Un très grand nombre de partisans du CPL sont descendus hier dans la rue, bloquant l’autoroute dans une démonstration manifeste de force, avant de converger vers la place des Martyrs, où ils ont observé un sit-in. Mais il n’y avait pas hier que des partisans et des cadres aounistes. Ils avaient mobilisé avec eux tous les paradoxes du discours de leur chef, qui s’obstine à tirer à boulets rouges sur le cabinet tout en restant au gouvernement, à donner des leçons de savoir-vivre à la classe politique alors qu’il est devenu l’une des figures les plus éminentes de l’establishment politico-népotiste, ou encore affirme vouloir établir un « partenariat » avec ceux qu’il n’a cessé de traiter d’« émirat libanais de Daech »... Photos Ibrahim Tawil et Sako Békarian.
Une fois de plus, les partisans du chef du Courant patriotique libre (CPL), Michel Aoun, n'ont pas failli à l'appel de mobilisation populaire lancé par leur leader mardi. Hier, ils étaient très nombreux à envahir en fin d'après-midi la place des Martyrs, brandissant le drapeau orange de leur formation et criant haut et fort que ce rassemblement marque « le début du changement ».
Dès 17h, les partisans de Michel Aoun commencent à se regrouper dans les différents points de rassemblement annoncés la veille par les médias du CPL. Ils sont rejoints par plusieurs responsables politiques du parti, notamment les ministres des Affaires étrangères, Gebran Bassil, et de l'Éducation, Élias Bou Saab, les anciens ministres Nicolas Sehnaoui, Fadi Abboud et Mario Aoun, ainsi que les députés Hikmat Dib, Naji Gharios, Ibrahim Kanaan, Alain Aoun, Nabil Nicolas, Simon Abiramia et Walid Khoury.
Vers 18h, les convois prennent la direction de la place des Martyrs, où les rangs des manifestants ne cessent de grossir, rejoints par un nombre restreint de partisans du Hezbollah. Auparavant, les protestataires avaient coupé plusieurs routes, principalement celles de Chekka au niveau du château de Msaïlha, de Jbeil-Beyrouth au niveau de Nahr Ibrahim, de Jal el-Dib et de Nahr el-Mott. À Jal el-Dib, un bulldozer accompagnant le convoi a même enlevé une partie des blocs de pierre qui séparent les deux voies de l'autoroute, « en signe de protestation contre la négligence de l'État », comme l'affirme M. Kanaan, faisant allusion au pont de Jal el-Dib qui tarde à être reconstruit.
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« Restituer les droits des Libanais »
« Le peuple veut Roukoz » (en référence au général Chamel Roukoz, dont la nomination à la tête de l'institution militaire est farouchement défendue par Michel Aoun), « Je n'accepterai plus de dirigeants suivistes... », « Je n'accepterai pas une loi électorale qui annule ma représentation », « Nous voulons un président fait au Liban »... Autant de slogans brandis par les partisans du CPL réunis place des Martyrs.
« Je suis là parce que je suis convaincue de tout ce que le général dit, confie Roula. Le pays ne peut plus fonctionner de la sorte, sans électricité, sans eau, avec des monticules de déchets qui jonchent les rues. Il faut agir. »
Walid, 22 ans, estime que « Michel Aoun est détenteur d'une cause ». « Lorsqu'il est rentré de Paris (en 2005), il défendait les droits de tous les Libanais et personne ne lui a tendu la main ou l'a soutenu, poursuit-il. Maintenant, nous voulons secouer le peuple qui est devenu apathique face à tout ce qui se passe dans le pays. Selon la Constitution, le peuple est la source du pouvoir. Or le peuple a vécu la prolongation de deux mandats de la Chambre. Ce qui est une violation de la Constitution. Avant de restituer les droits des chrétiens, nous voulons restituer ceux des Libanais. »
Même son de cloche chez Tony, la vingtaine, qui affirme vouloir faire entendre sa voix à « tous ceux qui ne veulent pas écouter la voix du peuple ». « Nous avons essayé en vain tous les moyens de communication, avance-t-il. Il ne nous reste plus que la rue. »
Pour Ghassan, la mobilisation est contre « les féodaux politiques qui exercent une tyrannie pire que celle vécue du temps de l'occupation syrienne ». « Comme dans les années 1990, nous portons toujours l'étendard de la liberté, de la souveraineté et de l'indépendance, insiste-t-il. Nous défendrons le Liban jusqu'au dernier souffle et jusqu'à la restitution des droits des chrétiens. »
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« Récupérer notre liberté »
Carla vit au Koweït. En vacances au Liban, elle n'a pas hésité à participer aux deux mouvements de protestation auxquels a appelé Michel Aoun, en l'espace d'un mois. « Le général me représente et représente mes principes, déclare-t-elle. C'est lui l'avenir. Je suis descendue dans la rue pour mes enfants, parce que je veux qu'ils rentrent vivre au Liban. »
Mansour vit aussi au Koweït. Il confie prendre part à ce mouvement de protestation pour « obtenir une application de la Constitution et de la loi », mais aussi pour « trouver des solutions aux problèmes de l'eau, de l'électricité, des déchets... » et pour « que la décision chrétienne reste libre ». « Il n'est pas normal que le chrétien qui est à la tête du plus grand bloc parlementaire soit marginalisé, martèle-t-il. Je suis ici pour dire à tout le monde que cet homme-là bénéficie du soutien d'une grande partie du peuple. »
Pour Clovis, cette manifestation est un moyen pour « récupérer notre liberté » et « nos droits bafoués ». « En tant que chrétiens, nous sommes prêts à offrir des martyrs pour que notre décision reste libre, souligne-t-il. Aujourd'hui, c'est le premier pas vers le changement. D'autres démarches suivront et nous aurons gain de cause. Le Liban est à nous. Nous refusons de le leur laisser. Et Michel Aoun est le seul qui revendique les droits des Libanais du Liban et de l'Orient. »
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« Préparez-vous au tsunami »
Plusieurs allocutions ont par ailleurs été prononcées par des responsables du CPL. Gebran Bassil affirme ainsi que ce mouvement vise à « réclamer les droits des chrétiens qui concernent tous les Libanais en général ». « L'eau, l'électricité, le pétrole et les déchets sont des causes qui concernent tous les Libanais sans exception, déclare-t-il. La présidence de la République est le droit de tous les chrétiens. » De son côté, Nicolas Sehanoui indique que « le peuple libanais veut retrouver ses droits volés par le gouvernement ».
Quant à Pierre Raffoul, coordonnateur général de la formation aouniste, il explique : « Nous n'avons ni lois ni Constitution, mais une loi de la jungle. Nous sommes venus aujourd'hui réclamer le partenariat pour que le pays se redresse. » « Éliminer n'importe quel parti politique, c'est éliminer tout le Liban, ajoute-t-il. Nous sommes aujourd'hui éliminés de l'équation et tous les Libanais doivent se tenir à nos côtés. Nous sommes descendus dans la rue pour réclamer nos droits volés. » Et Pierre Raffoul d'estimer que « le général Aoun n'a pas besoin de postes », mais qu'« il représente une icône nationale pour tous les Libanais », soulignant que « celui qui veut éliminer le général Aoun de l'équation peut rêver ». « Préparez-vous au tsunami qui va bientôt arriver ! » prévient-il.
À Jbeil, Simon Abiramia avait affirmé devant la foule rassemblée que les partisans du CPL restent « des militants fidèles au Liban souverain et libre ». Walid Khoury avait de son côté déclaré que « ce rassemblement est une preuve que les partisans de Michel Aoun sont toujours prêts à répondre à l'appel de leur leader ». Les deux députés ont également affirmé que les travaux dans le barrage de Janné se poursuivront.
Vers 20h, Alain Aoun annonce la fin du regroupement, suite à une décision du chef du CPL. La foule commence à se disperser, dans l'attente des précisions sur la nature du mouvement prévu aujourd'hui et « qui devrait être annoncée plus tard », comme l'a indiqué Alain Aoun.
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Au nom de tous les chrétiens !, l’édito d’Élie Fayad
Iznogoud-Aoun fait des siennes. Il boude, il bloque, il manœuvre. Toujours fidèle à lui-même et à sa famille. Estimons-nous heureux qu'il n'ait pas eu de descendant masculin !? Qu'à cela ne tienne, il a trouvé moyen de nous imposer les autres mâles de sa famille, neveu, gendre 1 et gendre 2. Venant d'un autre homme politique, c'eut été normal mais venant de lui, le réformateur qui a dit sic 'je demande la fin du népotisme et des dynasties politiques, nous désirons réformer le système héréditaire féodal et établir une méritocratie'. Voici un exemple vivant de la duplicité de cet homme et de ses réformes.
12 h 52, le 13 août 2015