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Liban - Trois questions à...

Ahdab à « L’OLJ » : Nous, sunnites, sommes libanais à part entière

L'ancien député de Tripoli explique les motifs derrière la naissance, vendredi, de « l'Initiative sunnite nationale ».

Les sunnites ont désormais leur cadre de référence. Vendredi dernier, une nouvelle structure, portant la signature de la communauté, est née. L'initiative nationale sunnite – un titre provisoire font remarquer ses fondateurs – se veut être un lieu de rencontre et de réflexion pour exprimer l'opinion et l'orientation d'une large partie de la rue sunnite libanaise. Prise dans un jeu d'amalgames et d'assimilations perçues comme injustifiées, celle-ci est déterminée à mettre un terme aux préjugés et accusations politiques et revendiquer haut et fort ses galons de libanité que l'extrémisme ambiant lui a malheureusement arrachés.

Lancée par l'ancien député Misbah Ahdab et plusieurs autres figures politiques et intellectuelles, et parrainée par Dar el-Fatwa, l'initiative annonce d'ores et déjà la couleur et définit les principes fondateurs qui l'animent : allégeance exclusive à l'État et à ses institutions, restitution à la seule armée du monopole de la violence, soutien inconditionnel aux accords de Taëf dont les clauses doivent être d'abord appliquées avant même de chercher à les dépasser et rejet de toute forme de violence. Bref, autant de « valeurs politiques » déjà partagées par d'autres formations, avec à leur tête les forces du 14 Mars et plus particulièrement le courant du Futur. Étrangement, ce dernier n'était pas représenté au lancement de l'initiative, une absence qui pourrait s'expliquer par le label « sunnite » que porte la nouvelle formation, une appellation que le courant du Futur tente probablement d'éviter.

D'emblée, les fondateurs coupent court à toute crainte ou tentative d'affubler ce rassemblement d'un habit communautaire. Il n'en est rien, assure Misbah Ahdab qui affirme aspirer à ouvrir les assises de cette structure à toutes les parties politiques et religieuses libanaises. Les mots d'ordre qui guident les participants : la modération et la coexistence, mais aussi la reconnaissance du Liban comme patrie définitive.

Interrogé sur l'aspect inédit de ce rassemblement, Misbah Ahdab répond aux questions de L'Orient-Le Jour.

Pourquoi un rassemblement dit sunnite aujourd'hui ?

L'idée est de mettre un terme à la vision manichéenne que certains tentent de répandre à propos des sunnites libanais que l'on cherche à classer soit avec Daech (l'État islamique) soit avec les régimes autoritaires. Les sunnites sont aujourd'hui victimes d'arrestations abusives. Toute une génération est pointée du doigt comme étant la génération terroriste. Des régions entières, telles que le Akkar, sont mises à l'index sachant que c'est cette dernière région qui fournit à l'armée ses plus gros effectifs.
L'autre amalgame que nous tentons de dénoncer est le fait de mettre sur un pied d'égalité les sunnites libanais et les sunnites syriens en disant : « Au Liban les sunnites ont atteint les trois millions. » Un peu comme si l'identité communautaire prévalait fatalement sur l'identité nationale. Comme si nous ne sommes plus des Libanais aux yeux de certains et que seule notre appartenance religieuse nous définit. Les sunnites ne veulent plus être persécutés dans leur propre pays dont ils sont une composante principale. Ce sont de tels préjugés que nous cherchons à inverser en réaffirmant notre allégeance totale au Liban, mais aussi notre modération. Si l'État islamique devient un véritable danger au Liban, ce sont les sunnites modérés qui pourront protéger les chrétiens et non l'ingérence guerrière du Hezbollah qui a exacerbé la lutte sunnito-chiite.

Le courant du Futur, qui n'est pas représenté au sein de vos assises, partage les mêmes principes et convictions que vous prônez. Pourquoi faire une nouvelle formation ?

Il est vrai que nous partageons les mêmes principes. Les représentants du courant du Futur ont été invités et sont toujours conviés à nous rejoindre à n'importe quel moment. D'ailleurs, le communiqué issu de notre première rencontre n'est pas définitif, et encore moins sacré, et le texte est soumis à discussion. L'idée est d'ouvrir grandes les portes devant toute formation, communauté ou parti disposé à avaliser les principes fondateurs que nous prônons. D'ailleurs le nom de l'initiative est également appelé à évoluer avec le temps pour devenir plus global, marqué du sceau national. Pour le moment, l'idée a émané d'un groupe de représentants sunnites de tous bords pour essayer de réorganiser la famille sunnite, tout en restant ouverts et disposés à accueillir les autres. D'autant que les valeurs que nous défendons sont à caractère national et vont dans le sens des propos de Jean-Paul II : Le Liban est un message.

Le Hezbollah sera-t-il également invité à rejoindre vos assises ?

Le Hezbollah est un parti qui représente une large frange de la population libanaise. Ce que nous souhaitons c'est qu'il fasse une conversion du modus operandi, qui consiste pour lui à exercer son hégémonie sur l'État, au modus vivendi, ou la formule du vivre en commun sous l'égide de l'État. Théoriquement, notre main est tendue vers le Hezbollah, mais sur la seule base des principes énoncés.
D'ailleurs des personnalités du camp du 8 Mars étaient présentes, tel que le représentant de l'ancien ministre Abdel-Rahim Mrad. Étaient également présents un représentant de l'ancien Premier ministre, Nagib Mikati, et des parties aussi diverses que la Jamaa islamiya, les Najjadé, le parti al-Ittihad, des académiques, des avocats et des penseurs de tous horizons.


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