Rechercher
Rechercher

Liban - liban

Corruption et transactions immobilières : « Quand je donne un 'pourboire', je ne fais rien de mal »

Dans le dernier rapport annuel de Transparency International, le Liban se positionne à la 136e place du classement des 175 pays les plus corrompus. L'année d'avant, en 2013, il était en 127e position. Et en 2012, il occupait le 128e rang. Qu'il s'agisse de pots-de-vin payés pour un service, l'attribution de marchés publics ou d'un délit d'initié ; qu'elle ait lieu à l'échelle individuelle, municipale, des douanes ou des ministères, la corruption ronge le pays sur plusieurs échelles et en de multiples secteurs. Dans le cadre d'un partenariat avec la Fondation Samir Kassir et l'Institut français du Liban, « L'Orient-Le Jour » a voulu revenir sur ce fléau. Aujourd'hui, Salma revient sur les arcanes de la corruption dans les transactions immobilières.

Pour accélérer les formalités, le versement d’un « pourboire » est indispensable, explique Salma, propriétaire d’un bureau à Beyrouth s’occupant de formalités relatives aux transactions immobilières. Photo bigstock

Salma* est propriétaire à Beyrouth d'un bureau s'occupant de formalités relatives aux transactions immobilières. « En matière de biens fonciers, nos clients qui vendent, achètent ou construisent ont besoin de permis, d'inscriptions aux registres... Notre bureau s'occupe de tout le côté administratif de ce genre de transactions, des formalités. » Des procédures dont la durée et la facilité dépendent de plusieurs facteurs, notamment l'éventualité du versement d'un « pourboire », terme que Salma préfère à celui de pot-de-vin.

« Pour tout lot de terrain vendu, nous devons assurer au client acheteur une attestation foncière. Cette attestation coûte 10 000 livres libanaises », explique-t-elle. Quand cette demande est présentée, poursuit-elle, le fonctionnaire explique généralement que pour l'obtenir, il faut revenir le lendemain. Pour éviter un aller-retour, Salma a une solution : le « pourboire ». Cette Libanaise âgée d'une cinquantaine d'années refuse d'utiliser le terme de pot-de-vin, car l'objectif de cette somme d'argent « est uniquement d'économiser du temps » : avec 10 000 LL, elle décroche son attestation en quelques minutes.

Les arrangements avec le temps ou la loi peuvent néanmoins prendre de bien plus larges proportions, reconnaît Salma. Pour limiter le montant des taxes (6 %) à payer, certains enregistrent un bien pour une valeur de 100 millions de LL (66 666 dollars), alors que sa valeur réelle est de 100 000 dollars. Pour faire passer la pilule aux fonctionnaires, là encore, le « pourboire » est efficace.

Autre exemple, poursuit Salma, qui semble en avoir tout un catalogue : la construction d'un bien sur un terrain. Ce type de construction requiert un permis et peut engendrer des frais en régularisation en cas d'infractions pendant la construction. Sur ce dernier point, un « pourboire » pourra convaincre un fonctionnaire de fermer des yeux sur « ces petites infractions qui ne gênent personne, mais peuvent bloquer un dossier », explique-t-elle. « Est-il logique de détruire un mur pour cinq centimètres de dépassement ? Ce serait du gâchis », poursuit Salma, qui assure que tous les « pourboires » qu'elle distribue, avec l'aval de son client bien sûr, ne visent qu'à accélérer les procédures et jamais à porter préjudice à qui que ce soit ».

En ce qui concerne l'ampleur du pourboire, elle varie selon « la nature des formalités ». « Il peut s'agir de cadeaux ou d'enveloppes contenant de l'argent. Un pourboire peut prendre mille et une formes », confie-t-elle.
Salma tient toutefois à insister sur le fait qu'il ne faut pas réduire la personne qui débourse le pourboire à une victime de la corruption dans cette histoire.

 

 

Améliorer les salaires des fonctionnaires
Certes, si son client ne met pas la main à la poche, les formalités risquent d'être considérablement ralenties. Mais « toute personne qui dépense une somme donnée en profite personnellement. Quelqu'un m'a permis d'économiser 200 000 dollars, je lui en reverse 5 000 ».
« Finalement, le premier bénéficiaire du pourboire est la personne concernée par le dossier en question, insiste-t-elle. Que personne n'essaie de vous convaincre du contraire. Quand je donne un pourboire, je le fais de plein gré, et je suis convaincue que je ne fais rien de mal. »

Autre argument avancé par la jeune femme pour justifier les « pourboires » : la charge de travail des fonctionnaires. « Toutes les formalités ne sont pas aussi simples que des attestations foncières, souligne-t-elle. Certaines nécessitent du temps, la personne qui s'en charge doit étudier la question et souvent continuer de travailler sur le dossier une fois rentrée chez elle. Ne dois-je pas valoriser son travail dans ce cas ? »

Pour Salma, le problème de fond tient à un manque d'effectifs dans les administrations. « Il n'y a pas assez de personnes pour traiter les dossiers », insiste-t-elle. De plus, « l'appréciation que l'État porte à ses fonctionnaires est insuffisante et cela pousse ces derniers à avoir recours à d'autres méthodes pour obtenir une forme de gratification », affirme-t-elle.
L'une des solutions, selon elle, pour lutter contre la corruption tient en deux points : recruter de jeunes fonctionnaires et améliorer les salaires.

*Le nom a été modifié à la demande de la personne interviewée.

 

L'épisode précédent
Corruption : « Je ne me sens pas du tout protégée par le système »

 

Pour mémoire
100 volontaires, 70 000 contraventions... et un poisson d'avril

Sakker el-Dekkené a recensé 1 600 cas de corruption en quelques mois

Plus de 50 % des Libanais disposés à corrompre un agent public

 

Salma* est propriétaire à Beyrouth d'un bureau s'occupant de formalités relatives aux transactions immobilières. « En matière de biens fonciers, nos clients qui vendent, achètent ou construisent ont besoin de permis, d'inscriptions aux registres... Notre bureau s'occupe de tout le côté administratif de ce genre de transactions, des formalités. » Des procédures dont la durée et la...

commentaires (7)

Bassîîîttâh ! Walâoû !

ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

15 h 35, le 31 juillet 2015

Tous les commentaires

Commentaires (7)

  • Bassîîîttâh ! Walâoû !

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    15 h 35, le 31 juillet 2015

  • Pourquoi etre aussi reducteur . La corruption existe aussi hors des transactions immobilieres . Un politicien de retour d'un pays bakchich avec dans sa besace des "idees politiques" importees , ne serait il pas plus corrompu qu'un fonctionnaire .?? De qui je parle ? quelle question vous me demandez ,de reveler le pays bakchich ou le bonhomme ??

    FRIK-A-FRAK

    15 h 21, le 31 juillet 2015

  • On m'a raconté que des courtiers libanais avaient opéré jadis en Palestine. Parmi leurs prouesses, ils ont vendu d'immenses propriétés arabes palestiniennes aux juifs venus d'ailleurs. Depuis, cela ne m'étonne plus qu'ils vendent des terres libanaises aux riches du pétrole dans les pays du Golfe. Le Libanais est "chater" et "harbouq".

    Un Libanais

    14 h 31, le 31 juillet 2015

  • On voit tres clair que la cause unique de la decrepitude de nos institutions et de tte la classe politique de ce pays de "fiel et de laid", c'est le "Libanais" lui-meme et rien que lui ! C'est a nos genes qu'il faut s'attaquer ...

    Remy Martin

    11 h 25, le 31 juillet 2015

  • Donner un pourboire n'est rien de mal, certes, c'est motivant pour la personne qui le reçoit. Soudoyer qulequ'un, par contre, est mal, et c'est là, tout le (grave) problème...

    NAUFAL SORAYA

    09 h 27, le 31 juillet 2015

  • BIZARRES RAISONS QUE CELLES AVANCÉES PAR CETTE DAME. CE QU'ELLE FAIT S'APPELLE TOUT SIMPLEMENT DE LA CORRUPTION ! Où EST LA JUSTICE POUR S'EN SAISIR ?

    LA LIBRE EXPRESSION

    08 h 13, le 31 juillet 2015

  • Sit "Salma" est l'archétype du Libanais qui contourne la loi par astuce.

    Halim Abou Chacra

    03 h 24, le 31 juillet 2015

Retour en haut