Conséquence de l’accord sur le nucléaire iranien, les tractations autour des projets d’autoroutes énergétiques se sont accélérées via le Pakistan, le Turkménistan reprenant en main le projet de gazoduc transafghan. Atta Kenare/AFP
Les tractations autour des projets d'autoroutes énergétiques se sont accélérées via le Pakistan depuis l'accord sur le nucléaire iranien, qui pourrait déboucher sur l'arrivée dans la région des ressources tirées des immenses réserves de gaz d'Iran.
La preuve, la reprise en main surprise par le Turkménistan du projet de gazoduc transafghan.
La société gazière d'État du Turkménistan a été désignée jeudi pour mener l'ambitieux projet de gazoduc TAPI devant relier l'Asie centrale au sous-continent indien, marché convoité où les puissances gazières se pressent d'avancer leurs pions avant une éventuelle levée des sanctions contre l'Iran. Turkmengaz « va superviser la coordination de la construction, du financement, de la répartition du capital et de l'exploitation du gazoduc TAPI », a précisé l'agence officielle du Turkménistan.
Sous le couvert de l'anonymat, un responsable turkmène a précisé à l'AFP que cette décision, prise lors d'une réunion à Achkhabad entre les ministres du Turkménistan, d'Afghanistan, du Pakistan et d'Inde, ne voulait pas dire que les entreprises étrangères seraient exclues de ce projet estimé à 10 milliards de dollars.
L'objectif de ce gazoduc de 1 800 kilomètres de long et d'une capacité annuelle de 33 milliards de mètres cubes est de relier les champs gaziers du Turkménistan au Pakistan et à l'Inde, deux marchés émergents assoiffés d'énergie, en passant par les vallées rocailleuses de l'Afghanistan, contrôlées en partie par les talibans. L'idée remonte à l'origine aux années 1990, mais a souffert depuis de l'instabilité de l'Afghanistan, un problème majeur qui suscite toujours des doutes sur la viabilité du gazoduc.
Lundi, l'envoyé spécial du président et vice-Premier ministre turkmène, Baymurat Hojamouhamedov, s'est entretenu à Islamabad avec le Premier ministre Nawaz Sharif pour l'inviter au Turkménistan à l'occasion de la « cérémonie de lancement du projet de gazoduc TAPI qui aura lieu en décembre de cette année », selon un communiqué des autorités pakistanaises.
Doubler l'Iran et la Russie
Le projet connaît une brusque accélération et la désignation de Turkmengaz a tranché avec les rumeurs qui donnaient ces derniers mois le groupe français Total ou la holding publique russe Rostec sur les rangs pour le mener.
Selon une source pakistanaise, les Turkmènes ont repris le dossier en main après un certain agacement dans les discussions avec Total et « en raison de l'accord sur le nucléaire iranien » trouvé mi-juillet avec les grandes puissances.
Pour cette source, qui s'exprime sous le couvert de l'anonymat, Achkhabad craindrait qu'une levée éventuelle des sanctions ne permette à Téhéran de déverser rapidement son gaz sur le sous-continent indien, concurrençant les ressources d'Asie centrale.
Le chantier d'un autre gazoduc avait en effet été inauguré en grande pompe en 2013 pour relier l'Iran, doté des premières réserves mondiales de gaz naturel, et le Pakistan, dont le Premier ministre Nawaz Sharif a promis d'en finir avec la crise énergétique.
Mais si le tronçon iranien a bien été achevé, le Pakistan n'a jamais construit sa portion, expliquant que les sanctions américaines et européennes l'empêchaient de lever du capital pour ces travaux.
La Russie, qui s'est rapprochée d'Islamabad ces dernières années, cherche également à jouer sa carte. Elle soutient le projet Iran-Pakistan et une filiale de Rostec doit construire un autre gazoduc entre Karachi et Lahore, la grande ville de l'est pakistanais, en vertu d'un accord préliminaire validé mercredi soir par le gouvernement russe.
Anton LOMOV, Guillaume LAVALLÉE/AFP