Rechercher
Rechercher

Moyen Orient et Monde - Interview express...

Pourquoi les réformes annoncées par le gouvernement irakien sont-elles fondamentales dans la lutte contre l’EI?

Le Premier ministre irakien Haider el-Abadi, le 25 septembre 2014 à New York. Spencer Platt/AFP

Pour analyser les enjeux des réformes majeures annoncées par le Premier ministre irakien, Haider el-Abadi, L'Orient-Le Jour a interrogé Myriam Benraad, chercheuse spécialiste de l'Irak et du Moyen-Orient au Ceri-Sciences po, à l'Institut de recherches et d'études sur le monde arabe et musulman (Iremam). Auteur de Irak, la revanche de l'histoire. De l'occupation étrangère à l'État islamique, Vendémiaire, 2015.

Dans quels contextes politiques et sociaux s'inscrit l'annonce du gouvernement irakien d'entreprendre des réformes majeures ?

Depuis son accession au pouvoir et contrairement à ses prédécesseurs, il y a une réelle volonté politique d'engager des réformes de la part de Haider el-Abadi. L'annonce de ces réformes fait suite à, au moins, trois événements. Premièrement, les récentes manifestations populaires ont dénoncé la totale déconnexion de la réalité de la classe politique irakienne. Celles-ci font écho aux manifestations de 2011 qui, dans le contexte des printemps arabes, avaient déjà dénoncé le confessionnalisme comme une arme aux mains de la classe politique. Les Irakiens en ont clairement ras le bol de cette classe politique qu'ils estiment arrogante et corrompue.
Deuxièmement, Abadi a profité du réengagement politique de l'ayatollah Ali al-Sistani, qui s'en était retiré il y a quelques années par dégoût de la vie politique. M. Abadi n'aurait rien pu faire sans la caution apportée par Sistani à son action.
Troisièmement, ces réformes s'inscrivent pleinement dans la lutte contre l'organisation État islamique (EI). L'EI, tout comme les milices chiites, a construit sa popularité sur l'incompétence de l'État irakien. Tout simplement parce que l'EI et les milices proposent des services régaliens que l'État ne propose pas. Les réformes sont donc fondamentales dans la lutte contre l'EI, beaucoup plus même que les bombardements et que la stratégie militaire. Ces réformes touchent le cœur du problème : les questions politiques et socio-économiques.

(Lire aussi : Au Moyen-Orient, les rivalités politiques radicalisent le discours confessionnel)

 

Parmi les réformes, la plus drastique est la suppression « immédiate » des postes des trois vice-Premiers ministres et trois vice-présidents. Ces derniers postes sont notamment occupés par Nouri al-Maliki, le prédécesseur de M. Abadi. Les réformes annoncées par le Premier ministre sont-elles un prétexte afin d'éliminer ces principaux adversaires politiques ?

Ces postes ne servent strictement à rien. Ils avaient uniquement une fonction de représentation. Ils servaient à recaser certains hommes politiques ne disposant pas de siège parlementaire ou de poste au cabinet pour éviter qu'ils ne soient des facteurs de déstabilisation. Il y a sûrement eu un deal avec Maliki et avec le parti Daawa pour qu'ils approuvent ces réformes, mais on ne sait pas encore ce qu'ils ont reçu en échange.

Ces réformes doivent être encore soumises à l'approbation du Parlement. Ont-elles une chance d'aboutir ?

Abadi a conscience que le système irakien, tel qu'il fonctionne actuellement, ne peut pas perdurer. Le problème de la corruption est dantesque, tout le système est pourri. Mais la refonte de ce système demande une volonté politique collective. Or tous ceux qui profitent de ce système, parmi lesquels se trouvent les parlementaires en premier lieu, n'ont pas intérêt à ce qu'il change. L'élite perçoit naturellement très mal la remise en cause de ses privilèges.
Il y a toutefois de réelles manifestions de masse en Irak, contrairement à d'autres pays de la région, comme le Liban. Le système communautaire est très récent en Irak. Il ne fait pas partie de l'histoire politique irakienne et il est souvent perçu comme une arme utilisée par les Américains pour diviser la nation irakienne.


Lire aussi

La grogne contre les défaillances du service public s'étend à tout l'Irak

Pour analyser les enjeux des réformes majeures annoncées par le Premier ministre irakien, Haider el-Abadi, L'Orient-Le Jour a interrogé Myriam Benraad, chercheuse spécialiste de l'Irak et du Moyen-Orient au Ceri-Sciences po, à l'Institut de recherches et d'études sur le monde arabe et musulman (Iremam). Auteur de Irak, la revanche de l'histoire. De l'occupation étrangère à l'État...

commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut