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Moyen Orient et Monde - Chrétiens d’Orient

À Södertälje, la renaissance assyrienne est en marche

Un siècle après le génocide de 1915 perpétré par l'Empire ottoman, les assyriens de Suède prennent leur avenir en main dans une Europe leur offrant la paix que l'Orient n'a su leur accorder.

L’école assyrienne Elafskolan est installée dans une résidence classique de la fin du XIXe siècle près du centre historique de Södertälje, la villa Bellevue. Photo Facebook

La ville de Södertälje, dans la banlieue de Stockholm, s'est transformée en nouvelle Ninive (la province du nord de l'Irak, berceau des assyriens) ces trente dernières années. Devenue un havre de paix pour les chrétiens d'Orient, elle abrite une forte communauté d'origine assyrienne qui a radicalement transformé le paysage socio-économique, mais aussi culturel, de la ville. Les réfugiés chrétiens fuyant le fléau de l'organisation État islamique (EI) en Syrie et en Irak continuent d'y affluer et gonflent désormais les rangs d'une diaspora déjà bien établie.

Il n'en fallait pas plus aux assyriens pour se pencher sur la question de la perte des racines et du maintien de leur propre langue, le syriaque, riche d'une grande littérature chrétienne orientale. Comme d'autres communautés en diaspora, la question de l'assimilation la hante depuis son installation dans ces contrées lointaines.
« La préservation d'une identité en diaspora passe par la création d'une école », explique Afram Yacoub, président de la Fédération assyrienne de Suède, une institution qui regroupe plus d'une vingtaine d'associations disséminées sur le territoire suédois.

Dans ce contexte, l'école assyrienne Elaf (« Apprends », en syriaque) voit le jour durant l'été 2014. Installée dans une résidence classique de la fin du XIXe siècle près du centre historique de Södertälje, la villa Bellevue, clin d'œil à une époque où la langue française était langue de prestige en Suède, elle accueille à l'heure actuelle près de quatre-vingts élèves, de six à treize ans, répartis en six classes.

Le temps se fige
Elafskolan repose sur un concept simple : maintenir, au sein de la diaspora, la conscience de l'appartenance à une culture millénaire. Dans l'école, le temps se fige. Nous sommes en Suède, en 2015, et assistons à la transmission d'un patrimoine ancien qui plonge ses racines dans la Mésopotamie antique, et ce dans un cadre d'éducation nationale suédoise.

« Nous offrons l'un des meilleurs enseignements privés, et nos élèves, tous issus de la communauté assyrienne, suivent deux heures de langue maternelle par semaine et reçoivent également des cours de sensibilisation à leur patrimoine d'origine, comme le folklore et l'histoire », explique Shabo Rhawi, vice-président d'Elafskolan. « L'enseignement privé suédois est différent du reste de l'Europe, le financement est public, et le pays souhaite ainsi favoriser l'émergence d'écoles privées qui œuvrent à la préservation des cultures d'origine », poursuit-il. Dès lors, toute école offre le choix des langues maternelles à ses élèves, à raison d'une heure par semaine, et ce quelle que soit la langue, pour autant qu'un professeur soit disponible. Elafskolan fait le double et donne deux heures par semaine de syriaque aux assyriens, ou deux heures d'arabe aux élèves récemment venus de pays arabophones où la pratique du syriaque a déjà disparu.

Ce sont ces particularités qui ont fait le succès de l'école. Les parents soucieux de maintenir un lien avec leur culture font désormais la file pour y inscrire leurs enfants. Un tiers des élèves ne parlent pas suédois, mais uniquement le syriaque ou l'arabe. Ils sont réfugiés du Khabour en Syrie, ou de Mossoul en Irak. Pour ces derniers, arrivés il y a seulement quelques mois, des adaptations sont nécessaires pour leur permettre de suivre les cours sereinement sans perdre la qualité de l'enseignement. Un traducteur demeure à proximité de ces élèves dans tous les cours et les aide à la compréhension.

L'éducation est prise très au sérieux en Suède. À l'instar des écoles communautaires ou confessionnelles que comporte l'enseignement privé suédois – les Friskol (écoles libres) –, Elafskolan représente une première dans le genre pour les assyriens : un enseignement de pointe, qui s'inscrit dans les programmes de l'éducation nationale, donné en suédois, avec une orientation spécifique sur la transmission de la culture d'origine. Recette miracle pour contrer une perte de l'identité et des racines ? Seul l'avenir le dira.
Ce qui est certain, c'est qu'aujourd'hui les assyriens de Södertälje ne manquent de rien : une équipe de football qui évolue en deuxième division nationale, des dizaines de centres culturels, une chaîne de télévision, et, depuis peu, une école. Ces outils coûteux sont financés en grande partie par le pays accueillant. Ils offrent aujourd'hui plus que jamais un sursis aux assyriens, une communauté rejetée d'un Orient qui ne semble plus vouloir d'elle.


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