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Lifestyle - Collections

Quand « ma fi AC, fi flabellum ! »

Si par un malheur, hélas récurrent, « ma fi kahraba » et que l'air conditionné saute, il reste encore la bonne vieille méthode pour se rafraîchir : le traditionnel éventail. Une parure bien plus légère, écologique et tellement coquette ! Et bien plus encore, puisqu'elle est devenue un objet rare, de collection...

Photos DR

Sa barbe blanche lui donne un air de dandy, un peu à l'image de ces hommes élégants de la haute société du XIXe siècle qui gouvernaient alors l'art du bon goût. Fasciné par les beaux objets, le décorateur d'intérieur Hanna Slim est naturellement attiré par « tout ce qui est royal, raffiné, rare ». Comme un enfant qui cache dans sa caverne d'Ali Baba ses multiples secrets, lui s'entoure de ses trésors dans la traditionnelle maison libanaise qu'il a restaurée à Achrafieh. Parmi les innombrables objets qu'il garde jalousement, on trouve même une culotte en dentelle qui aurait appartenu à Marie-Antoinette en personne ! Et surtout une magnifique collection d'éventails qui n'attend que d'être dévoilée au public.

Cet obscur objet de désir
Baptisé « flabellum », l'éventail prenait autrefois la forme d'un écran pour se protéger des mouches, avant de se transformer, au IVe siècle avant J.-C., dans les civilisations méditerranéennes, en un véritable accessoire de mode. Lorsque les Japonais s'en emparent, l'objet devient pliant, inspiré des ailes des chauves-souris. L'éventail des toilettes princières n'apparaît en Europe qu'au XVIe siècle, il se replie grâce à des lamelles, on l'appelle alors « éventail brisé ».

Le collectionneur libanais en possède une centaine, sublimes accessoires archéologiques des toilettes des XVIIIe et XIXe siècles en Europe, miraculeusement parvenus intacts jusqu'à nous. « À l'âge de 5-6 ans, ma grand-mère m'a offert un superbe éventail en ivoire et dentelle, qui était celui de son mariage. Je l'ai abîmé en jouant avec... Depuis, j'ai toujours essayé de me racheter en constituant cette collection, avoue-t-il. J'ai voulu compléter la collection commencée par mes grands-parents, qui en possédaient déjà une vingtaine. Mon idée était de faire un musée de l'éventail au Liban. »

Depuis vingt ans, Hanna Slim déniche, dans la prestigieuse salle de vente Drouot, des éventails en très bon état. « Ce n'est pas facile. Ce sont des objets très fragiles, de plus en plus rares sur le marché. » C'est pourquoi, ce passionné de belles étoffes s'autorise quelques périlleuses manipulations, détachant certaines dentelles de leurs montures pour les nettoyer précautionneusement. Il a également fait appel à Anne Hoguet, un des derniers artisans de manufactures d'éventails, aujourd'hui tombées en désuétude, pour la restauration de certaines peintures sur soie.
Le collectionneur beyrouthin complète son trésor avec d'anciennes pièces venues du Japon, de Chine et d'Afrique. En osier, parchemin ou paille, ce sont de rares objets sculpturaux, peints à la main, délicatement ajourés. Et qui racontent tous une histoire, un moment...

Autruche blanche
Dans cette visite privée, une impressionnante variété de formes, de couleurs, de matières et de tailles se laisse découvrir. Hanna Slim, ravi comme un poisson dans l'eau, se charge des explications. On apprend ainsi qu'en ivoire, les lamelles sont souvent creusées de délicats motifs ; en nacre, elles sont sculptées pareilles à des lignes végétales ; en écailles de tortue, elles varient du blond au brun. À l'époque Empire, elles étaient agrémentées de dentelles de Chantilly, façonnées dans la manufacture de l'impératrice Eugénie. Suivant la mode, la dentelle pouvait également provenir de Venise, de Luxeuil ou de Bruxelles, avec des résilles entrelacées de dessins singuliers. Le style directoire se pare d'habiles peintures sur soie, représentant des scènes dans le style de Watteau, des oiseaux ou des fleurs. Le prestige du collectionneur d'œuvres d'art en format de poche ! D'autres, plus glamour, sont pailletés d'or ou d'argent. Les plus exotiques demeurent les grands éventails en plumes d'autruche blanches, noires ou même teintées de rouge, traditionnellement offerts à la mariée pour sa toilette de bal.

Sur la première lamelle, un monogramme en relief, en or, argent et parfois même incrusté de rubis et de diamants, représentait les initiales de la propriétaire du précieux objet. Lorsqu'il était surmonté d'une couronne, cet indice signifiait que l'éventail appartenait à une garde-robe princière. Au glorieux temps des éventails, on sortait les plus petits pour boire le thé ou aller à l'église ; quant aux grands, ils se déployaient lors des fastueux bals. Les hommes portaient aussi cet accessoire de grande élégance, souvent en bois d'ébène, plus discret que sa version féminine. Ornement privilégié de la toilette, il était l'outil d'un langage secret. Suivant la manière dont il était tenu, plié ou déployé, il permettait de jouer la séduction ou la provocation.

Avis aux curieux, aux mécènes, aux passionnés de mode, Hanna Slim rêve de pouvoir exposer sa passion et partager avec ses compatriotes sa riche « éventaillatèque », levant ainsi le voile sur ce « paravent de la pudeur », comme le surnommait Molière.

Sa barbe blanche lui donne un air de dandy, un peu à l'image de ces hommes élégants de la haute société du XIXe siècle qui gouvernaient alors l'art du bon goût. Fasciné par les beaux objets, le décorateur d'intérieur Hanna Slim est naturellement attiré par « tout ce qui est royal, raffiné, rare ». Comme un enfant qui cache dans sa caverne d'Ali Baba ses multiples...

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