Rechercher
Rechercher

Délires caniculaires

Le Liban nous colle à la peau. Littéralement. Dans la chaleur humide de ce poisseux mois d'août, l'air semble avoir disparu. Les odeurs se sont emparées du moindre atome respirable. Plus que jamais, Beyrouth, saturée de vapeur sale, nous enveloppe, s'infiltre jusque dans les fibres de nos vêtements, ruisselle sur nos fronts accablés. Les déchets sans perspective ont trouvé une issue pour un temps. On les jette sous les ponts, voilà. Aussi discrets qu'un cadavre sous un tapis, transformés en matière vive, rampante et hostile sous l'effet de la canicule, mais déportés juste un peu plus loin des voies praticables et des zones habitées. Avec un peu de chance, ils prendront tout seuls le chemin de la mer que déjà les méduses digèrent tranquillement, avec toutes ses horreurs.

Ceux qui ont l'eau et l'électricité parviennent encore à faire des projets. Même en plissant les paupières, ils voient un avenir ; ils se souviennent que ce pays, c'est le grand huit, et qu'aussi bas que l'on y tombe, on finit toujours par remonter, avec le même vertige. Eux, à marée basse comme au son du clairon, ils achètent, confiants. Surtout quand le soleil se couche en flamboiements ostentatoires et qu'une brise tiède rafraîchit les terrasses. Surtout quand la nuit tombe et que la baie s'éclaire d'une myriade de loupiotes qui vous font croire à l'infini. Et que la pulsion des basses forme avec le grondement des générateurs cette musique volcanique, mugissement soufré de la ville qui transforme les noctambules en souffleurs de feu. Beyrouth est ainsi quand elle se sent mal aimée, elle bluffe, elle ment, s'entortille à vos jambes, vous fait ces yeux-là et vous cédez, possédé.

Mais les autres, le numéraire, les vraies gens de la vraie vie, n'ont que faire de ces sortilèges nocturnes. Quand le soleil se couche, c'est leur échine et leur marcel usé qu'il écrase d'une chaleur de bête. Le filet saumâtre qui s'écoule de leur robinet, le jus parcimonieux qui fait tourner le ventilateur, au mieux le climatiseur, à condition que le frigo et le fer à repasser soient arrêtés, les renvoient à des temps archaïques, les privent de civilisation, les confinent dans les marges du siècle. De l'avenir, ils n'envisagent qu'une portion congrue, faite de lendemains successifs et désenchantés, de matins cendreux et de nuits épaisses. Eux ne rêvent pas de réformes. Ils rêvent de partir au plus vite là où l'eau et l'électricité viennent sans chichis, où les ordures ne pavoisent pas sous les balcons.

En cet été sans guerre, étrangement, ce n'est pas la tempête qui affole la boussole, mais une classe politique déboussolée qui déchaîne les éléments. Ne sachant gouverner sans mentors, les mentors étant occupés ailleurs, nos dirigeants ont lâché le gouvernail. Pire, ils nous bouchent l'horizon, chipotent dans leur assiette communautaire, ne nous laissent même pas une chance de produire de quoi leur laisser voler. On en rêverait de les voir tous mourir pour espérer un changement.

Fifi ABOU DIB

Le Liban nous colle à la peau. Littéralement. Dans la chaleur humide de ce poisseux mois d'août, l'air semble avoir disparu. Les odeurs se sont emparées du moindre atome respirable. Plus que jamais, Beyrouth, saturée de vapeur sale, nous enveloppe, s'infiltre jusque dans les fibres de nos vêtements, ruisselle sur nos fronts accablés. Les déchets sans perspective ont trouvé une issue pour...
commentaires (10)

Bravo Madame.

Kelotamam

19 h 55, le 06 août 2015

Tous les commentaires

Commentaires (10)

  • Bravo Madame.

    Kelotamam

    19 h 55, le 06 août 2015

  • Pour s’en remettre, faut du raide. On le trouvera d’office dans le ton pamphlétaire même opusculaire indéniablement si stimulant, entre des lendemains qui déchantent et des avant-veilles qui tracassent. Car, la sécheresse foudroie, surtout si elle est cinglante ! Fîfî herself, infaillible "Papesse" du réalisme, pense "qu’au terme d'1 assez longue entreprise de désabusement collectif", confirmée de saison, "une mise au ban de talus de Libanais(h) niais s'impose car leurs comportements sont assurément néfastes aux larges d’esprits." ! Notre Miss, elle, dont on sait que la virulence sans ambages a traumatisé bon nombre de ceux qu’on appelle "purs" libanistes, surenchérit ! De son pamphlet à le leur faire avaler dans son entièreté, elle suggère, comme mise en bouche, some aphorismes et apophtegmes : "La first et, en last analyse, l'unique fin de ce "libanisme" ébaubi est sa croissance sans limite car tout libanisme de ce "style est en germe coinnique. S'il ne l'est pas en fait, c'est only parce que ce qui l'entoure ne l’est pas moins que lui.". Il faut avouer que le mécanisme d'oppression mentale propre à ce "style de libanisme" a été introduit par son "propre" coinnisme, et que l’influence de ce "libanisme" a contaminé tout esprit ouvert dans ce pays ! Chacun d’eux formant, à lui tout seul, 1 chapelle profane armée "d'excommunication mentale" ; et le fait d’adhérer à du "libanisme puéril est si confortable pour ne pas penser. Et quoi de + confortable que de ne pas penser....

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    11 h 37, le 06 août 2015

  • Jadis on disait " Le Liban est la Suisse de l'Orient" . Je vous prie de ne plus le répéter, autrement, la Suisse va nous intenter un procès pour atteinte à sa réputation.

    Annie

    11 h 33, le 06 août 2015

  • "Ne sachant gouverner sans mentors, les mentors étant occupés ailleurs, nos (Menteurs) ont lâché la (trique) du gouvernail. Pire, ils ne nous laissent même pas une chance de produire de quoi leur laisser voler." !

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    10 h 51, le 06 août 2015

  • Chassez le naturel, il revient au galop...... La succession est deja assurée. Donc pas d'issue a moins d'un énorme coup de balai qui les enverrait tous paitre de père en fils en gendre en petit-fils....Entre moins de 3000 familles et quelques centaines de politiciens de pacotille qui tiennent plus de 90% des ressources de ce bled pourri, à quoi peut-on s'attendre ?? on aura beau allumer tous les cierges, invoquer tous les saints, faire pèlerinage après pèlerinage, il faut se rendre à l'evidence. A moins d'un changement drastique qui extirpe à la racine tourtes les sources de nos maux, on continuera à se plaindre en 2050.......

    Tabet Karim

    09 h 55, le 06 août 2015

  • Faut donc pas seulement "en rêver", mais AGIR.... mahééék ?

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    09 h 49, le 06 août 2015

  • ET... S'ILS MEURENT ? LA PROGÉNITURE DE CHAQUE PANURGE EST DÉJÀ SUR PLACE POUR CONDUIRE ET GÉRER LE CHEPTEL HÉRITÉ DE L'ARRIÈRE GRAND-PÈRE !!! PAUVRES LIBANAIS... TRANSFORMÉS EN MOUTONS... UN CHANGEMENT EST REQUIS À LA RACINE !

    LA LIBRE EXPRESSION. LA PATRIE EST EN DANGER.

    09 h 41, le 06 août 2015

  • Bonjour Madame Fifi Abou Dib, ..."on en rêverait de les voir tous mourir pour espérer un changement..." MERCI de dire tout haut ce que nous pensons tout bas ! Mais...nous ne le rêvons pas...nous le souhaitons vraiment, tant tous ces IRRESPONSABLES INCAPABLES nous nuisent chaque jour !!! Irène Saïd

    Irene Said

    09 h 26, le 06 août 2015

  • "On en rêverait de les voir tous mourir pour espérer un changement." Même pas, chère Fifi, la relève est déjà assurée par les fistons et autres gendres aux appétits encore plus insatiables.

    Paul-René Safa

    09 h 12, le 06 août 2015

  • Plutôt, "on en rêverait de les tuer pour espérer un changement." !

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    08 h 59, le 06 août 2015

Retour en haut