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Économie - Hydrocarbures

Dans le nord-est syrien, les Kurdes produisent leur propre or noir

Youssef Karwashan/AFP

Au cœur du vaste champ de Rmeilane, dans le nord-est de la Syrie en guerre, du pétrole brut chauffe dans un chaudron artisanal. C'est là que les Kurdes ont improvisé des raffineries pour subvenir aux besoins énergétiques de leurs régions.
« Nous faisons chauffer le brut à 125 degrés pour produire de l'essence, à 150 degrés pour le kérosène et à 350 degrés pour le mazout », explique un technicien kurde, Jakdar Ali. Cet homme maigre aux vêtements tachés de graisse et de pétrole, observe le chaudron de raffinage, d'où se dégage une épaisse fumée noire.
« C'est la première fois que les Kurdes extraient, raffinent et distribuent du pétrole de manière autonome » en Syrie, affirme avec fierté l'ingénieur Sleimane Khalaf, responsable des ressources énergétiques au sein de l'administration locale kurde.
Situé en plein désert dans la province de Hassaké, Rmeilane est le plus grand champ pétrolifère de Syrie en termes de superficie. En 2012, le régime a retiré ses troupes de la zone ainsi que de nombreuses régions à majorité kurde, laissant les forces kurdes instaurer une sorte d'administration locale autonome. Dans la foulée, celles-ci se sont emparées de la majeure partie des puits de Hassaké, concentrés à Rmeilane. Le groupe extrémiste État islamique (EI), qui a capturé de larges territoires en Syrie, a mis la main sur les 10 % restants.

« Nous avons défendu ces puits »
Avant la guerre, le brut extrait à Hassaké était transporté vers les raffineries de Banias (Ouest) et Homs (centre), les seules du pays. Or avec le conflit, les oléoducs reliant les champs de Hassaké « à ces raffineries ont été sabotés, provoquant la fermeture de 1 300 puits à Rmeilane », affirme M. Khalaf.
L'été dernier, l'administration kurde décide, pour subvenir aux besoins de ses régions, de réactiver 150 puits et créer une vingtaine de petites raffineries artisanales. Selon M. Khalaf, elles produisent 15 000 barils par jour, soit beaucoup moins que les 165 000 bpj d'avant-guerre, mais suffisamment pour subvenir aux besoins de la région de Hassaké. Pour l'ingénieur, les Kurdes méritent d'exploiter le champ de Rmeilane car ils ont payé un lourd tribut pour le défendre notamment contre l'EI, qui a attaqué la région à plusieurs reprises en 2014, mais aussi contre des bandits armés. « Nous avons défendu ces puits au prix de centaines de martyrs », dit-il.
L'interruption du pompage en 2012 a entraîné des pénuries majeures d'énergie. « L'hiver 2013 était si rigoureux que de nombreuses familles avaient commencé à couper les arbres et brûler leurs meubles pour se chauffer », affirme Hassane, fonctionnaire gouvernemental qui travaille toujours à Rmeilane. « Il fallait remédier au problème. »
Un conducteur de la région, Saleh, raconte que « des gens faisaient même des trous sauvages près des puits pour extraire le brut et le raffiner de manière primaire avant de le vendre ».
D'après M. Khalaf, le gouvernement syrien a fourni au départ des matières premières comme l'huile pour les turbines et des pièces de rechange, afin de faire redémarrer le champ. Damas continue même de payer les salaires des quelques fonctionnaires restés sur place.

Partager les revenus
L'essence artisanale est de mauvaise qualité d'après les habitants, mais beaucoup moins chère que celle fournie par l'État, qui se vend à 400 livres syriennes (1,3 dollar) le litre, contre 150 pour le carburant local.
Près des puits qui s'étendent à perte de vue, une dizaine d'ouvriers s'activent, certains inspectant les soupapes de sécurité. Des camions-citernes viennent collecter l'or noir grossièrement raffiné, afin de le distribuer aux stations d'essence de la province. La production de pétrole en Syrie a chuté à 9 329 bpj contre 380 000 avant le conflit selon les chiffres officiels, après la perte par le régime de la majorité des champs pétrolifères. Les champs les plus productifs avant la guerre, ceux de Deir ez-Zor (Est), sont actuellement aux mains de l'EI.
Pour M. Khalaf, les Kurdes n'ont aucun problème à coopérer avec Damas, à condition de garder un certain contrôle sur le pétrole dans leurs régions. « Si la route vers les raffineries de Homs et Banias est rétablie, nous recommencerons immédiatement le pompage, mais les régions kurdes doivent obtenir une part équitable des revenus pétroliers », souligne-t-il.
Maher AL-MOUNNES/AFP

Au cœur du vaste champ de Rmeilane, dans le nord-est de la Syrie en guerre, du pétrole brut chauffe dans un chaudron artisanal. C'est là que les Kurdes ont improvisé des raffineries pour subvenir aux besoins énergétiques de leurs régions.« Nous faisons chauffer le brut à 125 degrés pour produire de l'essence, à 150 degrés pour le kérosène et à 350 degrés pour le mazout »,...

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