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Moyen Orient et Monde - Tunisie

Un projet de loi visant à pardonner les faits de corruption suscite l’inquiétude

Le président Essebsi invoque la nécessité de « tourner la page du passé et de regarder vers l'avenir ».

Un projet de loi appelant à la « réconciliation » avec les personnes condamnées pour corruption en échange d'un remboursement inquiète en Tunisie, certains dénonçant une initiative encourageant l'impunité. Le texte proposé par le président Béji Caïd Essebsi a été présenté mardi en Conseil des ministres et doit être envoyé au Parlement « dans les plus brefs délais », a expliqué Dhafer Néji, chargé de la communication du gouvernement. Il s'agit, a souligné le chef de l'État mercredi soir dans une interview à une chaîne privée, de « tourner la page du passé et de regarder vers l'avenir ». Mais la question est sensible en Tunisie, où la révolution qui a mis fin en janvier 2011 à la dictature de Zine el-Abidine Ben Ali, largement motivée par le chômage et la misère, s'est aussi faite contre la corruption et le népotisme qui caractérisaient son régime.
Pour les fonctionnaires accusés ou condamnés pour corruption mais n'ayant pas touché de pots-de-vin, le projet de loi entend « stopper les poursuites et les procès, et annuler les peines prononcées ». Selon le président, il s'agit des employés de l'État qui n'ont eu d'autre choix que d'obéir aux ordres « mais n'en ont pas personnellement tiré profit ». « Ils ont vécu dans un système corrompu (...). Qui pouvait lever la tête dans ces conditions ? (...) Personne », a lancé le président devant le Conseil des ministres mardi.
D'autre part, toute personne, selon le chef de l'État, ayant « tiré un profit ou pris des pots-de-vin ou en ayant donné » devra présenter un dossier à une commission qui sera mise en place si le projet de loi est approuvé par le Parlement. Les poursuites seront définitivement annulées en échange du paiement « d'une somme d'argent égale à la valeur de l'argent public détourné ou du profit obtenu, à laquelle s'ajoute un taux de 5 % pour chaque année depuis les faits », indique le texte.

« Climat de confiance »
Pour la présidence, il s'agit de « rétablir un climat de confiance au sein de l'administration », « d'améliorer le climat des affaires et d'encourager les investissements » alors que l'économie a été fortement affectée par l'instabilité qui a suivi la révolution. « Le pays a besoin de tout le monde. Au moins, que celui qui a de l'argent participe (à l'économie tunisienne). Et moi, j'ai la conviction qu'il y a beaucoup de Tunisiens, hommes d'affaires ou autres, qui ont les moyens et qui sont prêts à participer à la vie de la Tunisie. Mais ils ont peur », a dit le chef de l'État. Plusieurs hommes d'affaires sont poursuivis ou interdits de voyage en Tunisie, d'autres ont fui le pays dans la foulée de la révolution.

Impunité et colère
Un argumentaire qui ne convainc pas Sihem Bensedrine, la présidente de l'Instance vérité et dignité (IVD), chargée de recenser et de réhabiliter les victimes des abus des régimes de Ben Ali et de Bourguiba. Ce texte « ne garantit pas que les crimes liés à la corruption ne se reproduisent pas. Au contraire, il encourage à la corruption et l'impunité », dénonce Mme Bensedrine, dont les relations avec M. Caïd Essebsi ont été mouvementées par le passé.
Le député de gauche Mongi Rahoui a, lui, mis en garde contre la « colère » des Tunisiens. « Ce qu'a fait le président est dangereux et menace la sécurité de la Tunisie parce qu'il est en train d'appeler les Tunisiens (...) à agir avec force contre cette loi qui trahit la révolution et veut recycler la corruption », a-t-il accusé. M. Caïd Essebsi « doit, et cela vaut mieux pour lui et pour la Tunisie, retirer cette loi, parce qu'elle aura des conséquences dangereuses (...). Si cette loi n'est pas retirée de manière pacifique par le président de la République (...), nous demanderons aux Tunisiens de le faire chuter (le texte) par le biais de manifestations et de protestations à travers le pays », a-t-il averti sur une radio privée.
Inès BEL AIBA, Mounir SOUISSI/AFP

Un projet de loi appelant à la « réconciliation » avec les personnes condamnées pour corruption en échange d'un remboursement inquiète en Tunisie, certains dénonçant une initiative encourageant l'impunité. Le texte proposé par le président Béji Caïd Essebsi a été présenté mardi en Conseil des ministres et doit être envoyé au Parlement « dans les plus brefs délais », a...

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