Jusqu'où le chef du Courant patriotique libre (CPL), le député Michel Aoun, poursuivra-t-il son escalade politique et son blocage institutionnel ? Usera-t-il à nouveau de la rue, après sa deuxième déconvenue en moins d'un mois ? Le CPL acceptera-t-il encore longtemps le fait de paralyser l'État ? Selon des sources responsables aounistes, « le CPL entend poursuivre son action, et toutes les options sont possibles et tous les moyens à l'étude pour atteindre ses objectifs tant que l'autre camp refusera de reconnaître notre position et nos droits à un partenariat réel et tente de nous marginaliser ».
Une tentative de rétablir les ponts entre Aïn el-Tiné et Rabieh a été menée par le directeur de la Sûreté générale, le général Abbas Ibrahim, à la demande de plusieurs composantes politiques du 8 Mars, notamment du Hezbollah. Une rencontre entre les ministres Gebran Bassil et Ali Hassan Khalil aurait ainsi eu lieu au domicile du général Ibrahim, mais n'aurait débouché sur aucun résultat, de source aouniste. Chacun des deux camps se serait contenté d'expliquer sa position, sans qu'il n'y ait le moindre progrès tangible. Plusieurs ministres, notamment du 8 Mars, reprochent ainsi à leurs confrères du CPL de leur imposer, ainsi qu'au Conseil des ministres, un cahier des charges. Des sources proches de Aïn el-Tiné révèlent, elles, que le président de la Chambre serait très remonté contre les pratiques des responsables aounistes, notamment leur obstination à bloquer la Chambre des députés et le Conseil des ministres. « Pourquoi ne pas profiter du temps perdu comme une opportunité pour améliorer notre situation et assurer les intérêts des citoyens ? » s'interrogent ces sources. C'est en tout cas l'avis d'un pôle du 8 Mars, qui, dans son cercle privé, affirme qu'un compromis est actuellement en gestation et qu'il sera imposé aux Libanais in fine en cas d'accord de l'extérieur. « Pourquoi donc attendre un tel compromis au lieu d'établir un dialogue interne fructueux ? » se demande ce pôle, qui fait écho à des déclarations, dans ce sens, de Nabih Berry.
Pour un ministre proche de l'ancien président Michel Sleiman, le refus par M. Berry de soutenir la candidature du chef du CPL exprime tout haut la position tacite des pôles du 14 et du 8 Mars réunis, qui ne veulent plus entendre parler de la candidature de Michel Aoun. Des sources parlementaires du 8 Mars précisent même que le rectificatif apporté par le député Nabil Nicolas à la position aouniste relative à la légalité de la Chambre – « légale, mais pas légitime », avait corrigé M. Nicolas – n'a rien modifié dans l'attitude de M. Berry. Dans le cadre de ses audiences du mercredi devant les députés, ce dernier a indiqué qu'il ne comprenait pas comment, paradoxalement, le chef du CPL pouvait mettre en doute la légalité de la Chambre et exiger son élection à la présidence de la République par la même Assemblée... C'est ce qui expliquerait l'absence des députés aounistes, mercredi dernier, au rendez-vous hebdomadaire des parlementaires à Aïn el-Tiné...
(Lire aussi : « Mon souhait est que Tammam Salam convoque les ministres à nouveau »)
En dépit des propos apaisants du chef de la diplomatie iranienne, Mohammad Javad Zarif, à Beyrouth, notamment son hommage à l'adresse du Premier ministre Tammam Salam, le général Aoun persiste à bloquer les séances du Conseil des ministres. Si bien que le chef du gouvernement a épuisé ses dernières réserves de patience. Des sources proches du Grand Sérail affirment que M. Salam souhaite qu'il soit mis fin à l'action paralysante de « ceux qui ont dépassé toutes les limites », et que le Hezbollah prenne position. Et M. Salam n'est pas le seul à en avoir ras-le-bol : il rejoint, outre Nabih Berry, le chef du courant du Futur et celui du Rassemblement démocratique, Saad Hariri et Walid Joumblatt, sur ce point.
Selon des sources bien informées, l'escalade de Michel Aoun est liée aux derniers développements et au sentiment que l'espoir d'accéder un jour à Baabda s'estompe définitivement. Le Liban n'a plus les moyens de libaniser l'échéance présidentielle et de choisir son prochain président, estime ainsi une source parlementaire. Un ancien ministre souligne, de son côté, que Bkerké aura un rôle fondamental, en tant que dernier pôle maronite encore viable dans la course présidentielle, pour assurer une couverture à une élection qui sera sans aucun doute décidée à l'étranger. Le nouveau chef de l'État bénéficiera ainsi d'une légitimité nationale grâce au soutien de MM. Hariri, Berry et Joumblatt, et à la couverture du patriarcat maronite, à l'heure où l'activité de bon nombre de candidats « consensuels » a redoublé d'intensité auprès des capitales de décision.
Il reste à savoir quand l'élection aura lieu : après la solution à la crise du Yémen ? Avant le règlement du conflit syrien ? Et ce, même si Damas garde, selon des sources du 8 Mars, son mot à dire dans l'élection, comme par le passé, non plus en tant que décideur, mais comme bénéficiaire d'un droit de veto. Téhéran irait même jusqu'à abandonner à son allié régional et au Hezbollah son influence à ce niveau, de sorte que le nouveau président soit à même d'assurer les intérêts de l'axe syro-iranien, du projet de la résistance et du Hezbollah dans sa guerre contre le terrorisme.
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commentaires (8)
Qui a dit cela? Y en a qui croient que parce qu'ils portent une plume, ils peuvent transformer leurs désirs en réalité!
Ali Farhat
03 h 49, le 17 août 2015