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Moyen Orient et Monde - Turquie

Après les législatives, les gagnants satisfaits et les perdants déboussolés

Dans les cafés, sur les lieux de travail ou ailleurs, les électeurs analysent les résultats des élections qui ont abouti à un sérieux revers pour l'AKP.

Depuis le scrutin du 7 juin, dans les cafés turcs, les clients parlent et se comportent comme de vrais spécialistes en sciences politiques. Photo archives/AFP

« 2015 est une très bonne année pour moi... Galatasaray (l'équipe de foot) a remporté deux coupes, l'AKP (le parti de la Justice et du Développement) d'Erdogan est obligé de quitter le pouvoir grâce aux votes de HDP (parti kurde) », jubile un enseignant quarantenaire.
Au Café Bebek, tout près de la mosquée, au bord du Bosphore, dans ce quartier chic d'Istanbul, haut lieu de l'intelligentsia turque, tous les clients sont contents des résultats des législatives du 7 juin. Au pouvoir depuis treize ans, l'AKP a perdu, à l'issue de ce scrutin, sa majorité absolue en recueillant 40,8 % des voix, le contraignant à former un gouvernement de coalition. Ses deux principaux adversaires, le CHP et le Parti de l'action nationaliste (MHP, droite), ont respectivement rassemblé 25 et 16,3 % des suffrages. Le parti prokurde HDP (Parti démocratique des peuples) a réussi une performance historique avec 13,1 % des voix.
« Premier amour, premier vote... J'ai gagné sur les deux pistes : nous partirons ensemble avec ma copine pour les vacances et mon premier vote a servi à détrôner Erdogan », affirme pour sa part un jeune étudiant. Tous les ans, environ 2 millions d'électeurs votent pour la première fois dès qu'ils ont 18 ans.
« On en avait marre depuis treize ans, n'est-ce pas? Et n'oubliez pas que tout a commencé à Gezi (un parc au cœur d'Istanbul où a débuté la révolte des jeunes en juin 2013, brutalement réprimée par la police d'Erdogan) », rappelle pour sa part un professeur de sociologie.
Les garçons du café, à force de travailler pour tant d'intellectuels, sont eux-mêmes devenus de fins observateurs. « Une grande partie de ces intellos ne croyait pas, avant le 7 juin, à la victoire du HDP, maintenant, ils se comportent comme des prophètes », critique Sefa, serveur.
Depuis le fameux dimanche électoral, dans les cafés, sur les lieux de travail, dans les bars et restaurants, c'est-à-dire un peu partout en Turquie, on ne parle que des élections. Et surtout de la « victoire » du HDP qui a pu dépasser le seuil critique des 10 %, affaiblissant par là même le parti gouvernemental en l'empêchant de former tout seul le nouveau gouvernement, pratique courante de l'AKP depuis 2002.
De l'autre côté du spectre politique, les partisans d'Erdogan sont tristes, en colère, et ne semblent pas avoir encore compris le sens profond de cet échec.
Dans la salle de réunion d'une association de jeunes hommes d'affaires proches du gouvernement, on essaie de se consoler. « Nous sommes encore le plus grand parti malgré les complots des forces internationales, du lobby juif, des impérialistes et de leurs valets locaux », lance un homme au complet noir. « J'ai été lundi à Ankara au siège du parti et j'ai parlé avec les grands pontes. Ils blâmaient également le lobby juif, certains quotidiens et chaînes de télévision de l'opposition. Mais apparemment, cet échec relève aussi de la responsabilité d'Erdogan. On dit qu'il est trop intervenu pendant la campagne, alors qu'en tant que président de la République, il devait rester neutre », explique cet homme qui se comporte comme le maître de la maison.
« À mon avis, c'est à cause de Davutoglu (le Premier ministre), qui est resté un peu passif lors de la campagne, que nous avons perdu », rétorque un autre.
« Tu sais, l'économie, les finances ne sont pas aussi bonnes qu'il y a quatre ans. Chez nous, dans le secteur de la construction, il y a beaucoup de problèmes. Donc, il ne faut pas accuser uniquement les juifs ou bien la secte Gülen (du nom du prédicateur Fethullah Gülen, un ex-allié d'Erdogan accusé par le pouvoir d'être au cœur de la crise politique qui agite la Turquie depuis 2013, NDLR). Il faut aussi voir nos propres fautes », répond un jeune barbu. Son intervention n'est pas très bien accueillie.
Le scrutin du 7 juin était essentiellement un duel entre le Parti gouvernemental et le HDP. Mais ce scrutin s'est aussi joué avec deux autres acteurs : les sociaux-démocrates du CHP et les nationalistes du MHP.
« Je suis heureux et triste à la fois, commente un électeur du CHP, ingénieur à la retraite. Heureux parce que l'AKP a perdu, heureux aussi car le HDP a dépassé le seuil des 10 % des voix, mais triste parce que le CHP n'a pas recueilli plus de votes... »
Le jour du scrutin, un transfert de voix s'est, en outre, fait de l'AKP vers le parti nationaliste MHP. « Je votais pour l'AKP depuis au moins 10 ans. Mais désormais, ça suffit, et j'ai voté cette fois-ci pour le MHP, car je n'aime pas les Kurdes ni les gauchistes d'ailleurs... », précise le patron d'une PME.
Aujourd'hui, la Turquie vit au rythme des débats sur la formation du prochain gouvernement. Tâche compliquée car aucun parti ne peut former tout seul un gouvernement. Trois options sont sur la table : un gouvernement de coalition, un gouvernement minoritaire ou bien des élections anticipées. De quoi alimenter les discussions dans les cafés.

« 2015 est une très bonne année pour moi... Galatasaray (l'équipe de foot) a remporté deux coupes, l'AKP (le parti de la Justice et du Développement) d'Erdogan est obligé de quitter le pouvoir grâce aux votes de HDP (parti kurde) », jubile un enseignant quarantenaire.Au Café Bebek, tout près de la mosquée, au bord du Bosphore, dans ce quartier chic d'Istanbul, haut lieu de...
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