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Économie - Splendeurs et misères économiques

Volkswagen ? Pas une exception, mais la règle du capitalisme actuel

Né à Beyrouth, Michel Santi est un macroéconomiste franco-suisse qui conseille des banques centrales et des fonds souverains. Il est notamment l’auteur de « L’Europe, chroniques d’un fiasco économique et politique » et de « Misère et opulence ».

Un glissement s'est déroulé depuis le début des années 1980 car le pouvoir de l'argent est passé des mains des capitaines d'industrie à ceux de la finance, qui a étendu sa domination pour finir, au milieu des années 2000, par régner sur l'économie réelle qui est devenue accro à la financiarisation. Cette sophistication de la finance (ayant accouché de la crise des subprimes dès 2007) a su se rendre indispensable à l'économie en l'arrosant de liquidités. Les entreprises et les acteurs économiques ont dès lors adopté le marché comme référence suprême sans se rendre compte que cette financiarisation revenait en fait à une monopolisation accrue des pouvoirs. Pouvoirs qui étaient imperceptiblement passés des mains des capitaines d'industrie et des entrepreneurs, familiers, avec leurs ouvriers et leur production, à celles d'une élite de financiers. La tradition entrepreneuriale avait jusque-là créé une valeur ajoutée pour notre société, et les révolutions technologiques avaient laissé une marque profonde pour avoir constitué les forces motrices ayant débouché à la prospérité des sociétés et la réalisation de l'individu. Le profit n'était qu'un instrument pour ces entreprises et non le but ultime, car il était constamment réinvesti, dans l'intérêt certes des entrepreneurs, mais aussi de toute la chaîne humaine qui y participait.
Aujourd'hui, le profit est le seul horizon de cette financiarisation ayant tout contaminé sur son passage et qui ne considère les entreprises que comme une machine à sous dans un casino planétaire qui achète et vend des entreprises, qui embauche et licencie des salariés, avec pour seuls critères les bénéfices escomptés. La dichotomie entre industrie et finance a totalement disparu et le scandale de Volkswagen achève de nous convaincre que la production ne représente qu'un accessoire, tout juste bon pour justifier et alimenter un secteur financier bien plus lucratif que les activités traditionnelles. Le mélange des genres est devenu global, intégralement en faveur de la finance, au mépris de tout intérêt commercial et de toute stratégie industrielle. C'est l'ensemble du spectre qui se retrouve aujourd'hui contaminé par la financiarisation : énergie, immobilier, denrées alimentaires, le seul et unique objectif étant de dégager dans les meilleurs délais des bénéfices sonnants et trébuchants.
Cet objectif unique du profit, érigé au rang de religion pragmatique, a défini de nouveaux codes dont l'ensemble de la société doit s'imprégner. Voilà pourquoi l'Allemagne se focalise sur les gains de productivité comme unique moyen pour résorber les déficits. Tous les critères et toute recherche de solutions sont donc décortiqués à l'aune de la productivité. Ce mépris de la valeur travail que nous acceptons tous dans l'intérêt des gonflements des revenus spéculatifs n'est-il pas la marque de la décadence de notre civilisation ? Le travail est devenu une simple denrée, une vulgaire matière première, privée de toute considération morale ou humaine. De fait, les entreprises qui licencient sont récompensées par les marchés via une augmentation de leur titre en Bourse tandis que celles qui embauchent sont jugées avec circonspection par l'armada des analystes financiers confortablement installés dans leur fauteuil.
Les violations de la loi et la corruption semblent faire aujourd'hui partie des règles du jeu de ces entreprises et du monde de la finance, seulement préoccupés par le fait de réaliser de bons chiffres, dépasser les concurrents, conquérir de nouveaux marchés, jusqu'à ce que certains se fassent « pincer ». L'éthique et la morale sont priées de s'éclipser face aux promotions, aux bonus, aux comptes et aux rapports falsifiés. Volkswagen ne constitue à cet égard qu'une péripétie supplémentaire sur un long chemin de corruption et de scandales.

Un glissement s'est déroulé depuis le début des années 1980 car le pouvoir de l'argent est passé des mains des capitaines d'industrie à ceux de la finance, qui a étendu sa domination pour finir, au milieu des années 2000, par régner sur l'économie réelle qui est devenue accro à la financiarisation. Cette sophistication de la finance (ayant accouché de la crise des subprimes dès...

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