Tous les caractères des personnages de ce texte, vous les reconnaîtrez. Ils sont aussi fictifs que réels. Vous les identifierez avec un sourire. En vous-même, en un proche, en un ami, en une connaissance... Ils sont partout !
Voilà le retardataire qui dégringole les escaliers encore une fois, portant le manteau d'une main et nouant les lacets des chaussures de l'autre. Ce n'est pas sa faute. La demi-heure lui avait promis 60 minutes mais elle lui a menti encore une fois ! Dans sa tête, une petite voix ne peut s'empêcher de dire la vérité : « Si seulement je pouvais être ponctuel... Au moins, ça aurait été plus facile que de nouer les lacets en descendant les escaliers ! » (Don't try this at home ! )
Voilà l'étudiante toujours aussi curieuse et cultivée, les idées lui passent dans la tête par centaines. Si elle avait à débattre tous les sujets qui lui tiennent à cœur, elle aurait parlé sans arrêt jusqu'à l'an 2050. Mais – Dieu merci – elle a un défaut mignon qui l'en empêche. Timide, ses joues tournent au rouge pourpre dès qu'elle fait une nouvelle connaissance. Plus cette personne est « intéressante » à ses yeux, plus la timidité gagne du terrain. C'est directement proportionnel, voyez-vous. Elle essaie de le cacher et d'agir normalement, mais les mots, eux aussi, la trahissent parfois. Ils prennent des vacances et disparaissent juste au moment où elle a le plus besoin d'eux. Dans sa tête, c'est seulement la petite voix qui trouve l'usage de la parole : « Si seulement je pouvais combattre ma timidité qui n'a ni lois ni raisons... »
Voilà l'artiste au fond de son atelier, entre des murs colorés, des toiles et des sculptures qui racontent des histoires. Chut, il ne faut pas le déranger... il rêve. Des siècles avant Neil Armstrong, ses ancêtres étaient partis à la Lune. Comme eux, toujours sur une autre planète, il rêve d'un autre monde et c'est ça l'essentiel. C'est son petit caprice, mais dans sa tête, une petite voix ronronne : « Si seulement je pouvais arrêter de rêver autant... Beaucoup de mes journées passent en deux battements de cils, je remets tout au "lendemain" et le temps m'échappe d'entre les mains... »
Voilà la jeune fille qui a toujours fui les réalités dures de la vie jusqu'à même éviter les films dramatiques. Plus tard, comprenant qu'elle s'enferme dans un grand mensonge, elle choisit de s'y confronter. Les larmes la trahissent. Si elle arrive à se maîtriser en apparences, son âme se déchire quand même discrètement à l'intérieur. Dans sa tête, une petite voix l'encourage : « Si seulement je pouvais être moins sensible...Le monde appartient aux forts... »
Voilà l'homme d'affaires brillant qui court encore à onze heures du soir d'une réunion à une autre... Le perfectionnisme coule dans son sang. Il aime tout suivre et tout calculer. Il a le sens du détail et possède le don si particulier de dénicher mille et une fautes en un millième de seconde. En apparences, tout va pour le mieux, mais dans sa tête, une petite voix crie désespérément : « Si seulement je pouvais arrêter de suivre cet arc-en-ciel de perfection qui n'existe même pas... Ça va finir par me tuer... »
Voilà la jeune adolescente passionnée et impatiente. Elle veut tout ce qu'elle veut maintenant et pas demain. La notion du temps n'existe pas pour elle. Le verbe « attendre » lui est inconnu. Elle l'a cherché plusieurs fois dans le dictionnaire mais elle ne cesse d'en oublier le sens. Du coup, elle déprime et se crée souvent plein de problèmes avec ses caprices. Dans sa tête, une petite voix angélique essaie de lui porter conseil en insistant : « Si seulement je pouvais donner le temps au temps... les résultats seraient bien meilleurs à tous les niveaux... »
Ces « si seulement », j'en possède. Nous en possédons tous. Qu'ils soient sur la liste ou des centaines d'autres. Mais avant d'être aussi sévères avec nous-mêmes, n'avons-nous jamais regardé l'autre facette de la pièce de monnaie ? Le retardataire a toujours du suspense dans sa vie. C'est mission « James Bond » tous les jours. Quand il réussit, c'est la joie. Sinon, il aura au moins évité la routine et les longues attentes.
L'étudiante timide laisse plein de personnes intriguées. Et surtout « lui ». Il est impatient de découvrir sa réalité derrière ses mots qui se perdent et ses yeux qui se cachent. Même quand elle essaie de jouer la forte, il sait tout. Il trouve ses joues rouges aussi mignonnes que ses balbutiements. Si elle n'avait pas été aussi discrète, il ne l'aurait peut-être pas aimée...
L'artiste vit dans un monde qu'il construit à sa guise. Il peut être où il veut, avec la personne qu'il veut, au moment qu'il veut. Un plaisir à envier ! Et quand il revient chez nous de temps en temps, il améliore notre réalité par ses pensées visionnaires.
La jeune fille sensible et ses semblables sont la raison pour laquelle la terre continue à tourner en rond. Le monde appartient à ceux qui peuvent sentir la présence de « l'autre » et lui tendre la main... Le monde appartient à ceux qui possèdent encore un cœur...
L'homme d'affaires ne va jamais atteindre la perfection. Mais par son ambition et la qualité de son travail, il en sera très proche. Et c'est ça qui fait la différence.
L'adolescente impatiente a visiblement choisi le temps comme adversaire. Aussi méchant et lent soit-il, tout le monde l'a toujours laissé faire. Pour une fois, quelqu'un essaie au moins de lui apprendre une leçon. C'est un exploit en soi. Je la salue. « Serais-tu en train de faire l'éloge des défauts ? » me demanderiez-vous avec étonnement. Non. Je suis juste en train de prouver que, comme toute chose, la plupart de nos défauts ont eux aussi des qualités et des défauts. Assez ironiquement que cela puisse paraître. Et, qu'on le veuille ou pas, ils nous définissent et font partie inhérente de notre réalité, de notre vécu et de nos multiples expériences...
Si seulement chacun pouvait s'accepter et s'aimer soi-même... sans vouloir devenir quelqu'un d'autre. Quelqu'un d'autre qui – tout simplement – a une autre variété de défauts.
Carole DIB