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Liban - Sécurité

Le Liban ne sera pas déminé avant 2021

Quelque 62 140 m2 de zones infectées de mines et de sous-munitions, c'est ce qu'il reste à nettoyer au Liban.

Le travail de déminage est minutieux : les mines de fabrication française ne peuvent pas être détectées avec la sonde metalique. Le travail se fait donc à la main.

Faute notamment de moyens financiers suffisants, le nettoyage total du Liban des mines et des sous-munitions ne cesse d'être retardé. Le plan stratégique national mis en place par le Centre libanais de luttes antimines (CLLAM) prévoit de nettoyer le Liban pour 2021, si « les dons et les budgets sont suffisants », précise le général Élie Nassif, directeur de ce centre, qui estime à quelque 62 140 m2 la surface restant à déminer au Liban.
À Araya, à quelques kilomètres de Beyrouth, une équipe de six personnes, dont deux femmes, s'activent depuis un an pour déminer un terrain de près de 9 000 m2. En 2001, un bulldozer a explosé en roulant sur une mine. Les opérations de déminage ont été ouvertes en mars 2014. Depuis, deux mines ont été explosées et quelques 121 sous-munitions trouvées. Hassan Mouannès est le superviseur du site. « C'est un métier très difficile », fait-il remarquer.


La journée commence à 6 heures et se termine à 15 heures, soit sept heures d'un travail méticuleux qui requiert une concentration extrême. Toutes les 45 minutes, l'équipe a droit à une pause. « C'est difficile car les conditions de travail sont dures, explique Soraya Darwiche, une jeune démineuse de 26 ans. Surtout à cause du climat. L'hiver, nous avons froid et l'été, nous avons trop chaud sous l'équipement. » Un équipement qui semble quelque peu dérisoire : des gants, un casque avec une visière et une protection rouge molletonnée autour de la poitrine et de l'abdomen. « Je sais bien que ce travail est dangereux, c'est pour cela que je respecte toutes les règles de sécurité et de procédures, note la jeune femme. Je n'ai jamais enfreint une seule règle ! »


La tâche est d'autant plus rude que le terrain est infecté d'un type particulier de mines. « Ce sont des mines de fabrication française, posées par les milices durant la guerre civile, explique le capitaine Wassim Louis. Elles ne sont pas détectables avec la sonde à métal. Il faut tout nettoyer à la main. » Chaque démineur s'occupe d'une parcelle séparée de vingt-cinq mètres les unes des autres. « C'est la distance de sécurité », explique Soraya Darwiche en étalant ses outils à côté d'elle. La procédure est répétitive : la jeune femme commence par tâter le terrain devant elle et soulever les vingt centimètres de terre qu'elle doit nettoyer. À l'aide d'un petit grattoir, elle creuse avec une précaution extrême la terre. Si la végétation est gênante, elle la coupe. Il est ainsi pendant sept heures. Si une mine est trouvée, toute l'équipe s'arrête. L'endroit est marqué d'une croix rouge et l'artificier arrive pour faire exploser l'engin.

 

Le Liban infecté du nord au sud
Le terrain de Araya est exceptionnel. En règle générale, les mines se détectent avec une sonde à métal, ce qui facilite largement le travail : trois passages de dix secondes sur le terrain suffisent à détecter la mine ou l'engin explosif. « On trouve des mines de plusieurs pays ici au Liban », explique Hassan Mouannès, en montrant des photos de tous les engins recensés sur le territoire. « Durant la guerre civile, plusieurs États ont vendu des mines aux différentes milices », précise-t-il.
Le sud du Liban reste le plus touché par le problème. « Israël a déversé des tonnes de bombes à sous-munitions par avion durant les différentes guerres et dernièrement encore en 2006 », relève le capitaine Louis. La preuve en est que neuf équipes de démineurs travaillent entre le Liban-Nord et le Mont-Liban, contre vingt-huit au Liban-Sud, la majorité à la frontière avec l'État hébreu.
La contamination des terrains a des retombées négatives sur l'économie rurale. « Les terrains contaminés sont en grande majorité des terrains agricoles appartenant à des citoyens dont les revenus dépendent uniquement de leur production », explique le général Élie Nassif. Le CLLAM a en conséquence classé les terrains contaminés selon leur degré de priorité. « Nous avons commencé par les terrains agricoles et avons laissé les régions désertiques pour la fin », précise-t-il.

 

Le déminage, une priorité nationale
Le déminage au Liban est organisé par le CLLAM, en collaboration avec plusieurs ONG. Le coût de telles opérations est élevé. Les financements sont bien souvent insuffisants et dépendent en grande majorité de pays donateurs. Afin de faciliter les opérations, le CLLAM, en coordination avec l'armée française, a lancé un nouveau projet d'école régionale de déminage humanitaire. Un projet qui devrait voir le jour l'année prochaine. Cette école se trouvera au sein de la caserne militaire de Hammana, à une petite heure de Beyrouth (voir interview).
En dehors des difficultés financières, d'autres entraves techniques retardent les opérations de déminage. Les facteurs naturels et climatiques ont modifié les terrains. Les mines et les sous-munitions sont parfois cachées sous la végétation ou sont enfouies très profondément. « Avec le temps, leur système de déclenchement devient de plus en plus sensible, précise le général Nassif, ce qui rend plus difficile et plus dangereuse la détection de ces engins explosifs. »
Le Liban a élaboré une stratégie nationale pour achever les opérations de dépollution des sous-munitions en 2019, et des mines et des bombes non explosées en 2021. Mais « l'achèvement de ces opérations ne sera possible que si les pays donateurs assurent leur financement et qu'aucun changement dans la situation nationale n'a lieu, comme ce fut le cas en 2006, suite à l'agression israélienne », insiste le général Nassif.

 

Interview
« L'école de déminage aidera des pays arabes
à se débarrasser des mines et des sous-munitions »

Le général Élie Nassif, directeur du CLLAM, a répondu aux questions de L'Orient-Le Jour sur le nouveau projet d'école régionale de déminage humanitaire à Hammana.

 

Comment est né ce projet ?
Ce projet est né grâce aux accords de coopération entre l'armée libanaise et celle de la France afin de mettre fin au problème des mines et des sous-munitions au Liban. C'est le fruit de plusieurs réunions et discussions entre les deux pays.

 

Comment sera-t-il financé ?
Le bâtiment, la préparation des infrastructures, l'assurance du matériel et des équipements sont à la charge de l'armée libanaise. De son côté, le gouvernement français a envoyé un officier français, coordinateur du projet sur place. Il s'est aussi engagé à fournir des aides pédagogiques relatives à l'entraînement des élèves démineurs. Le projet dans son ensemble nécessite des besoins très divers, qui pourront aussi être satisfaits par des dons.

 

Quelles nécessités ont poussé à la création d'une école spécialisée ?
Premièrement, le Liban souffre en permanence du problème des mines et des sous-munitions. Il se doit d'entretenir ses capacités locales en termes de formation sur ce domaine.
Ensuite, il n'y a pas de centre d'entraînement similaire dans les pays arabes voisins. Ce manque d'infrastructure nous oblige à nous former à l'extérieur (en France, notamment), et tend à augmenter les frais budgétaires du Liban.



Quelles nouveautés va apporter l'école aux formations de déminage déjà existantes ?
En principe, les méthodes de formation seront les mêmes. En revanche, l'école jouera un rôle central au niveau de l'entraînement, conformément aux critères nationaux émanant des critères internationaux. L'école aura également un rôle au niveau de développement des expertises.

 

Pourquoi lui avoir donné une vocation régionale ?
Premièrement, parce qu'il n'y a pas d'école de ce genre dans la région. Ensuite, le Liban a acquis une expertise au niveau du déminage qu'il se doit de partager afin de faire profiter les autres pays. À terme, l'école va accueillir des élèves de tous les pays arabes ou des pays amis qui parlent l'arabe. Les entraînés peuvent être des civils ou des militaires, à condition qu'ils soient opérants dans le domaine du déminage humanitaire.

 

Combien d'instructeurs ont déjà été formés ?
Environ 35 instructeurs de l'armée libanaise ont suivi une formation liée aux opérations de déminage humanitaire, et cela conformément aux critères internationaux (IMAS). L'entraînement a été fourni par des instructeurs de l'armée française. Ces instructeurs formeront le noyau du cadre d'entraînement de l'école.

 

L'école va-t-elle travailler de pair avec les différentes ONG qui opèrent sur le terrain ?
Oui, l'école formera des membres des organisations et des sociétés opérantes dans le domaine du déminage humanitaire. L'école sera prête à échanger les expertises acquises et à profiter des expertises des autres dans le but du développement des connaissances.

 

Le projet devait normalement se terminer en 2015, on parle aujourd'hui de 2016 : quelles sont les raisons de ce retard ?
L'armée libanaise s'est engagée à offrir les locaux et les équipements. Cependant, le projet a été retardé, en raison de certains problèmes financiers. Les travaux devraient commencer ce mois-ci. Durant la période de retard, l'armée fournira un endroit alternatif à celui de Hammana.

 

Le projet de déminage humanitaire est mené sous le commandement de l'armée libanaise, pourquoi avoir nommé un coordinateur de l'armée française ?
La coopération entre les deux armées date depuis longtemps dans tous les domaines et surtout au niveau du déminage. La France a suggéré une école au Liban similaire à celle établie au Bénin, ce qui permet de bénéficier des expériences acquises par cette dernière. La présence de l'officier français est indispensable en vue d'échanger les expertises avec l'armée française surtout durant la première étape du projet.

 

Une fois l'intégralité des terrains déminée, quelle vocation aura l'école ?
La résolution du problème des mines au Liban, selon la stratégie nationale, est attendue pour 2021. À ce moment, l'école aura une vocation régionale suffisamment développée pour former des démineurs d'autres pays arabes.

 

 

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