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Liban

Des revendications diverses, mais un « ça suffit ! » unanime

Une pancarte signée « Vous puez ! » et stigmatisant les « 128 intrus » du Parlement. Photo Nasser Trabulsi

Si les revendications du collectif « Vous puez ! », organisateur de la manifestation imposante de samedi, ont été clairement énoncées dans leur communiqué, celles des manifestants présents sur la place des Martyrs samedi étaient pratiquement aussi diverses que cette foule extrêmement colorée, qui a exprimé son ras-le-bol. Une foule venue des quatre coins du Liban, parfois en groupes organisés (associations, collectifs...), ou en famille et entre amis. La crise des déchets était présente à l'esprit des manifestants, mais elle n'était pas la seule : les coupures d'électricité et d'eau, la corruption, les droits bafoués, l'accès aux espaces publics... Si certains groupes continuent de revendiquer « une chute du régime », beaucoup d'autres manifestants, de tous âges, prônent un changement plus graduel et plus adapté à la situation du Liban. Et ce même si la condamnation des hommes politiques, députés et ministres, est unanime.

Houssam a 24 ans, il est fraîchement diplômé et vient de Jnah avec sa famille et ses amis. « Je ne veux pas être obligé d'émigrer pour travailler, je tiens à rester dans ce pays », dit-il, tout comme bien d'autres jeunes rencontrés sur la place. Tracy est arrivée sur les lieux avec des amis, brandissant des pancartes avec les messages « Vous nous rendez malades ! » et « Ne nous poussez pas à quitter le Liban ». « Nous venons leur dire que nous, jeunes diplômés, n'avons pas envie d'aller travailler ailleurs », dit-elle. Tracy a un emploi, mais son salaire « ne suffit pour rien du tout, c'est pour cela qu'on émigre ».
La génération des parents rappelle qu'elle souffre de la même plaie. Raja' et Samara sont toutes deux des habitantes du quartier voisin de Zokak el-Blatt. « Nous venons protester contre ce chaos dans lequel nous vivons, lancent-elles. Nous n'avons ni eau ni électricité, les déchets jonchent les rues. Et, de plus, tous nos enfants travaillent à l'étranger et vivent loin de nous. Nous espérons que ce mouvement fera bouger les choses. »
Issam, 24 ans, a fait le trajet depuis la banlieue sud. « Nous vivons dans un pays gouverné par les "enfants de" et les voyous », affirme-t-il, avant de condamner toutes les forces politiques sans exception. Il veut « que toute la classe politique soit remplacée par des personnes d'une autre trempe ». Comment propose-t-il de faire cela ? « Un seul mouvement ne peut pas tout changer d'un coup, il faut s'organiser et échafauder un plan précis », dit ce jeune homme fraîchement diplômé.

Ils sont nombreux à exprimer cette idée d'« un début » et d'« un mouvement qui devra être de longue haleine ». Hussein, 23 ans, venu de Bir Hassan, fraîchement diplômé lui aussi, pense que le combat est long parce que l'adversaire est de taille. « Je suis là parce que ma conscience me dicte de l'être, pour mon pays, dit-il. Il faut commencer par demander des comptes. »
« Je veux vivre dans un pays qui respecte l'être humain », souligne de son côté Lina, employée de banque, venue avec un groupe d'amies. « Ces hommes politiques n'ont plus rien à donner, d'autant plus qu'ils lèguent le pouvoir à leurs proches, affirme-t-elle. Plutôt qu'un changement de régime, non justifié à mes yeux, je serais favorable à un changement dans la classe politique. »
Rosy se présente comme une militante de longue date pour les droits civils et une chef d'entreprise « qui continue de construire au Liban ». « J'ai peur que le pays ne s'enfonce encore davantage dans le confessionnalisme », dit-elle. « Aujourd'hui, toutes les catégories sont représentées, souligne-t-elle. C'est un même cri populaire, et il doit parvenir à destination. » Elle dit avoir établi des contacts avec des professionnels de son domaine en vue de se joindre à ce mouvement et de le soutenir de manière plus substantielle.

 

(Lire aussi : La société civile a donné 72 heures au gouvernement pour réagir, sinon...)

 

« Une diversité normale »
Parmi les manifestants, il y avait autant de militants chevronnés que de citoyens qui descendent dans la rue pour la première fois. Adib est un syndicaliste de la première heure. Il rappelle que le mouvement syndical avait déjà lancé un appel à la réforme en 1996, avant qu'il ne soit totalement neutralisé par les autorités. « La diversité des slogans dans la manifestation ne m'inquiète pas, c'est normal, cette foule est hétéroclite, dit-il. Mais il faut que les responsables et les partis se rendent compte que le mouvement du peuple est comme l'eau, on peut le freiner un moment mais jamais l'arrêter totalement. »
À l'opposé, Joumana, employée, en est à sa première manifestation. « Je regardais la télé, et je me suis sentie concernée par ce mouvement parce qu'il n'est pas relié à une force politique particulière », dit-elle, ajoutant espérer « une initiative de réforme », même si elle n'est pas favorable « à une chute du gouvernement ».

D'autres manifestants sont des déçus des partis politiques et ont une vision bien plus radicale du changement à venir. Élie est professeur d'université. Il a longtemps vécu hors du Liban mais est revenu au bercail assez récemment. « J'ai participé à toutes les manifestations qui avaient eu lieu par le passé, dit-il. Mais ils ont tous laissé le peuple tomber. » Il prône des mesures radicales, pas un changement progressif, estimant qu'il faut une modification profonde dans l'establishment politique et l'organisation d'un grand congrès pour décider de se diriger soit vers un État civil central, soit vers une confédération de communautés. « Pourquoi avons-nous peur que le pays ne s'effondre ? se demande-t-il. Qu'est-ce qu'il nous offre actuellement à part nous faire payer des taxes sans quoi que ce soit en échange ? »

« La goutte qui a fait déborder le vase »
Dans la rue samedi, il y avait aussi des écologistes évidemment, venus rappeler que la cause qui a tout déclenché était environnementale par excellence. Mona est une militante dans une association à Saïda, dans le domaine de l'environnement, du développement et de la citoyenneté. « Je suis une habituée des mouvements pour les droits civils, dit-elle. Mais c'est la première fois que je vois une foule aussi représentative de toutes les communautés, tous les âges, toutes les régions... » Pour elle, « il faut rester réaliste et régler en premier lieu le problème des déchets, en ramenant, notamment, le dossier aux municipalités ». « Traiter la pollution est plus urgent qu'un quelconque changement de gouvernement, parce que sa nuisance est partie pour durer », ajoute-t-elle.

Les associations pour les droits des handicapés étaient aussi là en force. Sylvana Lakkis, présidente de l'Union des handicapés du Liban, affirme que les membres de son association « ont été révoltés par les atteintes au droit d'expression ». « L'État est menacé d'effondrement dans toutes ses composantes, il est normal que nous soyons là pour protester, dit-elle. Mais ce n'est là qu'un début. Pour protéger ce mouvement, il faut créer un comité de coordination. » Mohammad, non-voyant et membre de l'union, confirme : « C'est la goutte qui a fait déborder le vase, le cumul de mensonges et d'excuses qu'on nous donne pour ne pas nous accorder nos droits. Mais j'ai beaucoup d'espoir en ce mouvement qui débute. » Fadi, dans sa chaise roulante, n'a raté aucune manifestation jusque-là, et a même été blessé dans l'une d'entre elles. « Nous avons toujours été là, en première ligne, pour toutes les causes justes », dit-il.

 

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commentaires (2)

SI CE N'EST PAS POUR LA FIN DE LA LÉGENDE DES HÉRITIERS ET DES MERCENAIRES POLITIQUES... CE NE SERAIT QU'UN TROU DANS L'EAU !!!

LA LIBRE EXPRESSION SE DECONNECTE

09 h 22, le 31 août 2015

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Commentaires (2)

  • SI CE N'EST PAS POUR LA FIN DE LA LÉGENDE DES HÉRITIERS ET DES MERCENAIRES POLITIQUES... CE NE SERAIT QU'UN TROU DANS L'EAU !!!

    LA LIBRE EXPRESSION SE DECONNECTE

    09 h 22, le 31 août 2015

  • RÉVEIL TOI LIBANAIS. LÈVES TOI

    Gebran Eid

    04 h 33, le 31 août 2015

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