Avec la visite à Beyrouth de l'émissaire de l'Onu en Syrie, Staffan de Mistura, le dossier syrien s'impose sur la scène locale, régionale et internationale.
Les développements sur le terrain, dans le Qalamoun, à Idlib et à Soueïda notamment, donnent lieu à de nombreuses interprétations. Comme à chaque revers essuyé par le régime syrien, les médias du 14 Mars, ainsi que d'autres, régionaux et occidentaux, s'empressent d'annoncer sa chute imminente. Ceux qui se veulent plus réalistes évoquent le scénario d'une partition de la Syrie et le repli des alaouites vers le littoral, affirmant que le régime est en train de perdre ses alliés, la Russie étant contrainte de faire preuve de réalisme et ayant par conséquent compris que le régime de Damas est une carte perdante. Selon cette thèse, l'Iran continue à l'appuyer, mais ce pays, qui est à la veille de signer un accord historique avec la communauté internationale, sait aussi faire preuve de pragmatisme et il a perdu ses illusions sur les capacités du régime syrien et de son armée à remporter une victoire décisive. Seul le Hezbollah continue de s'impliquer dans la guerre en Syrie et il fait de son mieux pour aider le pouvoir, mais il ne peut pas, à lui seul, renverser les rapports de force, désormais en défaveur du régime.
Dans le camp opposé, l'évaluation des développements est différente. Les sources proches du Hezbollah et de Damas reconnaissent qu'ils ont un problème d'effectifs. L'armée syrienne se bat depuis quatre ans et certaines de ses unités sont fatiguées. Elle est présente sur plusieurs fronts, et ses soldats doivent souvent faire face à un flux de combattants qui paraît inépuisable. C'est pourquoi le régime syrien serait passé à une nouvelle tactique militaire, celle de défendre les grandes villes, sans plus se soucier des vastes étendues désertiques qui forment la plus grande partie du territoire syrien. Lorsqu'on dit que le régime ne contrôle plus que 30 à 35 % du territoire, c'est donc vrai, mais les 65 à 70 % contrôlés par l'opposition sont essentiellement formés de désert. La situation est toutefois différente sur le front nord avec la Turquie, ce pays envoyant les combattants par milliers et allant même jusqu'à les encadrer puisque, toujours selon les mêmes sources, 500 officiers turcs auraient participé à la bataille de Jisr el-Choughour, qui a constitué un tournant dans la guerre en menaçant directement le rif de Lattaquié. En donnant son feu vert et en appuyant directement les combattants dans la chute de Jisr el-Choughour, la Turquie a franchi un pas dans la confrontation et ce pas exige une réponse de la part de la Syrie et de ses alliés. Les sources proches du Hezbollah et du régime syrien déclarent à cet effet qu'une réunion a eu lieu il y a quelques semaines entre des représentants russes, iraniens, syriens et du Hezbollah pour étudier les moyens de mener une contre-offensive. Il aurait été ainsi convenu de préparer une contre-attaque à Idleb et Jisr el-Choughour. Il faudrait donc attendre un peu avant de passer aux conclusions hâtives.
Les mêmes sources précisent aussi que tout un tapage a été fait autour de Palmyre, mais que si la ville est tombée entre les mains de Daech et de ses alliés, ses environs sont encore entre les mains du régime. Même chose pour Zabadani, dont une partie de la ville et du jurd sont sous le contrôle de l'armée syrienne. Cette région est d'ailleurs très importante puisqu'elle constitue un des verrous de la capitale Damas, avec, du côté nord-ouest, le jurd du Qalamoun que le régime et les combattants du Hezbollah sont en train de contrôler. Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si le parti chiite a commencé par le secteur de ce jurd qui est le plus proche de la capitale, pour remonter vers le nord, ayant ainsi réussi à fermer les failles possibles du côté libanais qui fait face à Zabadani, tout en renforçant la sécurité autour de Damas. Le Qalamoun est d'ailleurs une région stratégique à plus d'un titre et la bataille qui s'y déroule est de la plus haute importance, même si certains médias du 14 Mars la considèrent sciemment comme négligeable. Cette bataille permettra en effet de fermer une éventuelle issue libanaise pour les combattants de l'opposition, alors que les frontières avec la Turquie et l'Irak sont désormais pour eux ouvertes. De plus, les hautes cimes de la région du Qalamoun, notamment la dernière prise par le Hezbollah et l'armée syrienne il y a trois jours, permettent de contrôler militairement par les missiles tout le front, jusqu'à Jabal el-Cheikh. La région étant peu peuplée et comportant des grottes quasiment imprenables, les missiles (qui constituent désormais l'arme majeure des guerres dans la région) peuvent y être stockés en toute sécurité... Dans cette zone, le Hezbollah maîtrise donc la situation et même si le problème de Ersal ne sera pas réglé, car le Hezbollah a déclaré à maintes reprises qu'il n'y entrera pas, cette localité sera pratiquement isolée, avec l'étau établi par l'armée autour de ses entrées.
Par contre, c'est vers la région de Homs et de Soueida que les efforts se concentrent actuellement. À Soueida, les combattants ont réussi, par le biais du massacre de 40 civils, à pousser les druzes jusque-là plus ou moins neutres à combattre aux côtés du régime. Mais les Israéliens se sont mobilisés, et désormais les Turcs cherchent à apaiser la situation. Par contre, c'est la région de Homs qui pose problème. Si les combattants de l'opposition parviennent à y effectuer quelques percées, ils pourraient bien être tentés de faire le lien avec le nord du Liban, pour relancer le fameux projet d'un émirat islamiste dans cet espace, sachant qu'en raison de l'aspect confessionnel du conflit, le Hezbollah n'est pas présent à la frontière nord. C'est l'armée libanaise qui sera aux premières lignes, alors qu'elle a déjà eu bien du mal à s'imposer à Tripoli et que le plan de sécurité dans la ville a été le fruit d'un accord politique...
Liban - Décryptage
Les développements du terrain syrien et les risques pour le Liban-Nord
OLJ / Par Scarlett HADDAD, le 15 juin 2015 à 00h00
Il est louche que toutes les villes syriennes soient mentionnées dans cette analyse, sauf Alep ! Son sort est il déjà scellé ? Gagnée par les hommes du sultan Erdogan et de Fabius ( Al Nosra fait du bon travail avait il dit ) Vos collègues du Safir, informés à la même source, n'en parlent pas eux aussi. A l'heure d'écrire ces lignes, les obus pleuvent sur la zone non occupée, morts et blessés par dizaines...
17 h 53, le 15 juin 2015