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Liban - Droits de l’homme

En l’absence d’une loi réglementant le travail domestique, la SG limite les libertés des employées de maison

« Quand les employeurs et les employées de maison migrantes se rencontrent » est le thème d'un atelier de travail organisé hier par l'association Insan.

Les conférenciers.

Le pays du Cèdre déploie-t-il tous les moyens pour améliorer la situation des employées de maison migrantes ? La question s'impose à l'issue d'un atelier de travail organisé hier par l'association Insan à l'hôtel Riviera. Un événement qui a mis en valeur l'extrême difficulté de faire avancer le dossier en l'absence d'une loi réglementant le travail domestique, ou idéalement l'intégration de cette profession au code du travail actuel.

Le recul
« Les choses ont empiré ces deux dernières années », dénonce le fondateur d'Insan, Charles Nasrallah. Un recul initié par la Sûreté générale qui a pris deux mesures dans ce sens, limitant de manière arbitraire les libertés et les droits de la main-d'œuvre domestique migrante. L'organisme a d'abord refusé de renouveler les permis de séjour des enfants des employées de maison migrantes. Elle a même procédé à l'arrestation d'un couple, Renuka et Jagdish, qui avait mobilisé la société civile pour le renouvellement du permis de séjour de Susana, leur fille mineure. La SG a certes assoupli sa position pour permettre aux enfants scolarisés de poursuivre leur année scolaire, à l'heure où la justice pour enfants a interdit l'expulsion de Suzana. Mais le pire est à craindre cet été, alors que le mois de juin touche à sa fin. « Nous craignons une nouvelle vague d'expulsions », avoue M. Nasrallah en marge de la conférence, précisant que les visas de ces enfants viennent bientôt à expiration.

C'est de novembre 2014 que date la seconde mesure adoptée par la SG. « Une mesure sans précédent », qui n'a été rendue publique que récemment, constate M. Nasrallah. Dans un mémorandum au ministère de la Justice, la SG a exigé de ce dernier qu'il impose aux notaires d'ajouter une clause aux contrats de travail entre l'employeur et l'employée de maison, interdisant à celle-ci d'avoir « toutes sortes de relations », autrement dit d'avoir une relation amoureuse ou de se marier. Le cas échéant, l'employeur est tenu de déclarer cette relation à la SG et devra rapatrier son employée domestique sur-le-champ. « La mesure, outre son caractère discriminatoire, donne à l'employeur le droit et le devoir de contrôler la vie personnelle de son employée de maison », déplore le représentant d'Insan, dénonçant la stratégie des autorités.


(Lire aussi : Les employées de maison étrangères unies face aux abus)

 

Vers la levée de l'interdiction par les Philippines ?
De quelle avancée parle-t-on face à ce recul, alors que le ministère du Travail n'en finit pas de plancher sur des protocoles d'accords avec les ambassades des Philippines, d'Éthiopie, de Madagascar, afin que ces pays lèvent l'interdiction faite à leurs ressortissantes de venir travailler au Liban ? « Les négociations sont à un stade avancé avec l'ambassade des Philippines, nous avons même fixé le salaire des employées à 400 dollars, comme exigé par les autorités de ce pays », promet la chef de l'Unité d'inspection au sein du ministère du Travail, Joumana Haymour. La représentante du ministre du Travail, Sejean Azzi, assure qu'« une grande partie des problèmes résulte de cette interdiction », tout en égrenant les mesures prises par le ministère pour lutter contre la maltraitance envers la main-d'œuvre domestique. Des mesures qui paraissent dérisoires, vu la réalité. Preuve en est, en 2014, le ministère n'a fait que 5 interventions pour maltraitance. « Nous travaillons dans des conditions difficiles. Il nous est interdit d'entrer dans les maisons, sans compter que le travail domestique ne figure pas dans le code du travail », explique-t-elle. Et pourtant, on ne compte pas les confiscations de passeports, les salaires impayés ou trop bas, les horaires impossibles, la fatigue, l'absence d'un jour de congé, l'enfermement, la nourriture insuffisante, la maltraitance, les abus sexuels, les suicides aussi... la liste des abus est si longue.

 

(Lire aussi : Ce « petit parapluie » qui protège les employées de maison étrangères...)


Dans cet état des lieux et en l'absence de chiffres globaux sur la maltraitance des employées de maison, des idées sont proposées pour améliorer la relation entre les employeurs et la main-d'œuvre migrante. « Les employeurs devraient contracter une assurance qui les protégerait si leur employée "prend la fuite" », conseille le président du syndicat des agences de recrutement au Liban (Soral), Hicham Bourji. Ce dernier ne manque pas de constater « l'évolution des salaires de la main-d'œuvre domestique au Liban, au fil des années ». Mais le représentant de l'Organisation internationale du travail (OIT), Nabil Abdo, est formel : « Seule une législation et l'abolition du système du garant permettraient de réglementer le travail domestique. »
Alors, dans l'attente d'une telle législation, employeurs et employées de maison continuent à se montrer du doigt. « On n'arrête pas de dire que le système du garant viole les droits de l'employée de maison. Je voudrais vous dire comment ce système porte aussi atteinte aux employeurs », martèle Myra Abdallah, s'exprimant en leur nom. Et de constater que le système ne protège pas l'employeur. « Nous devenons responsables d'une personne majeure, avec tout ce que cela comporte comme problèmes si elle prend la fuite, si elle commet un crime », note-t-elle. Mme Abdallah évoque l'absence de preuves de paiement du salaire, mais aussi le manque de recours en cas de mauvaise entente entre les deux parties. Là aussi la liste est longue. Les autorités prendront-elles enfin conscience du malaise ?

 

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commentaires (2)

C'EST CE QU'ON APPELLE : REMÉDIER AU MAL... PAR LE MAL...

LA LIBRE EXPRESSION

17 h 56, le 18 juin 2015

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Commentaires (2)

  • C'EST CE QU'ON APPELLE : REMÉDIER AU MAL... PAR LE MAL...

    LA LIBRE EXPRESSION

    17 h 56, le 18 juin 2015

  • Les "autorités libanaises" citées dans cet article sont incapables de faire appliquer les lois envers les citoyens de ce pays...alors comment imaginer qu'elles sachent, ou veulent, le faire concernant ces malheureux employés/ées migrants ??? Irène Saïd

    Irene Said

    16 h 20, le 18 juin 2015

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