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Lifestyle - Beyrouth insight

Sylvio Tabet, immortel ?

Entre « Beastmaster » et « A Journey to Shanti », entre la production et la spiritualité, entre le Liban, les États-Unis et le monde, qu'il ne se lasse pas de découvrir, il a mis le cap sur la sérénité. Portrait presque inchangé d'un Sylvio Tabet plus épanoui que jamais.

Photo C.H.

Dans son appartement perché au septième ciel avec vue sur Achrafieh, à l'heure où le soleil se noie dans une ville presque endormie, noyant également l'atmosphère dans un rouge orangé qui lui va parfaitement bien, Sylvio Tabet sourit, une patience au bout de ses doigts, des bracelets bouddhistes au bout des mains. Entouré justement de bouddhas, incalculables bouddhas complices de sa spiritualité, alignés auprès des affiches de films qu'il a produits autrefois, quand le cinéma français, puis américain lui ont fait oublier la publicité, il est comme un poisson dans une eau douce, qui l'empêche, tranquillement, de tourner en rond. «Je suis maronite, précise-t-il, mais j'aime suivre la philosophie bouddhiste qui est à la fois très simple et très sage. Durant de nombreuses années, je suis parti à la rencontre de gourous. J'ai beaucoup appris sur leurs enseignements.»

Et pourtant. Dans la mémoire souvent très affective des Libanais, une certaine génération du moins, Sylvio Tabet véhicule des images, et quelques émotions, en noir et blanc. Petits instants, courtes minutes de publicités qui décrivent encore, avec nostalgie, avec regret, le Beyrouth d'avant-guerre. De 1964 à 1974, dix années glorieuses dont les passionnés aiment à retenir, parmi les 400 films tournés sous le label SMT Films, l'eau minérale Sohat, la galerie Condas, les voitures Renault, les montres Citizen ou encore Chicklets, tourné en CinémaScope et qui a remporté le Lion d'or au Festival du film publicitaire de Venise en 1972, le premier Lion d'or décroché par un Libanais! Lorsque au haut de l'affiche, Sylvio Tabet décide de tout quitter pour Paris, pour les longs (métrages), parce que les quelques secondes publicitaires ne lui suffisent plus pour s'exprimer, le grand écran s'ouvre à lui. En 1976, il produit son premier film français, Cours après moi que je t'attrape!, un gros succès, avec Annie Girardot. Suivront Bilitis, le Pion, le Toubib et bien d'autres.

En 1979, Sylvio Tabet déserte peu à peu la France pour Los Angeles et Hollywood, des parenthèses qui deviennent en 1991 une destination finale. Dead Ringers, Cotton Club et aussi, allez savoir pourquoi, cet adorateur de Bouddha fait un mariage d'intérêt(s) avec le diable. The show must go on... Les films de science-fiction l'attirent. Il produit entre autres Evil Speak, Fade to Black, les deux seront récompensés au Festival d'Avoriaz, et puis les fameux Beastmaster, qui deviennent vite culte et adaptés en série télé à grand succès.
Une suite est d'ailleurs en préparation... Mais les monstres, c'est juste du business. Pour retrouver sa tranquillité, rassurer son âme, Sylvio Tabet fait des voyages, accumule les photos, approfondit sa spiritualité, épanouit son talent d'artiste. Il publie Journey to Shanti, une expérience spirituelle sur les enseignements de Sri Sathya Sai Baba. Ce livre, une méditation sur les valeurs humaines et le sens de la vie, a été dédicacé par le dalaï-lama avec qui il a énormément voyagé. « Il sait sourire, il sait rire », confie-t-il. L'homme pressé, reconverti en homme tranquille, écrit également un recueil de poèmes, Repetitions. De même qu'il coécrit Tara, reine de la Touargang.

Vivre cent ans
Tous ces livres, ces films d'une autre vie, dont les affiches habillent les murs de son appartement beyrouthin, auprès de grandes et très belles photos prises et exposées durant ces dernières années, Sylvio Tabet, un grand sourire aux lèvres, aime bien y revenir, mais juste pour parler de la suite. Des livres en préparation, des films en cogitation dans sa tête, production ou écriture et réalisation, du Liban, ce Liban qui change, qui subit, qui se noie, mais où il aime revenir pour retrouver ses racines. «J'ai un projet qui me tient à cœur, confie-t-il, qui sera réalisé et tourné au Liban. Inspiré de l'histoire de mon bouddha.» Un bouddha que Sylvio Tabet a spécialement commandé, envoyé au Liban et installé dans une parcelle de terre achetée à Bakish, près de l'église du coin, et sur laquelle il souhaite, un jour, construire sa maison. Vandalisé à plusieurs reprises, certains habitants y ont peut-être vu un mauvais sort, une dangereuse influence sur les croyants, il sera mis dans une boîte, encerclé d'une clôture, «pour le protéger». Rien n'arrêtera les vandales qui vont encore une fois tout casser. «C'est regrettable, ils ont mal compris la signification de la présence du bouddha sur mon terrain. Je n'ai jamais voulu déranger personne, mais je ne peux pas comprendre qu'on puisse massacrer des statues. À mon niveau et à un niveau plus large, comme cela se passe dans le monde actuellement...»

Alors peut-être qu'un jour, du moins le souhaite-t-il, Sylvio Tabet pourra construire sa maison, déposer son ange gardien là où il le désire, avec l'accord de tous, et puis réaliser ce film très personnel. «Il y a toujours des événements ou des obstacles qui remettent tout en cause, dit-il très calmement. On a alors le temps de méditer sur soi-même et sur les choses. Il n'est jamais trop tard.» Pour lui qui croit au yoga, à la méditation, à son Dieu, à la réincarnation, sans en avoir la preuve, sans chercher à en avoir, il précise : « C'est facile aujourd'hui de vivre jusqu'à 100 ans.» Aimerait-il? «Pourquoi pas? Si je suis toujours en bonne santé!»
Pourquoi pas ? Car pour l'instant, et on lui touche du bois, il affiche soleil et beau fixe. Une belle jeunesse...

 

Pour mémoire
Sylvio Tabet : portrait d'un cinéaste en photographe

Dans son appartement perché au septième ciel avec vue sur Achrafieh, à l'heure où le soleil se noie dans une ville presque endormie, noyant également l'atmosphère dans un rouge orangé qui lui va parfaitement bien, Sylvio Tabet sourit, une patience au bout de ses doigts, des bracelets bouddhistes au bout des mains. Entouré justement de bouddhas, incalculables bouddhas complices...

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