Ils m'ont toujours dit que Dieu existe
Je les ai aveuglement crus...
Ils m'ont toujours précisé qu'il s'appelle Allah.
Je l'ai beaucoup aimé...
Ils m'ont toujours appris à avoir peur de lui
Je me suis posé des tas de questions...
Ils m'ont toujours caché la vérité
J'ai décidé de la trouver par moi-même...
Ils... ce sont tous ces gens que j'ai connus
Ils... ce sont ceux que vous nommez les musulmans.
Pour une épistémologie personnelle et personnalisée, ces pages s'inscrivent suite à une grande réflexion sur moi-même : une femme, relativement vraie, qui cherche à confectionner la vérité absolue. En fait, les lignes qui suivent ne visent qu'à cultiver la réflexion qui m'a toujours habitée, celle de la vérité immuable. Ce n'est qu'en amatrice que je cherche à combler toutes les lacunes de cette vérité. Notre vérité. Enfin, la vérité étant vue comme absolue et à laquelle moi, ma famille, mes amis et tous ces gens de mon entourage croyons très fort. Pouvons-nous, pour autant, croire que, maintenant, ce que nous tenons pour vrai se classe dans la catégorie religion/doctrine et compagnie ? La vérité de l'existence d'un être suprême, éternel, qui est à la base de tout ce qui existe, reçoit des noms différents : Dieu, Allah, Jésus, l'Éternel, Buddha, le Grand Esprit. Quelle que soit l'appellation, l'idée d'un être qui est premier et qui porte en lui la totalité de tout ce qui existe altère presque toujours les faits et déguise souvent la vérité. D'une petite fille à une femme, je vous présente quelques souvenirs émaillés de réflexions épistémologiques autonomes.
La vérité sort de la bouche des enfants
Qui est Dieu ? Il habite où ? Il vit dans une maison ? Comment est-il ? Il est barbu comme toi, papa ? Qui a créé Dieu ? Est-ce qu'il me voit ? Pourquoi je ne le vois pas ? Comme tous les enfants, pour qui l'univers des possibilités s'étend à la vitesse de la lumière, je me posais des questions de plus en plus fréquentes au sujet de Dieu, de son existence sur terre. Contrairement aux adultes, j'appréciais les éléments d'un monde immatériel dans son expérience terrestre : l'existence, par exemple, de deux anges assis sur chacune de mes épaules se pressant à noter tout ce que je faisais de la journée, bien soit-il ou mal : l'ange de droite note le bien et celui de gauche le mal. J'aimais tellement cette idée de l'existence d'un Dieu veillant sur moi. Je l'imaginais m'accompagner partout et en tout. J'ai appris par la suite que ces gardes du corps ne vont pas accéder à la salle de bains car, pour eux, c'est un milieu impur. Dieu ne peut donc pas y accéder. Cela était mon premier doute sur la présence fermement ancrée de Dieu.
« La foi n'est pas l'absence de doute mais la présence d'une obéissance à Dieu », me confirma ma mère. Elle m'avait expliqué que c'est inévitable d'être sous sa présence, mais Dieu se fait discret. Dieu intervient toujours à notre demande. L'idée réconfortante de ma mère est restée longtemps gravée dans mon esprit de petite fille. Lorsque ma chatte est morte en me laissant quatre chatons, je ne savais pas comment m'occuper d'eux. J'ai prié chaque jour et nuit pendant une semaine pour qu'ils survivent. Mais Dieu, le puissant Dieu qui gouverne ce vaste monde, n'a pas pu sauver mes chatons ! De multiples questions hantaient mon esprit : comment un Dieu d'amour comme le décrivait ma mère peut-il permettre la mort des innocents ?
Ma fidélité à ma chatte et à ses enfants a réussi à ébranler ma foi, voire à l'abjurer à jamais. J'étais d'ailleurs classée infidèle. Les infidèles : ce sont tous ces enfants dits musulmans de naissance fréquentant les écoles chrétiennes.
Deux demi-vérités ne font pas une vérité : Dieu c'est Allah et Jésus n'est pas son fils
Mon père a décidé de m'inscrire à l'école chrétienne Sainte-Famille des sœurs maronites. Mon père n'avait pas pensé que j'étais musulmane, probablement. Je me pressais à faire la messe chaque lundi matin. J'avais hâte qu'elle s'achève pour communier ; la communion offerte avait un maudit bon goût qui m'obligeait à faire la file une seconde fois pour y goûter. C'était une période exaltante d'innocence et de vulnérabilité ! Un jour, la mère supérieure est venue dans ma classe de 7e A pour choisir les élèves qui ont le droit d'accéder dorénavant à l'église. À ma grande surprise, mon nom n'a pas été prononcé. Mais pourquoi ? Qu'est-ce que j'ai fait pour me priver de ce droit ? J'ai pensé qu'ils avaient découvert que je trichais et faisais la file deux fois. Je n'ai toutefois rien dit. Je me suis sentie seule, car ma meilleure amie était parmi les « autres » choisis. Lorsqu'elle est rentrée de la messe, elle ne voulait plus être mon amie. Elle m'a expliqué cette différence entre nous (les musulmans et les chrétiens). J'ai pris conscience que deux grandes religions se superposent comme s'opposaient les deux clans d'élèves de notre classe. « Nous ne sommes pas chrétiennes ! » m'a dit une fille avec laquelle je n'ai jamais parlé. Elle m'a chuchoté que Jésus est un prophète de Dieu et non son fils comme ils le prétendent. Mon univers s'écroule. Une haine m'aveugle. À la recherche de la vérité : Dieu ou Jésus, Père ou Fils, Allah ou qui ?
Sans livre ni maître, ma réflexion a longtemps été un vrai danger sur ma vie. Jusqu'au jour où je commence mes études secondaires, un professeur de philosophie athée débute son cours par ma question existentielle : qui est Dieu ? Une fille religieuse a répondu : Dieu c'est l'amour. Un gars drôle a répondu : Dieu c'est Allah. Ma petite voix intérieure a crié : Dieu c'est une illusion ! Le professeur nous a regardés et a répondu : Vous avez raison tout le monde... Dieu est une illusion ! Tout le monde est parti à rire, sauf moi.
Lors de mes études secondaires, j'ai également découvert que mon pays est le plus petit pays du monde qui contient le plus de religions au monde. Alors, le débat ne se borne pas à Allah et à Jésus. Ma professeure en sciences naturelles croit en Jésus, celle de biologie en Allah. Les sciences naturelles croient en Darwin qui croit aux singes. Moi, je crois fermement à l'évolution. Adolescente, je ne croyais qu'à la science. La science qui ne définit pas ma menstruation comme une impureté.
La vérité, c'est ce qui m'arrange
Adulte, je me suis rendue compte que la science n'est qu'une discipline provisoire : elle explique le comment et non le pourquoi. Moi, mes questions commençaient toujours avec pourquoi. Qu'est-ce que je fais ? Grande fille, grands problèmes. J'avais besoin d'aide. Au secours !
Vendredi matin : « Demandez, et il vous sera donné ; cherchez, et vous trouverez ; heurtez, et il vous sera ouvert ; car quiconque demande reçoit ;
et celui qui cherche trouve ;
et à celui qui heurte, il sera ouvert », prêchait l'imam à la mosquée lors de la prière du vendredi, la prière préférée des musulmans, celle destinée à tous les fidèles qui croient que Dieu leur donnera tout ce qu'ils implorent. Des cascades de prières me venaient à l'esprit : je récitais des prières pour l'abondance d'argent, la santé, le prince charmant, etc. Mes prières enchaînées se mêlaient à celles de l'imam. Dieu était là... j'ai senti sa présence.
Vendredi soir : la piste de danse était chaude, l'ambiance était diabolique. Je suais. « La vie est à vous, elle vous appartient, éclatez-vous, levez votre verre à la vie, donnez-vous à la vie, elle sera la vôtre », criait le DJ à chaque fois que j'arrêtais de danser. Dans cette boîte de nuit, lieu interdit par l'islam, je ne sentais pas sa présence. Je vous le jure, il n'était pas là. Sapristi de mocheté de paradoxe !
La grammaire comme la religion : le masculin l'emporte sur le féminin
Un rejet psychique de la culture orientale m'a poussée à chercher la liberté de la femme chantée par l'Occident. J'ai donc décidé d'abandonner mes questions existentielles et de me spécialiser dans un domaine qui fait rêver, celui de la langue de Molière. À l'université, il n'y a pas de plus prometteur que la littérature française. Lors de mes cours, mes questions existentielles réincarnent mon esprit. Elles concernent toutefois la grammaire. Le féminin/masculin, le genre/le nombre, la faute/l'erreur, le mal/le bien, la norme/l'usage. Ma première question était à ma professeure de grammaire, d'origine française, plus au moins féministe : est-ce que le mot « les étudiant(ES) » donnera à la femme sa visibilité sociale et règlera le débat de la rédaction épicène ?
On dirait que ces questions m'envahissent plus lors de ma menstruation. La menstruation, c'est le sang défini comme l'objet par excellence de l'impureté religieuse féminine dans ma culture. Les femmes menstruées sont écartées des mosquées. Ce qui serait valorisé par l'homme, et du côté de l'homme, c'est la capacité à faire couler le sang, alors que la femme voit son sang couler sans pouvoir rien faire à travers les menstruations et les accouchements. L'islam prescrit ainsi aux femmes de s'éloigner quarante jours de la prière après une naissance car elles sont porteuses d'une souillure. Je suis arrivée à une conclusion qui dévoile la vérité. La vérité que toutes les religions ont été créées par les hommes ET pour les hommes.
Conclusion
Ils m'ont toujours dit que le bon Dieu s'appelle Allah, je les ai crus. Les autres m'ont dit qu'il s'appelle Jésus, je les ai également crus. Mon père n'a jamais rien dit. Ma mère a seulement parlé des anges et du paradis. Mes professeurs n'étaient pas d'accord. Avec toutes les contradictions qui se trouvent dans ma religion et dans les religions des autres, je ne croyais plus à la religion. Je crois uniquement à la vérité provisoire que je ne puisse définitivement tenir pour évidente. Ces vérités m'accompagnent et changent l'image de mes réalités et de mes besoins. J'ai compris dès la petite enfance qu'il y a des vérités qu'il faut dire, d'autres qu'il faudrait taire. J'apprécie mes pensées et paradoxes. Je remercie Confucius, bien qu'il soit un misogyne de première, il nous a laissé, nous les femmes, une VÉRITÉ : « Je ne cherche pas à connaître les réponses, je cherche à comprendre les questions. »