur traitement psychologique sans se contenter uniquement de leur infliger une sanction pénale, parce que la prison, seule, peut épanouir leur agressivité et gommer l'essentiel : leur humanité oubliée !
Statistiquement, il est difficile de détecter l'ampleur des crimes d'agression contre les femmes. En fait, beaucoup de femmes violentées refusent de recourir aux permanences de police et préfèrent que leur tourment soit discret. Pourtant, selon une statistique menée par la Direction générale de la sécurité intérieure au Liban, en 2008, sur 300 femmes interrogées, 87 % sont victimes d'une violence verbale, 68,3 % d'une violence gestuelle, 90 % d'une violence psychologique et 55 % d'une violence sexuelle. De plus, en 2009, il y a eu 1 302 crimes d'agression contre les femmes !
Ce qui est beaucoup plus traumatisant, c'est le silence de certaines femmes, malgré l'existence de plusieurs organisations, telles que Kafa, visant à abattre le mur de la tyrannie patriarcale et à recevoir les griefs des femmes asservies afin de leur assurer les aides légales et judiciaires nécessaires.
Cependant, le silence a ses raisons : certaines femmes ignorent la procédure qui doit être suivie afin de déposer plainte au commissariat de police au plus tôt. En plus, les gendarmes ne prennent pas toujours les mesures nécessaires et adéquates pour secourir les femmes, sous prétexte qu'il s'agit d'une affaire familiale privée. De même existe la difficulté à obtenir un rapport médical précieux, preuve de la sauvagerie des hommes oppressifs.
Ce qu'on peut proposer pour mettre un terme à cette sauvagerie masculine, c'est la création de centres spéciaux pour réhabiliter les hommes coupables de ces actes, et ne pas se suffire d'une simple sanction pénale ou pécuniaire. Il faut aussi encourager les associations à but non lucratif en faveur des femmes sujettes à des violences domestiques.
Notons que la violence est polysémique, elle ne concerne pas seulement le mal ou la douleur physiques, elle doit être entendue dans un sens beaucoup plus large. Par exemple, l'abus sexuel entre les conjoints incarne 3 sortes de violences : corporelle, sexuelle et psychologique. Le contrat conjugal est tellement dénigré qu'il finit par perdre sa qualité sacrée, sublime et gracieuse, pour s'identifier à un simple contrat de vente. L'homme « achète » sa femme, tout comme un objet matériel inanimé, et use de son corps selon ses caprices. L'épouse abusée n'ose résister à ces mauvais traitements : la mutité étranglée devient son sort éternel.
Je m'adresse aux femmes tourmentées par les violences masculines pour leur dire : tant que vous vous cloîtrez dans le silence, vous êtes en train d'assurer l'impunité aux hommes agresseurs. Cela va les encourager à innover et persévérer dans la violence. Tant que vous subirez cette terreur sans réagir, vous anticipez votre trépas, vous préparez votre enterrement.
Il faut s'opposer à cette violence, il faut apprendre à dire NON sans craindre les conséquences qui s'ensuivent. Rappelez-vous Malala, cette jeune fille pakistanaise, née le 12/7/1997 et qui, à l'âge de 11 ans, est devenue le symbole de la lutte contre les talibans pour garantir aux filles leur droit à l'éducation. Cette militante a été victime d'une tentative d'assassinat où elle a été grièvement blessée. Cependant, cette attaque a conduit à la médiatisation de Malala. En fait, en 2014, elle a reçu le prix Nobel de la paix : elle est la plus jeune lauréate de l'histoire de ce prix ! Malala, durant son parcours audacieux, a été souvent menacée par les talibans pour lui imposer le silence ! Mais, déterminée à combattre pour ses convictions et des droits de la femme jusqu'au dernier souffle, cette jeune fille est sortie vivante et victorieuse avec une voix beaucoup plus porteuse et un appel beaucoup plus retentissant en faveur de la liberté des femmes.

« Connaître » et « étudier » : deux conditions pour parvenir à jouer, d'une façon noble et artistique, sur l'instrument de la femme, avec de sincères émotions mélodiques. Ces conditions appartiennent évidemment au champ lexical de la culture et de l'apprentissage. Tant qu'une personne est bien élevée, elle pourra incontestablement discerner le bien et le mal, le vrai plaisir et...

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