Après un été tumultueux, Pékin cherche à apaiser les angoisses sur l'essoufflement de l'économie chinoise, mais les recettes du gouvernement peinent à faire effet, les réformes promises s'enlisent et l'ajustement à une croissance ralentie se fait dans la douleur, selon les analystes. Il y a seulement six mois, le Premier ministre Li Keqiang dévoilait l'objectif d'une croissance du PIB « d'environ 7 % » cette année, soit un net ralentissement, qualifié de « nouvelle normalité ». La croissance de la deuxième économie mondiale avait glissé à 7,3 % en 2014, au plus bas depuis près d'un quart de siècle, avant de tomber à 7 % aux 1er et 2e trimestres 2015.
Depuis, les indicateurs maussades se succèdent et les Bourses locales se sont effondrées de plus de 30 % depuis mi-juin. Dimanche, le gouvernement chinois a annoncé un léger sursaut en août, avec une progression de la production industrielle de 6,1 % sur un an, plus forte qu'en juillet, mais nettement en dessous de la prévision médiane de 6,5 % de Bloomberg. La dévaluation soudaine du yuan a avivé la nervosité générale. Pourtant, Li Keqiang, s'exprimant jeudi devant des hommes d'affaires chinois et étrangers au Forum économique mondial, a assuré que la situation était sous contrôle. « En cas de signaux montrant que l'économie s'enfonce en dehors du périmètre approprié, nous avons des moyens convenables pour réagir (...) Il n'y aura pas d'atterrissage brutal », a-t-il martelé. Certes, Pékin multiplie les mesures de relance – mais sans succès évident, et surtout au risque de sacrifier ses promesses de réformes censées accorder davantage de liberté au marché. Le gouvernement est ainsi massivement intervenu cet été pour enrayer la dégringolade des Bourses – 234 milliards de dollars estimés pour acheter des actions – et agit toujours en sous-main pour maintenir le cours du yuan. « Rien ne fonctionne. Les dirigeants ne peuvent que ralentir la baisse (de l'économie), pas inverser la tendance », relève Gordon Chang, commentateur indépendant interrogé par l'AFP. Le gouvernement a dévoilé courant août la 5e baisse des taux d'intérêt en dix mois et desserré les méthodes de calcul du ratio des réserves obligatoires imposé aux banques, pour les inciter à accorder plus de prêts. Pékin s'est aussi engagé à renforcer dépenses publiques et investissements dans les infrastructures, et promis des rabais d'impôts élargis. « Le gouvernement dispose encore de marges de manœuvre », a indiqué à l'AFP Zhang Jun, professeur à l'université Fudan à Shanghai. Selon certains experts, les chances d'un « atterrissage brutal » restent minces. Pour autant, « le risque est toujours là », a prévenu M. Zhang. De fait, les grandes banques commerciales chinoises font toutes état d'un net gonflement des « créances à risques » – menacées d'un défaut de paiement – au premier semestre, les entreprises subissant une conjoncture morose.
Dans ce contexte, « les banques pourraient se montrer encore plus frileuses dans l'octroi de prêts à l'économie réelle », a averti Liu Li-Gang, analyste de la banque ANZ. La Chine pourrait consacrer au moins 1 200 milliards de yuans (188 milliards de dollars) sur trois ans à ses efforts de relance budgétaire, selon la banque d'investissement étatique China International Capital Corp. Cela resterait très en deçà du plan de relance titanesque de quelque 4 000 milliards de yuans débloqués après l'éclatement de la crise financière de 2008. Le pays en paie aujourd'hui le prix : ce soutien massif a suscité une envolée de l'endettement privé et public et une surchauffe du marché immobilier. Pékin dit aujourd'hui vouloir éviter de réitérer un tel plan.
Bill Savadove / AFP
Les autorités saisissent de l'argent public non dépensé
Les autorités chinoises ont saisi jusqu'à 1 000 milliards de yuans (156 milliards de dollars) auprès d'autorités régionales n'ayant pas dépensé le budget qui leur avait été alloué, a-t-on appris de sources proches du gouvernement. « Les autorités régionales avaient demandé cet argent. Il a été versé mais personne n'en a rien fait », a déclaré une des sources, ajoutant, sans autre précision, que cet argent sera réinvesti. Une décision qui survient alors que les économistes estiment que la Chine investit trop peu d'argent public. La somme de 1 000 milliards de yuans représente environ 6 % de la totalité des dépenses publiques prévues cette année.