Le Premier ministre grec Alexis Tsipras lors de la session parlementaire de vendredi. Christian Hartmann/Reuters
L'accord sur un troisième plan d'aide international à la Grèce sort le pays d'une zone de turbulences financières extrêmes mais lui impose une cadence de réformes sans relâche alors que la majorité d'Alexis Tsipras n'a jamais été aussi divisée.
En plus du soulagement manifesté après six longs mois de négociations chaotiques, le ministre des Finances Euclide Tsakalotos a fait entendre vendredi soir une petite musique nouvelle de la part du gouvernement grec. Alors que son Premier ministre n'a cessé de répéter qu'il ne croyait pas à l'accord qu'il avait signé, le chef de file des négociateurs grecs a décidé de voir le verre à moitié plein : « L'accord fait avancer la Grèce car il rend son système financier plus stable à partir de maintenant », a assuré M.Tsakalotos. Il croit même que la longue feuille de route de mesures budgétaires et de réformes que le pays a acceptée en échange de l'aide « offre l'opportunité de transformer le secteur public, de s'attaquer à la corruption, à l'évasion fiscale et à de nombreuses réformes structurelles importantes ».
La Grèce avait urgemment besoin de l'engagement européen sur de nouveaux prêts pouvant aller jusqu'à 86 milliards d'euros pour les trois prochaines années. Les caisses de l'État sont vides et le pays n'a plus de quoi rembourser les sommes déjà prêtées depuis 2010. Athènes doit verser 3,4 milliards d'euros à la Banque centrale européenne jeudi prochain.
Son économie, asphyxiée par l'incertitude sur le sort du pays et un contrôle des capitaux en vigueur depuis fin juin, attendait aussi ce bol d'air indispensable. L'accord « est essentiel pour lever les incertitudes qui ont pesé sur la Grèce pendant six mois et pour retrouver la confiance », a commenté le vice-président de la Commission chargé de l'Euro, Valdis Dombrovskis.
Avant que cette aide soit déboursée, plusieurs Parlements nationaux, dont le Bundestag allemand mercredi, doivent approuver l'accord. La première tranche d'aide s'élèvera à 26 milliards d'euros, dont un versement « immédiat » de dix milliards placés pour recapitalisation des banques grecques, a décidé l'Eurogroupe vendredi. La deuxième « sous-tranche », de 16 milliards d'euros, commencera par un versement de 13 milliards d'euros d'ici au 20 août, suivi d'un ou plusieurs autres à l'automne, en fonction de la mise en œuvre des réformes.
Casse-tête
C'est sur cette mise en œuvre du programme que toute l'attention et toutes les craintes des créanciers (UE, Banque centrale européenne, Mécanisme européen de stabilité et Fonds monétaire international) vont désormais se porter. Le rythme à tenir est frénétique : le quotidien libéral Kathimerini décomptait samedi près de 40 mesures dans le domaine fiscal, du droit du travail, de la concurrence, de la sécurité sociale et des retraites à voter et faire entrer en vigueur d'ici à la fin de l'année.
La volonté politique du gouvernement d'Alexis Tsipras va être mise à l'épreuve mais aussi sa capacité à disposer d'une majorité solide pour conduire ces changements.Le vote vendredi par le Parlement grec du plan d'aide et des 400 pages de mesures qui l'accompagnent a approfondi les fractures au sein de Syriza, le parti de gauche radicale d'Alexis Tsipras, passé sous la barre psychologique des 120 voix (sur 149 députés Syriza et 13 députés de son partenaire de coalition de droite souverainiste ANEL) en faveur de l'accord.
Même si, selon la presse, Alexis Tsipras a déjà fait part à ses partenaires européens du caractère inévitable de législatives anticipées à l'automne, trouver une date pour les organiser relève du casse-tête.Un scrutin fin septembre couperait l'herbe sous le pied à la dissidence eurosceptique qui se profile au sein de Syriza, encore peu organisée, mais pourrait retarder la mise en œuvre de l'accord. Fin octobre, le gouvernement pourrait compter sur une première évaluation positive des créanciers, voire un engagement sur la restructuration de la dette, mais Alexis Tsipras court aussi le risque de voir sa popularité se dégrader. La question de la dette « reviendra sur la table en octobre », a assuré le patron de l'Eurogroupe Jeroen Dijsselbloem. Une réduction de la dette grecque à un niveau jugé viable est une condition sine qua non de la participation du FMI au plan d'aide.
(Source : AFP)
Merkel salue le changement d'attitude du gouvernement grec
La chancelière allemande Angela Merkel a salué hier le fait que le gouvernement grec ait changé ses méthodes de travail pour parvenir à un accord sur une nouvelle aide internationale assortie de conditions drastiques.
« Ce que nous avons vu entre la première séance exceptionnelle (du Bundestag, le 17 juillet pour approuver le principe d'une nouvelle aide à la Grèce, NDLR) et le résultat des négociations (entre Athènes et ses créanciers le 11 août), c'est que le gouvernement grec a travaillé complètement différemment que lors des mois précédents », a déclaré Mme Merkel sur la chaîne publique ZDF. Ce changement d'attitude aurait été possible grâce à « la dureté d'autres pays européens, mais aussi de Wolfgang Schäuble (le ministre des Finances, NDLR) et du gouvernement (allemand) », selon elle.
Elle a néanmoins insisté sur « les nombreuses étapes » qui restent à passer pour la Grèce dans la mise en place du catalogue très pointilleux de réformes à engager pour bénéficier d'oxygène financier. Il faut de nouvelles réformes difficiles si l'on « veut voir la lumière au bout du tunnel », a insisté la chancelière conservatrice alors que la population, déjà douloureusement touchée par six années de rigueur sans résultat tangible, va devoir consentir encore de lourds sacrifices.
Angela Merkel a assuré que l'Allemagne ne voulait pas d'une Europe allemande, bien que certains analystes l'aient accusé d'imposer un « diktat » à l'Europe.